
Épisode 1 – Comment fabriquer des héros (sans le vouloir)
C’est une opération très simple : vous prenez un homme libre, une femme qui parle, un avocat qui pense, un politicien un peu trop indépendant. Vous les mettez en prison. Vous les isolez. Vous les transférez d’un bout à l’autre du pays. Vous leur refusez le sport, les soins, les livres, le téléphone, la dignité. Vous vous dites que, dans un mois, on les aura oubliés.
Eh bien non. Raté.
Car pendant que les barbecues de l’Aïd crépitent et que les moutons agonisent dans les ruelles, eux — les « détenus politiques » qu’on voulait effacer — sont en train d’écrire leurs noms en lettres d’or dans les marges de l’Histoire.
Ridha Belhaj jardine. Ahmed Souab philosophe. Ghazi Chaouachi réconforte son avocate. Sonia Dahmani fait danser ses codétenues. Issam Chebbi garde le sourire. Les prisons sont devenues des amphithéâtres. Les transferts punitifs, des tournées nationales. Et les procès absurdes, des anthologies du ridicule à publier en plusieurs tomes.
Le pouvoir, croyant les bâillonner, les a élevés au rang de consciences nationales. Il a voulu les punir, il en a fait des martyrs laïques. Il a tenté de les isoler, il les a réunis dans l’imaginaire collectif. Résultat : ce régime produit plus de militants historiques qu’un congrès de gauche un soir d’élection.
Et pendant ce temps, nous — pauvres citoyens — nous interrogeons : s’il suffit d’un geste de la main pour être arrêté, faudra-t-il bientôt signer nos SMS en langage des signes ? Ou apprendre à hocher la tête selon le décret 54 ?
En attendant, qu’on se le dise : la prison, aujourd’hui, est le plus sûr moyen d’entrer dans la postérité. Les palais se vident, les cellules se remplissent, et la mémoire nationale fait son marché là où on l’attend le moins. Le silence du pouvoir fait du bruit. Et les barreaux, désormais, encadrent des visages que l’on n’oubliera plus.
Épisode 2 – Comment dissoudre une société… et injecter l’absurde
On connaissait le dissous dans le café. Voici venu le dissous dans le décret. À défaut de réformer l’État, on dissout des entreprises. Et à défaut de comprendre l’économie, on dissout la logique.
C’est donc Itissalia, société spécialisée dans le gardiennage, le nettoyage et les espaces verts, qui a été désignée cette semaine comme menace pour la République. Pas pour avoir fraudé. Pas pour avoir échoué. Non. Pour avoir gagné trop de marchés publics. Une forme de succès devenue intolérable en régime de suspicion permanente.
Mais attention, on ne veut pas licencier le personnel, non, ce serait trop simple. On veut imposer aux clients publics d’Itissalia — administrations, offices, entreprises publiques — d’embaucher directement les agents qu’ils faisaient travailler à temps partiel. À temps plein. Et sans budget prévu, évidemment. Le progrès version 2025.
C’est donc la grande idée du moment : forcer des structures à embaucher des gens dont elles n’ont pas besoin, pour un travail qui ne justifie pas un plein temps, sous prétexte de moralité sociale. Et quand ces structures crouleront sous les charges, on dira qu’elles sont mal gérées. Le serpent administratif qui se mange la queue, mais avec un décret.
Le crime d’Itissalia ? Être une entreprise tunisienne qui fonctionnait. Offrir un peu de flexibilité à un secteur public déjà paralysé. Employer légalement des milliers de travailleurs souvent modestes. Mais dans un pays où la gestion pratique est suspecte, il ne faut surtout pas que quelque chose fonctionne.
Alors on dissout. On dissout les sociétés. On dissout les contrats. On dissout les équilibres. Et au passage, on dissout l’idée même de rationalité. Parce qu’en Tunisie, il vaut mieux que tout aille mal pour que certains se sentent bien.
Épisode 3 – Du Colisée à Las Vegas, l’humanité tourne en rond
C’est officiel et ça a été annoncé cette semaine : du 28 juin au 1er juillet 2026, l’humanité régressera en direct depuis Las Vegas, capitale mondiale de l’excès, pour inaugurer les tout premiers Enhanced Games, ces Jeux olympiques où le dopage sera autorisé. Adieu l’époque où la honte frappait ceux qui se dopaient.
Désormais, on ne contrôle plus les urines, on les optimise. On ne traque plus les stéroïdes, on les sponsorise. On ne cache plus les seringues : on les brandit comme des torches olympiques nouvelle génération.
À la tête de cette trouvaille, un certain Aron D’Souza, entrepreneur australien, qui promet un million de dollars pour chaque record du monde battu. La performance est la nouvelle morale. L’hormone, la nouvelle devise. Et l’humain ? Un simple support biologique à améliorer.
Mais à y regarder de près, rien de nouveau sous le soleil. Les Enhanced Games ne sont qu’un Colisée 2.0. On y jette des corps dans l’arène, non plus pour les livrer aux lions, mais aux applaudissements de foules fascinées. Peu importe les conséquences : ce qui compte, c’est le moment où la foule rugit.
À Rome, on applaudissait les gladiateurs qui s’entretuaient. En 2026, on applaudira des athlètes surdimensionnés, au bord de la rupture d’anévrisme, pulvérisant des records avec des muscles gonflés comme des baudruches. Même logique : le spectacle prime, le reste est décor.
Et tout est pensé pour séduire :
– des bonus en cash pour les exploits chimiques,
– des caméras haute définition pour filmer chaque contraction,
– et peut-être bientôt, un abonnement premium pour suivre la chute des reins en slow motion.
Ce n’est plus du sport, c’est du tuning humain. Un mélange de cirque, de laboratoire et de marché boursier.
La question n’est plus de savoir si c’est dangereux — tout le monde le sait. Mais qu’est-ce que cela dit de nous ? De ce besoin collectif d’être fasciné par des créatures hors normes, jusqu’à accepter qu’elles s’empoisonnent pour nos divertissements.
Le progrès technique n’a jamais été aussi rapide. Le progrès moral, lui, semble avoir posé un congé sabbatique depuis quelques siècles. Il revient peut-être de temps en temps, sous forme de documentaire. Puis repart aussitôt, écrasé par le battage promotionnel d’une société qui préfère un muscle surdosé à une idée bien placée.
Du Colisée à Las Vegas, l’humanité tourne en rond. Elle tourne vite, certes. Mais à force de tourner, elle finit toujours par retomber dans les mêmes ornières : celles où la souffrance des uns nourrit le plaisir des autres.





Chère Compatriote, Madame Maya Bouallégui,
Je vous cite: "La question n'est plus de savoir si c'est dangereux ' tout le monde le sait. Mais qu'est-ce que cela dit de nous ? De ce besoin collectif d'être fasciné par des créatures hors normes, jusqu'à accepter qu'elles s'empoisonnent pour nos divertissements. [...] Le progrès technique n'a jamais été aussi rapide. Le progrès moral, lui, semble avoir posé un congé sabbatique depuis quelques siècles."
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Il faudrait définir d'abord ce que c'est "le progrès moral" --> je m'explique::
A) bonheur individuel / universel
a1) Le but de l'existence de chaque individu est la poursuite du bonheur individuel.
a2) le but de l'humanité est la recherche du Bonheur universel.
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comment trouver un compromis entre a1) et a2)?
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la Solution conçu par Jeremy Bentham consiste à "rechercher le maximum de bonheur individuel pour le plus grand nombre d'individus" --> on abouti ainsi à une arithmétique de jouissance et de Bonheur.
Exemples: Que pensent les Tunisiens de la corruption? --> Oui, les Tunisiens ont une nostalgie pour les temps de la corruption du temps de la dictature de Ben Ali. --> vous me dites que c'est immoral et viole ainsi les principes de la morale établie. --> vous dites vrai, Madame Maya Bouallégui, par contre la corruption du temps de la dictature de Ben Ali a garanti "le maximum de bonheur individuel pour le plus grand nombre de Tunisiens" alors que la pseudo démocratie de Kais Saied n'a garanti que "le maximum de souffrance pour le plus grand nombre de Tunisiens"
-->
Alors Madame Maya Bouallégui, qu'est-ce-qui est immoral "le maximum de bonheur individuel pour le plus grand nombre de Tunisiens" ou bien "le maximum de souffrance pour le plus grand nombre de Tunisiens"
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la réponse devrait être évidente...
certes l'idéal serait un Etat de droit avec "le maximum de bonheur individuel pour le plus grand nombre de Tunisiens", mais nous n'avons pas ce choix et on ne l'aura pas trop vite puisque Kais Saied a bien programmé la Tunisie pour la prochaine dictature et le prochain dictateur après lui....
Jérémy Bentham évalue la valeur d'une action à ses conséquences puisque, selon Bentham, "l'observation anthropologique montre non seulement que tous les hommes agissent par intérêt et désirent leur propre bonheur, mais aussi que « tous calculent » pour l'obtenir."
B) Je reviens aux citations ci-dessus:
je vous cite Madame Maya Bouallégui "ce besoin collectif d'être fasciné par des créatures hors normes, jusqu'à accepter qu'elles s'empoisonnent pour nos divertissements"
-->
Oui ça fait un sens d'après Jérémy Bentham, en effet on aboutit à un maximum de plaisir/ bonheur individuel pour le plus grand nombre d'individus (et peut-être des souffrances pour quelques uns)
remarque: Je ne suis pas adepte de l'Utilitarisme. je n'ai fait que des citations...
Très Cordialement
Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger
C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique / -économique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.
Un monsieur qui peut trouver un petit coin de terre dans une prison, et qui décide de jardiner et de verdir ce petit lopin de terre. A tout compris.
Quand aux partis politiques, j'espère que si un jour (peut-être prochain ) ils reviennent à la politique, j'espère qu'ils auront appris à FAIRE de la politique !!!
Parce que pendant 10 ans, tous ou presque ,avaient oublié l'économie !!
La malhonnêteté intellectuelle l'emporte sur tout le reste.
C'est un naufrage des valeurs humaines.
Je ne sais pas, si les très rares personnes valables, pourraient changer les choses.
C'est un travail de titan.
Cependant, pas sous l'angle que vous nous présentez, mais sous celui qui met en avant, un nombre inimaginable et inquantifiable, de vendus et de traitres à la NATION, qui s'activent frénétiquement, semant zizanies et entourloupes, qui, à terme, finiront par détruire le pays !!!!
La saison du tennis et du racket.
L'histoire fera la distinction entre les héros victimes d'un putschiste et les zéros des égouts. Que retiendra l'histoire du passage éphémère de saied à la tête de la Tunisie?
Bon Aïd aux lecteurs de BN et condoléances aux moutons (les vrais et les suiveurs du putschiste).