
Le comité de défense de la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, détenue depuis le 3 octobre 2023, a tenu une conférence de presse ce mercredi 8 janvier 2025, pour évoquer les derniers développements de l’affaire dite du "bureau d’ordre". Le comité a affirmé vouloir partager les détails de cette affaire avec le peuple tunisien.
Des accusations précipitées et contradictoires
Karim Krifa, membre du comité de défense, a révélé, en se référant aux documents du dossier, qu’il n’a fallu que six minutes après le début du live pour que l’officier de la police judiciaire constate qu’un crime avait été commis. Selon lui, l’officier a affirmé qu’Abir Moussi se trouvait dans un endroit interdit, qu’elle tentait de franchir les barrières pour accéder au palais présidentiel, qu’elle incitait les citoyens à la rejoindre et qu’elle s’apprêtait à renverser le régime. Durant ce laps de temps, l’officier aurait également informé le ministère public, qui aurait immédiatement ordonné l’arrestation et l’interrogatoire de Mme Moussi. Pourtant, Karim Krifa a souligné que l’ordonnance du ministère public était datée du 2 octobre, alors que les faits se sont déroulés le 3 octobre 2023.
Une tentative de dépôt de documents mal interprétée
L’avocat a précisé qu’en visionnant le live de ce jour-là, il apparaît clairement qu’Abir Moussi déclarait seulement vouloir déposer des documents au bureau d’ordre de la présidence de la République. Un huissier de justice s’était rendu plus tôt dans la journée au même bureau, où, après avoir pris des photos et demandé l’aval de ses supérieurs, les agents avaient refusé d’accepter les documents, obligeant la présidente du PDL à se déplacer elle-même.
Il a également ajouté que les photos prises ce jour-là montrent qu’Abir Moussi se trouvait au bon endroit, contrairement aux affirmations de l’officier de la police judiciaire.
Une instruction critiquée pour son manque de transparence
Karim Krifa a aussi critiqué l’instruction, affirmant que le comité de défense avait demandé au doyen des juges d’instruction de présenter les images des caméras de surveillance prouvant les prétendus méfaits de leur cliente. Ces images n’ont toutefois jamais été fournies. Il a également demandé au doyen de se rendre sur place pour vérifier les éventuels dépassements, ce qui n’a pas été fait, selon les rapports de clôture de l’instruction.
Selon M. Krifa, le doyen des juges d’instruction a basé ses conclusions sur la présence d’une signalétique interdisant de photographier et de filmer. Cependant, cette signalétique se trouvait sur la route principale et non à l’endroit où se trouvait Abir Moussi. Il a dénoncé le fait que « toutes les demandes du comité de défense ont été rejetées, tandis que celles du ministère public ont été acceptées, témoignant d’une volonté manifeste d’accuser la présidente du PDL en vertu de l’article 72 du Code pénal, et de la condamner à mort ».
Retour à l’article 72 : la défense dénonce
L’avocat a précisé que le rapport de clôture de l’instruction, daté du 30 janvier 2024, avait écarté les accusations relevant de l’article 72 du Code pénal. Cependant, le ministère public avait fait appel de cette décision. La Chambre d’accusation avait ensuite confirmé le rapport, ce qui n’avait pas satisfait le ministère public, qui avait saisi la Cour de cassation.
Cette dernière, selon Karim Krifa, aurait violé l’article 269 du Code de procédure pénale en approuvant l’appel. L’affaire avait alors été renvoyée devant une nouvelle composition de la Chambre d’accusation, qui avait annulé le rapport de clôture de l’instruction et ordonné une nouvelle enquête. Celle-ci, confiée aux mêmes enquêteurs, avait conduit à un nouveau rapport de clôture en décembre 2024, qui retenait finalement les chefs d’accusation mentionnés dans l’article 72 du Code pénal.
Karim Krifa a conclu : « Nous ne sommes pas face à un dossier judiciaire, mais exclusivement à un dossier politique ».
Abir Moussi est en détention depuis octobre 2023. Elle avait été arrêtée alors qu’elle se trouvait en compagnie d’un huissier de justice et de quelques dirigeants du PDL devant le bureau d’ordre du palais de Carthage. Elle souhaitait déposer une demande de recours administratif, une procédure obligatoire en cas de contestation d’une décision émanant d’un organisme public. Depuis, elle fait face à de nombreuses poursuites judiciaires.
Le 24 décembre 2024, la Chambre d’accusation près la Cour d’appel de Tunis a confirmé la clôture de l’instruction dans l’affaire dite du "bureau d’ordre" et renvoyé le dossier de Mme Moussi devant la Chambre criminelle. Les accusations incluent des chefs tels que « attentat visant à changer la forme du gouvernement », « incitation à l’armement mutuel » ou encore « provocation au désordre, au meurtre ou au pillage sur le territoire tunisien », en vertu des dispositions de l’article 72 du Code pénal.
I.N.