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Chroniques
Youssef Chahed ne panique plus, il s’énerve !
Par Nizar Bahloul
26/08/2019 | 15:59
7 min
Youssef Chahed ne panique plus, il s’énerve !

 

 

De retour d’un long congé de 15 jours (une première !), je me retrouve en plein champ de bataille où les coups fleurissent de partout. Sans aucun doute, la campagne électorale bat son plein, la Tunisie vit un agréable, un très agréable, moment démocratique. On n’a plus rien à envier à la crise politique que vit actuellement l’Italie avec la démission du gauchiste populiste Giuseppe Conte, poussé par le « gamin » nationaliste tout aussi populiste Matteo Salvini. Nos plus proches voisins du Nord nous ont toujours influencé et réciproquement. Rome et Carthage ont toujours existé, bien avant l’invasion des arabes et des barbares. Ils ont leurs populistes, nous avons les nôtres. Ils ont leurs gamins (Salvini n’a que 46 ans), nous avons les nôtres. Ils ont leurs mafieux notoires, nous avons les nôtres. Parfois même, leurs gamins sont amis avec les nôtres et leurs mafieux sont associés aux nôtres.

De retour de congé, donc, je retrouve une scène de guerre où l’Iznogoud tunisien, Youssef Chahed, ne sait plus quoi faire pour retrouver la place du calife après la mort du calife, Béji Caïd Essebsi. Personnellement, je ne le reconnais plus ! Ou je ne me reconnais plus. « Malade qui doit se soigner », comme m’a confié l’une de ses plus proches amies.

 

En l’espace d’une semaine, il a cumulé autant de gaffes qu’il en a faites durant les trois ans de son passage à la Kasbah. Dans sa chronique hebdomadaire, Sofiène Ben Hamida a bien exposé ces gaffes et leur étendue. Dans un pays qui se respecte, et en temps normal, chacune d’elle aurait déclenché un séisme politique, voire provoqué « l’impeachment ». La nationalité française cachée, la fouille au corps de Hafedh Caïd Essebsi, l’arrestation spectaculaire de Nabil Karoui, la cérémonie du 40ème jour de Béji Caïd Essebsi interdite à la Cité de la Culture et le passage de témoin à Kamel Morjane ! En l’espace d’une semaine, Youssef Chahed n’a fait que surfer entre l’illégal et l’immoral !

Pourquoi il en est arrivé là, lui qui avait tout pour gagner avec une autoroute dégagée vers Carthage ? La réponse tient en un mot : Youssef Chahed s’énerve. Il n’est plus en mode panique, il s’énerve ! Et quand on s’énerve, on fait n’importe quoi.

Plongé dans sa campagne, le nez dans le guidon avec une équipe de campagne totalement hermétique aux critiques, sûr de lui et de son bon droit, Youssef Chahed multiplie les mauvais signaux et déçoit de plus en plus ses plus proches soutiens. Pour tous ceux qui ont soutenu ou cru en Youssef Chahed, « décevant » est le mot qui lui sied le mieux.

Sans aucun doute, son acte le plus décevant et le plus répréhensible est le fait de nous avoir caché, trois ans durant, sa nationalité française. Dans sa chronique hebdomadaire, Marouen Achouri a brillamment exposé ce grossier mensonge.  Inutile d’en rajouter une couche. Je me suffirai d’une phrase émotive et conclusive : « Ce qui me bouleverse, ce n'est pas que tu m'aies menti c'est que désormais je ne pourrais plus te croire ». Ainsi parlait le grand philosophe Friedrich Nietzsche.

 

Son deuxième acte le plus répréhensible est cette arrestation du favori des sondages, Nabil Karoui.

Nabil Karoui est pour la Tunisie ce qu’est Silvio Berlusconi pour l’Italie. Ils sont associés d’ailleurs. Les deux sont des hommes d’affaires, les deux sont des hommes de média, les deux ont commencé la politique sur le tard, les deux sont des hommes à femmes et les deux ont la réputation d’être des mafieux.

La réputation de Nabil Karoui n’a rien de nouveau, on l’a toujours laissé faire. Ce n’est que le jour où il est devenu premier dans les sondages qu’on décidât de lui dire « stop ».  

Sa chaîne Nessma baigne dans l’illégalité depuis des années et le gendarme de l’audiovisuel, la Haica, a décidé son arrêt depuis des années. Ce n’est que le jour où Nabil Karoui est devenu premier dans les sondages que l’on a bien voulu mobiliser les forces de l’ordre afin d’exécuter (en vain) la décision de la Haica.

Le blanchiment d’argent dont on l’accuse n’a rien d’exceptionnel, cela fait des années qu’on accuse Ennahdha and co de la même pratique (preuves à l’appui), mais il n’y a que Nabil Karoui qui a fait les frais de ce blanchiment supposé d’argent.

L’évasion fiscale dont on l’accuse n’a rien de nouveau ou d’exceptionnel. Nous avons au moins deux autres candidats à la présidentielle qui sont accusés d’évasion fiscale (ils ont avoué eux-mêmes leur redressement de centaines de milliers de dinars), à savoir Abir Moussi et Seifeddine Makhlouf, mais il n’y a que Nabil Karoui qui fut poursuivi et arrêté pour avoir pratiqué ce sport national et uniquement au lendemain de sa montée dans les sondages.

Les mafieux, les corrompus et les évadés fiscaux qui font de la politique et se présentent aux élections se comptent par dizaines, mais seul Nabil Karoui a fait l’objet d’une procédure spéciale et d’une mise sous écrou.

Les dépassements et tricheries dans le processus électoral sont nombreux et l’Assemblée n’a rien fait, cinq ans durant, pour mettre le holà. Cette même assemblée a cependant réagi au quart de tour pour essayer de pondre (en vain) une législation spéciale pour empêcher Nabil Karoui de se présenter à la présidentielle.

Et, pour finir, seul Nabil Karoui a fait l’objet d’une large campagne médiatique de dénigrement de la part d’I Watch, cette ONG financée par George Soros et l’Union européenne qui prétend lutter contre la corruption.

 

Comme quelques milliers de Tunisiens avisés, et Youssef Chahed à leur tête, je considère Nabil Karoui comme mafieux, il n’y a pas à dire, c’est indéniable. Mais comme quelques milliards de personnes sur cette terre, j’ai la naïveté de croire en un idéal de justice et je considère Nabil Karoui comme innocent tant qu’il n’a pas eu de procès juste en bonne et due forme et condamné par un tribunal par une sentence, tout aussi juste, ferme et définitive. La justice est supérieure à tout et doit rester supérieure à tout.

Ce qu’a fait Youssef Chahed est contraire à la justice et contraire à la démocratie. Par son acte de vendredi dernier et l’arrestation de Nabil Karoui, il a trainé dans la boue l’image de la justice et son indépendance. Il y a eu des principes de droit qui ont été bafoués vendredi dernier, comme l’ont confirmé plusieurs magistrats, et ces violations des principes de droit sont plus graves que tout le reste. Regardez où nous en sommes et où en est notre justice ! Toute une procédure lancée pour barrer la route à un candidat à la présidentielle, basée sur une plainte déposée par une ONG financée par une puissance étrangère et un milliardaire odieux. A mes yeux, un mafieux est plus respectable qu’un traitre à la nation caché dans une ONG qui quémande de l’argent étranger pour dénoncer (dommage que le verbe « délater » n’existe pas) ses compatriotes et tirer quelques profits au passage.

 

Malgré la gravité de tout ce qui précède, Youssef Chahed est coupable de quelque chose d’encore plus grave. Plus grave, car elle est invisible et ne découle pas d’un acte particulier. Youssef Chahed a divisé le peu qui reste du camp progressiste laïc. Observez les commentaires et les réactions haineuses sur les réseaux sociaux, notamment sur les murs de ses aficionados. La page Facebook de notre contributeur régulier, et candidat Tahya Tounes, Karim Baklouti Barketallah, est remplie de réactions haineuses. Hélas, Youssef Chahed nous a divisés. Je connais même une famille divisée parce que ses membres n’étaient pas d’accord autour de son personnage et de sa politique.

En dépit d’un bilan mitigé, qui pourrait même être considéré plus ou moins positif, Youssef Chahed s’est énervé un peu trop vite et a ôté son masque un peu trop tôt. Ou plutôt, pour notre chance, il l’a ôté à temps pour qu’on puisse voir son vrai visage avant les élections. Puisqu’il faut le redire, pour tous ceux qui ont soutenu ou cru en Youssef Chahed, « décevant » est le mot qui lui sied le mieux. C’est triste et c’est dommage pour le jeune qu’il est et pour tous ceux qui ont cru en la jeunesse de la nouvelle classe politique !

Par Nizar Bahloul
26/08/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (75)

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yasmin
| 09-09-2019 14:58
Je me demande si vous avez lu ce que vous journalistes de la rebrique " A la une" publient comme commentaires futiles sur les debats et les info elections en general ( ka3deen yetb3ou fil les chiffres...). Vraiment!!!... nokta mta3 1000 nimmala dekhlet lil ghar...) dommage pour BNews

Wissem
| 08-09-2019 16:16
La différence entre Youssef Chahed et Beji Caïd Essebsi (Allah yar7amou) :

Youssef Chahed : https://youtu.be/rBoduoCy98E

Beji Caïd Essebsi : https://youtu.be/_bxA5W9Mom0

...

nazou de la chameliere
| 27-08-2019 18:02
vient de fouineur (ca lui fait plaisir ,mais faut dire que c'est une bonne analyse )
Sauf que malheureusement ,a un moment dans le passé NB a lui aussi tourné le dos a bajbouj ***
NB se rappelle surement quand je lui avais reproché de ne pas assez connaitre bajbouj !
Mais ....mieux vaut tard que jamais !
Et je comprends pour hier !

HAtemC
| 27-08-2019 18:01
Je ne comprends pas le revirement de BN mais « Le c'?ur a ses raisons que la raison ignore » '?'
Karoui est un petit délinquant et n'aura jamais ma voix '?'

Le Fouineur
| 27-08-2019 16:31
Les débats et je dis bien les débats (commentaires des lecteurs) et non les articles des journalistes de BN ne reflètent pas la réalité de ce que pensent la majorité des tunisiens. Certains lecteurs de BN pensent (ou veulent nous faire croire) que leurs assertions sont des vérités absolus que leur chouchou est le messie absolu. A ceux qui se demandent si Nizar B a tourné la veste ? Mon point de vue est que Nizar Bahloul, à un certain moment a voulu comme d'autres donner un coup de pouce à YC pour ne pas disperser les voix du ex Nida, mais il s'aperçût que le mal est irrémédiable et que son appui pour YC ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau et qu'une éventuelle obstination ne pourrait que servir la Nahda. Si nous voulons comparer des élections de 2019, il faut les comparer avec les élections de 2011 et non 2014. Car en 2014 il y avait un leader rassembleur et crédible BCE ; aujourd'hui nous avons des diviseurs. J'ai lu et relu l'article de Nizar B et je n'ai constaté à aucun moment qu'il appuie la candidature de Nabil Karoui, mais qu'il s'insurge contre l'excès de zèle, car si c'était un autre tunisien et même un terroriste (l'exemple d'ABOU YAD à la mosquée du Passage) on aurait pas agi de la sorte. Non HCE n'avait pas des devises sur lui. Les autorités avance comme prétexte qu'il y a eu une délation mensongère. Si par exemple je fais une fausse délation sur le chef d'un autre parti politique et j'avance qu'il rentre en Tunisie avec quelque chose caché dans ses partis intimes. Est-ce- que la douane va lui faire une fouille approfondie ? Pour conclure : lancer des jasmins ou lancer des orties envers YC sur BN ne va rien changer au score de YC lors des présidentielles. Par contre dire la vérité serait utile et renforcerait la crédibilité de BN surtout auprès de la presse étrangère.

Zohra
| 27-08-2019 16:14
Vous avez toutes les réponses à vos questions par l'intéresse c-a-d Chahed. Tout est clair

HatemC
| 27-08-2019 15:41
Le lien de l'arrestation de Tapie

https://www.youtube.com/watch?v=xdKFuPIcLXw

HatemC
| 27-08-2019 15:40
C'est le mot TIMING qui revient le plus souvent, ou pourquoi l'arrêter à 3 semaines des élections et pas avant, cela appuie donc la théorie que Chahed est derrière cette arrestation pour éliminer ce candidat qui jouit parait-il d'une assise populaire et en avance sur tous les autres candidats dans les sondages etc etc ... C'est de la D'?MAGOGIE pour orienter l'opinion publique déjà malmenée et je suis surpris que le média BN s'aligne aussi sur cette théorie du complot.
Dixit NB : "Ce qu'a fait Youssef Chahed est contraire à la justice et contraire à la démocratie. Par son acte de vendredi dernier et l'arrestation de Nabil Karoui, il a trainé dans la boue l'image de la justice et son indépendance. " plus violent tu meurs.

Il me semble cher Ghazi que l'espace-temps de la justice et celui de la politique n'est pas le même et vous le savez on n'instruit pas l'émission de chèque sans provisions comme une affaire plus complexe de blanchiment d'argent ...
Le juge prend le temps qu'il faut pour instruire l'affaire et surtout aller chercher les preuves, les mouvements dans les comptes, et quand on parle de blanchiment cela suppose que l'argent a transité par des banques étrangères via des sociétés écrans et j'en passe, l'instruction peut même durée des années, quand le juge est prêt il émet son mandat d'amener ...

L'affaire TAPIE a duré des années avant de l'emprisonner, arrestation mouvementé ( lien plus bas), il était pressentit pour la présidence lui aussi, là pas de TIMING ou autre connerie, En Taule La Racaille '?' Eva Joli a même demandé à la brigade financière de mettre sous surveillance discrète Bernard Tapie si dès fois il est informé de son arrestation imminente et ne tente de s'enfuir '?'

CHARLES PASQUA, ministre de l'Intérieur répondant aux journalistes "Au juge de décider, la police exécute".

Et chez nous, on parle de kidnapping, d'enlèvement, on nage en plein délire '?'.

Le TIMING qui paraît suspect pour enrhumer les crétins crédules devient l'argument premier pour rendre Chahed coupable...
Raison pour laquelle l'espace-temps de la justice est différent de celui de la politique ou autre ...

C'est comme si un juge d'instruction émet à mon encontre un mandat et là je lui dit mais là c'est pas possible, ça tombe mal, fallait me convoquer avant, mais avant le juge n'avait pas assez d'élément avant ...
Je ne comprends pas cette cabale pour descendre Chahed et ce qui est incompréhensible c'est le soutien INCONDITIONNEL à Karoui, comme le dit BONZ dans son commentaire : " il y une grande différence entre un mafieux à la tête d'une chaîne de télé et un mafieux à la tête de l'état" ... tout est dit.

On veut d'une justice indépendante et qui agit et quand elle le fait on lui reproche le timing n'était pas approprié ...
Ou alors pourquoi lui ce Karoui et pas les ronds de cuir islamiste ...HC

zamharir
| 27-08-2019 15:25
1/ Il y a quinze siècles que la Tunisie a basculé dans la civilisation arabo-musulmane. Continuer à parler d"invasion arabe, outre qu'il s'agit d'un non-sens historique si on veut bien ne pas s'en tenir à l'historiographie pré-coloniale, qui révèle aussi d'un manque de respect pour les Tunisiens attachés à leur identité. Des invasions, il y en a eu beaucoup dans le monde à travers l'histoire. Certaines ont réussi et d'autres non. Les Francs de souche germanique ont fondé la France et lui ont donné son nom actuel. Faut-il continuer de parler d'invasion à leur sujet ? Les Romains, envahisseurs et vrais colons, ont fini par être expulsés d'Afrique du nord, malgré les coups mortels infligés à Carthage, dont ils exigèrent la destruction totale. La France a été expulsée de Tunisie, d'Algérie et du Maroc. L'Arabité a non seulement triomphé du colonialisme français dans ces trois pays, mais c'est en son nom et en celui de l'islam que celui-ci a été combattu et chassé. Il faut arrêter la démagogie anti-arabe et anti-musulmane, fort répandue dans les milieux acculturés à la francophonie, qui relève de ce que Freud appelait la "haine de soi".
2/ L'affaire Nabil Karoui est une affaire plus simple que ce que vous exposez. On ne peut pas être candidat à la présidence de la République et traîner des casseroles aussi bruyantes : fraude fiscale, blanchiment d'argent etc. Sans doute d'autres acteurs politiques en Tunisie présentent-ils le même profil, sans avoir été inquiétés. L'argument ne vaut pas pour exonérer Nabil Karoui. Il faut exiger la poursuite de tous ceux qui sont dans le même cas que lui, au lieu de lâcher cette proie de gros calibre pour l'ombre. La question de l'opportunité des poursuites ne vaut pas plus : la bonne Justice ne s'arrête pas pendant les périodes électorales. Au demeurant, ils faut laisser la Justice faire son travail en appliquant se sereinement la loi, au lieu de s'ériger en juge à la place des juges et en tribunal médiatique sans aucune légitimité d'aucune sorte. Il faut remarquer que pour se soustraire à la Justice tunisienne, le frère de Nabil Kaoui et son associé, s'est éclipsé, en se réfugiant à l'étranger. On le dit en Algérie, mais il est plus probable qu'il s'est envolé vers la France, comptant sur sa double nationalité pour ne pas extradé. L'avenir le dira. En tout été de cause, il faut s'oppose de toutes nos forces à la berlusconisation de la vie politique tunisienne.
3/ Cette histoire comme beaucoup d'autres à venir auraient été évitée si la loi avait interdit la candidature des binationaux à toutes les fonctions régaliennes et représentatives, sources de conflits d'intérêts inextricables, et si en même temps elle avait exigé que tout candidat doit être "propre" : pas de condamnation et pas de dossier judiciaire ouvert au moment de postuler. Il faudrait inscrire ces deux projets de loi sans tarder à l'agenda de l'Assemblée nationale.

Citoyen_H
| 27-08-2019 14:26
Excellente synthèse de l'état des lieux.

"« '?' m'a confié l'une de ses plus proches amies »"

C'est le même topo de l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu le bonhomme qui a vu l'ours.
Ca vole vraiment au ras des pâquerettes, et c'est très décevant.

Salutations