alexametrics
jeudi 28 mars 2024
Heure de Tunis : 20:23
A la Une
Faut-il payer pour les voleurs afin de pouvoir avancer ?
27/07/2015 | 19:59
7 min
Faut-il payer pour les voleurs afin de pouvoir avancer ?

Une campagne de dénigrement a commencé sur les réseaux sociaux, lancée notamment par les partis CPR et Attayar et par l’ONG I Watch. Objectif déclaré : s’opposer à la loi sur la réconciliation nationale. Ces parties ne veulent d’aucune réconciliation avec ceux qui se sont enrichis sous le régime Ben Ali, avant qu’il n’y ait d’abord un audit exhaustif sur leurs méfaits. La Tunisie a-t-elle besoin de cela ? La question prête à une double interprétation et la réponse n’est pas évidente.

 

L’ONG I Watch que dirige Achraf Aouadi a surpris les internautes lundi 27 juillet 2015 par une affiche montrant la photo de l’homme d’affaires et député Nidaa, Moncef Sellami, épinglé pour ne pas avoir remboursé des crédits de l’ordre de 41 milliards souscrits auprès de banques publiques, dixit l’affiche. Étonnant de la part d’une ONG qui a la réputation d’être crédible dans ses publications. Elle laisse entendre que l’homme d’affaires fait partie des insolvables qui s’enrichissent sur le dos du pauvre Tunisien, comme on le répète sans cesse ces derniers jours dans les différents forums proches des CPR-Attayar. Une idée qu’on tente de véhiculer dans l’esprit du Tunisien lambda, comme quoi le nouveau pouvoir est composé de leaders mafieux. Le mot « mafia » est d’ailleurs répété à longueur de journée par les leaders de l’opposition qui assimilent Nidaa au parti de l’arnaque et ses dirigeants à des mafieux.

 

 

Qu’en est-il au juste ? Pour le cas précis de Moncef Sellami, la manipulation d’I Watch saute au premier coup d’œil, avec le terme « milliards ». La devise tunisienne étant le dinar, l’utilisation du « milliard » ressemble plutôt au populisme qu’à la volonté de précision et de crédit, ce qui n’est pas le rôle d’une organisation prétendant chercher la transparence. La vérité étant que les crédits sont de l’ordre de milliers et millions de dinars en Tunisie, mais jamais de milliards de dinars. Et on dit bien jamais. La plus endettée des entreprises tunisiennes  ne dépasse pas les 300 millions de dinars d’engagements.

Le cas de Moncef Sellami est le plus énigmatique du choix d’I Watch, car il colle à merveille à la transparence réclamée, justement, par I Watch et les différents partis. Ce député et homme d’affaires est à la tête de l’un des plus grands groupes en Tunisie, One Tech. Ce groupe est coté sur la Bourse de Tunis et ses comptes sont publiés chaque trimestre, à l’instar de l’ensemble des sociétés cotées. Il est contrôlé à la loupe par des commissaires aux comptes, par les actionnaires, par les analystes boursiers,  par le CMF et par n’importe quel observateur, puisque ces comptes sont publics et en accès libre sur le web.

A la lecture des comptes de One Tech, on ne voit aucune réserve des commissaires aux comptes et on découvre un bénéfice net de 16,1 millions de dinars généré par les dividendes des entreprises du groupe de l’ordre de 17,652 MDT.  Difficile de croire qu’une entreprise peut générer et distribuer des dividendes, après son introduction récente en bourse, alors qu’elle a des créances classées auprès de banques publiques.

Pourquoi parle-t-on donc de Moncef Sellami et non de Chafik Jarraya, de Nasr Ali Chakroun ou d’autres hommes d’affaires réputés proches des CPR et des islamistes ?

 

Aussitôt l’affiche d’I Watch mise en ligne, les différentes pages FB des islamistes et des CPR se sont donnés un plaisir de la relayer en masse. Y compris par les leaders d’opinion réputés proches des américains et des islamistes, à l’instar de Radwan Masmoudi ou Tarek Kahlaoui qui a posté un des commentaires les plus odieux et truffé de contrevérités. Coïncidence, I Watch a également  cette réputation d’être à la fois proche des islamistes et des américains, tout comme Masmoudi ou Kahlaoui, mais on ne saurait trop répondre vu que l’ONG elle-même ne brille pas par une grande transparence sur les origines de ses fonds et les objectifs réels de sa mission. 

Idem pour les personnes et les partis prônant la transparence à tout va, et s’opposant à toute réconciliation immédiate avec les « voleurs ». Huit mois après les élections, ni le CPR, ni Attayar et encore moins Ennahdha n’ont encore publié leurs comptes de campagne. Si Attayar a publié trimestriellement ses comptes dans un premier temps, et il était quasiment le seul à le faire, il a fini par rejoindre le club des partis aux chiffres opaques, puisque son bilan 2014 et ses chiffres 2015 n’ont toujours pas été rendus publics.

Autant d’éléments qui laissent entendre que la campagne entamée ne cherche pas plus la vérité et la transparence qu’un vulgaire règlement de comptes avec des figures bien déterminées. Ce qu’il faut savoir est que Moncef Sellami est aussi le patron du quotidien arabophone Le Maghreb, un des supports qui a dérangé le plus l’ancienne troïka et qui continue à dénoncer les manipulations politiques de Moncef Marzouki and co.

 

Ces différentes voix déclarent, à ceux qui veulent bien les entendre, qu’ils ne sont pas contre la réconciliation, mais que celle-ci doit être dirigée sous la bannière de l’Instance Vérité et Dignité. Or cette instance pose problème pour plusieurs observateurs politiques et pour le pouvoir actuel et ce pour différentes raisons.

La loi qui la régit souffre de plusieurs manquements, comme l’ont déclaré du reste certains parmi ses membres démissionnaires. Réformer cette loi, votée à l’époque dans l’urgence suite à la publication du Livre noir de la présidence de la République, ou proposer une autre loi, Béji Caïd Essebsi a choisi la deuxième option.

Le deuxième boulet de l’IVD est dans sa composition. Certains parmi ses membres actuels sont dans l’embarras et veulent rejoindre leurs collègues démissionnaires.

Sa présidente, Sihem Ben Sedrine, est une figure à problèmes qui est loin d’être connue pour son sens de la vérité et de la justice et encore moins de la dignité et du respect du sens de l’Etat. Ce ne sont pas les exemples qui manquent, entre les prébendes qu’elle recevait de l’étranger, à l’époque de Ben Ali, les violations des droits des journalistes de Kalima, les contrevérités à propos de son statut dans cette radio et des légendaires barbes artificielles, les plaintes déposées contre les syndicats des forces de l’ordre, les camions de déménagement de meubles mobilisés pour charger les archives de la présidence de la République à la veille de la passation de pouvoirs…

Bien qu’elle ait été officiellement élue, Sihem Ben Sedrine est connue pour sa grande proximité et son amitié personnelle avec les trois principales figures de la troïka, Rached Ghannouchi, Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki, ce qui jette un très sérieux doute sur son équité dans le traitement des dossiers.

 

L’autre argument brandi par les opposants à cette loi est d’ordre idéologique. On refuse que des personnes ayant enfreint la loi y échappent, juste parce qu’ils vont passer par la caisse.

De ce prisme idéologique, l’argument tient debout. Reste que cette amnistie n’a rien d’extraordinaire. Il y a bien eu des amnisties fiscales en Tunisie aussi bien sous Ben Ali qu’après son départ. Il y en a eu dernièrement dans plusieurs pays occidentaux, après la guerre menée contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Pour tous ces Etats, démocratiques et où règne théoriquement une véritable justice, il fallait aller de l’avant en amnistiant les évadés fiscaux, contre le paiement de pénalités faisant office de soldes de tous comptes et l’entame d’une nouvelle page. Ce type d’amnistie renfloue les caisses de l’Etat avec de la trésorerie immédiate et fait rentrer de nouveau dans le circuit de nouvelles ressources qui étaient versées dans des paradis fiscaux.

 

Politiquement, l’amnistie n’a rien de nouveau en Tunisie de l’après révolution et c’est la première chose qu’a faite l’ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi. Sans passer par la case justice, des personnes comme Imed Daïmi, Slim Ben Hmidène ou Rached Ghannouchi ont vu leurs antécédents judiciaires effacés d’un coup de stylo, sous prétexte de réconciliation nationale. A l’époque, en janvier 2011, la volonté était de tourner la page et d’aller de l’avant pour que le pays puisse avancer.

A l’exception de quelques voix discordantes, totalement inaudibles, on n’a pas vraiment contesté cette amnistie, ni penché de trop près dans les dossiers des personnes incriminées en se suffisant de dire qu’elles étaient « victimes de Ben Ali » et qu’il s’agissait de « militants ». 

C’est le même principe appliqué, en 2011, par Mohamed Ghannouchi qu’applique, en 2015, Béji Caïd Essebsi. Seuls les bénéficiaires ont changé.

Si la révolution a permis de tourner la page à des personnes accusées de terrorisme ou réputées pour leur extrémisme, pourquoi ne ferait-elle pas de même pour des personnes ayant des malversations financières ou des évasions fiscales ?

Est-il frustrant de voir des voleurs échapper à la case justice ? C’est évident que c’est frustrant, mais c’est le prix à payer pour permettre au pays d’avancer et à l’Etat de renflouer ses caisses. Ceux qui ne veulent pas de cette réconciliation peuvent toujours revenir à la case départ, ouvrir tous les dossiers et exiger que tout le monde rende des comptes, aussi bien les voleurs que les terroristes.

 

Raouf Ben Hédi

27/07/2015 | 19:59
7 min
Suivez-nous

Commentaires (20)

Commenter

Jilani
| 01-08-2015 13:51
Vous avez parle de chafik jerraya et chanroun. Ce deuxième s'est éloigné de marzouki et si hem ben sedrine et s'approche de Nida. Il a même des liens familiales avec la famille elloumi. Il y a aussi monder ben Ated et Frikha proches de ennahdha. Ces hommes d'affaires seront toujours des voleurs quelque que soit la réconciliation qui sera faite et se préparent pour prendre les grands projets a la santé, cnam, routes,... Il eSt dupe celui qui croit que par ces hommes d'affaires qu'ont peut faire avancer un pays et créer de la richesse. C'est tout à fait le contraire. Ces personnes bloquent le développement de l'ingeneering en faisant appel à des solutions toutes faites et en encaissant des commissions et bien sur en accentuant la corruption. Je suis d'accord avec BN sur les positions envers CPR et attaquer aussi ennahdha qui jouent le double langage mais pas d'accord sur une réconciliation avec ces mêmes. benali a apporté des voleurs, au moins laisser d'autres la place a d'autres voleurs. Et c'est ça la politique avec les arabes.

Amine
| 28-07-2015 16:59
Ce pays a été construit sur la domination d'une classe économique, avec un état corrompu et violent servant ses intérêts, et toutes les actions politiques de nidaa tounes ne vont que dans le sens de la récupération, du maintien et du renforcement de la domination de cette élite, tout le reste est littérature !!!
Cette même élite est souvent celle qui tient le plus des discours "patriotes", puisqu'elle est à court d'arguments politiques et économiques, elle se confond elle-même avec le bien supérieur de la "Nation" !!!

Malheureusement, le peuple tunisien est tombé dans le piège, par dégoût des islamistes (qui ont ravagé le pays)...

E.Chourabi
| 28-07-2015 15:58
Les étudiants, en cycle de doctorat, au sein de nos universités devraient être orientés vers la présentation de thèses portant sur les dossiers réglés, par voie judiciaire, en vertu de la loi d'amnistie générale, décrétée au lendemain du 14/01/2011, ainsi que sur des thèmes portant sur les techniques de simulation et montage de dossiers, à des fins de discrédiation politique, avec le dossier du président Ben Ali et la caverne d'Ali Baba qu'on lui attribue, et bien d'autres dossiers , montés de toutes pièces, pour souiller de hauts fonctionnaires de l'État pour exemples.
Ces étudiants devront, tout de suite, découvrir la grande arnaque de la révolte du 14/01/2011 et avec une révolution, allant de travers, décidant de l'élargissement :
-de terroristes, de tous bords, dont certains prendront les commandes du pays avec les fonctions de ministre ou chef de gouvernement comme contrat de première embauche,
-de personnes poursuivies pour faits de corruptions, condamnées par la justice, sur la base de preuves irréfutables tirées de rapports d'expertise et de relevés bancaires de comptes courants à l'étranger faisant état de dépôt de millions d'euros et de dollars,
-de personnes condamnées pour des faits liés à la criminalité transnationale organisée en rapport, notamment, avec des réseaux de vols de voitures entre la France, l'Italie et la Tunisie,
Ils découvriront, de même, les listes dressées, par des pseudos révolutionnaires, dont certains lobbyistes à la solde des américains, l'ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, certains juristes et droits de l'Hommistes, véreux, et ce sous l'égide, tenez-vous bien, de Mohamed GHANOUCHI, alors premier ministre de BEN ALI, aux conseils des ministres duquel toutes les décisions étaient prises, bien prêt à donner tout le monde, dont ceux parmi les fonctionnaires de l'État auxquels ils donnait ses ordres, pourvu qu'il sauve sa tête de couard, sans honneur et sans vergogne, ainsi que celles de ses proches collaborateurs.
Faut-il rappeler, dans ce contexte, que l'ordre d'arrêter le général Ali SERIATI, un patriote qui avait servi sa patrie avec abnégation, émanait de Mohamed GHANOUCHI exerçant toutes les pressions, via son ministre de la justice, pour le mettre sous mandat de dépôt en dépit de l'absence de toute preuve autres que celles propagées par la chaine T.V Hannibal, en collusion avec des puissances étrangères, sur des fusillades dont il serait l'instigateur.
Bref, une révolution à l'envers où de hauts commis de l'État, des fonctionnaires, des hommes d'affaires, des artistes, seront harcelés, donnés en pâture, souillés et éclaboussés et tant pis pour leurs gueules et pour celles leurs familles notamment les enfants matraqués par des plateaux T.V , bien orchestrés , et par voie de conséquences marqués à jamais.

safsaf123
| 28-07-2015 15:17
Au nom de Quoi demander la transparence a des banQUes publiQues Qui demandent des recapitalisation de plus de 1000 millions de dinars est devenu arrogant et dangereux pour l'economie tunisienne. Les 1000 millions de dinars demandees au peuple tunisien c'est 100 dt par habitant.
Ces banQues publiQues doivent publier la liste des creanciers Qui ont des creances classes c'est a dire des creances Qui ne vont jamais etre rembourse. L'etat doit par la suite exproprier tous les biens de ces racailles. C'est un devoir.

La transparence est un element fondamental dans la democratie et arretez a chaQue fois Qu'il y a une demande de transparence Qu'on y mette le doigt sur une action d'un parti CP ou autre.

On dirait Que pour certain si le cpr dit Que le soleil se leve a l'est ils vont creer au scandale.

On veux des noms des voyaux Qui ont pris des millions de dinars de credits aux banQues publiQues et Qui refusent de les payer. Emprisonner les et les interdire toute activite economiQue tant Qu'ils n'ont pas rembourse leurs dettes. C'est marrant ces banQues Qui refusent de donner un credut de 5000 dt a un fonctionnaire et demande des hypotheQues et Qui donnent des millions de dinars a des pseudo hommes d'affaires ou plutot hommes racailles pour les voler et les envoyer en suisse.

On veux des noms de ces voleurs des banQues publiQues pour Qu'ils soient jetes en pature. Ils mertient cela ils ont vole un peuple entier. Apres tout ces banQues sont la propriete du peuple.

shut up
| 28-07-2015 12:36
ça s'apelle tout simplement la "démocratie".. ou quand 2 clans "rivaux" se partagent le pouvoir, en alternance, ou dans le cas présent en même temps, et en abusent tout en se protégeant mutuellement.

imène
| 28-07-2015 12:09
Avant,c'est à dire il y'a longtemps du temps ou en classe le maitre commençait son cours par une citation de morale,on sentait nous les chérubins que la vie c'était tres simple. le combat du bien contre le mal un point c'est tout.Aujourd'hui on a l'impression que c'est le mal contre le mal à outrance car on sait plus ou est le mal ni ou est le bien.Etre intègre mène droit vers l'intègrisme.Faire des affaires mène droit vers le fassad.Qui défendre?El fassidoun ou les integristes? Quelle est cette 3ème voix qui nous permettra de garantir l'au délà sans y aller le ventre creux.

DHEJ
| 28-07-2015 12:02
Payer pour les voleurs?


***


Mais qui ne vole pas en Tunisie, toute la Tunisie?


A commencer par la FACTURE STEG...

vérité
| 28-07-2015 11:42
Commencez donc par payer les dirigeants d'afrique auto, magasin général,assad, el anabib,sixt location autos, volvo penta etc etc
vous voyez bien que nous savons qui gangène le pays , continuez donc à faire de la rétorsion d'info (@BN)

shut up
| 28-07-2015 11:09
..pour pouvoir avancer.

G&G
| 28-07-2015 11:08
Bravo pour votre analyse exhaustive sur les vols et les voleurs.
Seulement je ne suis pas d'accord avec vos conclusions mentionnées dans le dernier paragraphe qui dégagent seulement deux alternatives.
Il y a belle et bien une troisième plus équitable.
En effet, sur la base d'une étude que j'avais faite en 2011, j'avais conclus à une solution qui pourrait satisfaire tout le monde aussi bien l'Etat que le citoyen.
Partant de l'hypothèse que tout tunisien est considéré comme voleur jusqu'à preuve du contraire,
Sachant que tous les tunisiens avaient profité directement ou indirectement le long de la période stable de Ben Ali grace à un système qui permettait à tout citoyen de profiter aussi peu qu'il soit : du vendeur des glibettes jusqu'au spéculateur foncier.
Sachant que la majeure partie du profit légal ou illégal de ces profiteurs est généralement dépensé dans l'immobilier ou dans les participations,
L'Etat doit imposer une taxe obligatoire de 1 à 2% sur toutes les transactions et marchés conclus entre 1988 et 2011. Cette ressource est estimée à plus de 20 milliards de dinars d'après les enregistrements.
Ainsi le pauvre va payer cent dinars et le richard casquera 100 milliards.
les montants dus pourraient être rééchelonnées sur 12 mois.
Et faire passer l'éponge définitivement.