L’une des premières qualités mises en avant par les sympathisants ou plutôt les groupies des différents candidats est le fait d’avoir « le sens de l’Etat ». Cette exceptionnelle qualité confère à celui ou celle qui en est affublé, la faculté de respecter l’Etat et les institutions, de faire en sorte que l’Etat reste au-dessus des manipulations et des manigances et soit totalement dévoué au service des citoyens.
Mais avoir le sens de l’Etat suggère également la protection des acquis d’un peuple, à ne pas confondre avec la protection de celui qui le préside. En ce sens, le fait que Abdelkarim Zbidi évoque, hier 3 septembre sur le plateau de Hannibal TV, la possibilité d’un renversement du pouvoir le 27 juin dernier pose plus d’une interrogation.
Abdelkarim Zbidi a déclaré qu’il était prêt à empêcher toute réunion de députés et qu’il était prêt à faire intervenir l’armée s’il le fallait. Il en a même prévenu le chef du gouvernement, son concurrent aujourd’hui, Youssef Chahed. Ce dernier, toujours selon les dires de M. Zbidi, ne s’y est pas opposé. Donc, pour deux des principaux dirigeants de cet Etat, mettre des élus en quarantaine pour les empêcher de se réunir ne posait absolument aucun problème moral ou éthique. La possibilité de séquestrer des députés, aussi mauvais soient-ils, est allégrement envisagée pour protéger feu Béji Caïd Essebsi, qui n’est plus là pour donner sa version des faits. Les deux sont aujourd’hui candidats pour présider la République dont l’une des principales attributions est de protéger la démocratie et de veiller au respect de la constitution. Etrange manière d’envisager le sens de l’Etat, cette qualité tellement mise en avant aussi bien pour Chahed que pour Zbidi.
Par ailleurs, en pleine campagne présidentielle, on évoque des possibilités de putsch et des complots visant à déposer le chef de l’Etat. A l’époque des faits, Abdelkarim Zbidi était ministre de la Défense et Youssef Chahed était chef du gouvernement. Aucun d’eux n’a pris la moindre mesure ou la moindre décision pour appliquer la loi contre ceux qui auraient fomenté cette tentative de renversement. Par contre, c’est un sujet qu’évoque le ministre de la Défense en congé quand il porte sa casquette de candidat. Devant la gravité des faits dont il fait état, il aurait été plus sage d’agir sur le moment ou de ne jamais évoquer cette histoire. Car en faire le récit en étant candidat ressemble beaucoup trop à une peau de banane jetée sur le chemin de son concurrent Youssef Chahed auquel il fait porter une certaine responsabilité. De faits prouvés, avérés et extrêmement graves, la tentative de putsch devient argument électoral, pique à l’adversaire et petite phrase. Le timing de cette révélation relève plus du combat électoral que du témoignage historique.
A travers cette révélation faite à la télévision à une heure de grande écoute, Abdelkarim Zbidi voulait asseoir cette image de protecteur de l’Etat, de grand commis qui sait, contrairement aux petits jeunes et aux incompétents, ce qu’il faut faire et comment protéger l’Etat. Sauf qu’en analysant ses dires, on se rend compte que M. Zbidi est enfermé dans une logique de pouvoir datant de plusieurs décennies. Envisager de fermer le parlement ne le fait même pas sourciller. Ses sympathisants y verront un signe de courage et de responsabilité, les autres y verront au mieux une incompréhension de la réalité du système politique tunisien, au pire un signe annonciateur de despotisme et de pouvoir absolu.
Tout ce beau monde estime être le mieux placé pour devenir président de la République et tout ce beau monde estime être pétri de « sens de l’Etat ». Sauf que travailler dans l’administration pendant des années, même en haut de l’échelle, ne confère pas forcément le sens de l’Etat. Etre chef du gouvernement pendant trois ans non plus.
Au final, Abdelkarim Zbidi fait campagne contre Youssef Chahed et Youssef Chahed réplique à Abdelkarim Zbidi. Pendant ce temps-là, les populistes distillent venin et contrevérités et les islamistes privilégient le travail de terrain aux apparitions médiatiques. Ce qu’on appelle le camp démocrate progressiste centriste ne s’unira jamais sous nos cieux tant que les batailles de coqs existeront. C’est en cela, aussi, que les élections sont une bonne chose. Mesurons avec précision le poids politique de chacun de ces concurrents, et que celui qui n’obtient pas au moins 5% des votes, arrête la politique et fasse autre chose. Chiche.
Commentaires (23)
CommenterZBIDI et CHAHED
ABDELKRIM Z'BIDY A BESOIN DES ENCOURAGEMENTS .
@ Houcine , l'état , c'est lui !
Il y a eu vacance temporaire du pouvoir et la suite a donné raison à ceux qui se sont posés la question de la continuité de l'état .
La transparence a fait défaut et les responsables nous les connaissons . Prétendre avoir déjoué un coup d'état , n'est pas habile comme manoeuvre de la part d'un homme aux abois , contraint d'utiliser les moyens , y compris les plus détestables , pour nuire à son adversaire politique .
L'état , c'est l'état , ce n'est ni vous ni moi !
Il nous survivra à vous comme à moi !
Descendez d'un cran !
L'Etat, c'est nous.
Des man'?uvres et fausses rumeurs qui sentaient le pronunciamento, et il se trouve des gens pour banaliser et même incriminer celui qui en parle, le faisant passer pour je ne sais quoi.
Ou il y a de la légèreté, un peu comme cette comparaison avec les canonniers d'Elstine, et ce serait dû à l'ignorance doublée d'entêtement. Et l'on peut admettre un tel tour rhétorique faute d'arguments fondés sur les faits.
Ou il y a volontairement déni du réel.
Tellement pris dans le tourbillon des événements, certains s'emballent et viennent conforter la cohorte des crieurs et autres applaudisseurs.
Il y a beaucoup d'irresponsables chez les prétendants. Et, je pèse mes mots. Leurs suiveurs sont autant pris dans la tourmente.
On ne recherche pas les choses parce qu'elles sont bonnes, mais parce qu'on les désire qu'elles sont bonnes.
C'est en soi qu'il faut, aussi, enquêter pour comprendre ce qui nous meut, ce qui nous arrive, les sources et effets de nos malheurs comme des bonheurs récoltés.
hichem hafsia
Le pusch manqué.
Les mesures prises par le Ministre de la Défense qui, rappelons-le est désigné par le Président , consistant à empêcher les parlementaires de prendre le Pouvoir sont toutes justifiés. Imaginons un moment que ces derniers aient réussi leur pusch et le président écarté, qu'en sera-t-il de la suite que prendra la légitimité de la situation ?
Intervention musclée argumentée !
Que signifie et pourquoi cette ARP s'est-elle réunie à la moindre maladie d'un Président pour discuter non seulement de son sort mais pour discuter une vacance permanente ou temporaire du poste ?
Est-ce qu'un Président de la République ne tombe pas malade ? Est-ce qu'un Président n'a pas droit à un congé de maladie ? Est-ce que ZABA n'a pas pris un congé de maladie de 3 jours pour cause d'une grippe déclarée ?
Pourquoi ces membres qui se sont pressés de se réunir dès les premières heures de l'hospitalisation du Président ont discuté la Possibilité de former un groupe de membres médecins de l'ARP pour visiter l'hôpital militaire et dévoiler l'état de santé du Président?
Est-ce que ces membres pensent qu'ils pourraient même s'approcher de la porte de l'hôpital pour voir le chef d'?tat major le Président alité Ils rêvent !!!! Ils rêvent !!!!!!!! C'est contre la sécurité de l'état même s'il s'agit de l'ARP !
Le ministère de la défense aurait bien fait d'éviter cette réunion. - inutile et sans aucun sens - pour éviter de les écraser pour sécuriser l'état tunisien!!!!!
Bravo Chahed et Zbidi pour ces idées d'hommes de vrais chef d'?tat !
Pas de jeu avec la sécurité de l'état et la responsabilité incombe au chef de gouvernement et ses structures les plus compétentes défense et intérieur !!!!!!!
Destitution...
JE PENSE QUE ....
Monsieur Zbidi voulait nous rejouer un remake de la Douma en 1993
Des images de guerre en plein Moscou !
Prétendre qu'un coup d'état institutionnel était en préparation , est pour le moins invraisemblable et la réponse que Monsieur Zbidi comptait y apporter , est quant à elle , indigne d'un homme qui aspire à la fonction de président de la république , qui selon la constitution est le symbole de son unité et le garant de sa constitution .
Manifestement , l'appel " spontané " à la candidature de Monsieur Zbidi , souffre d'une grave erreur de casting , sauf à croire que " les commanditaires " avaient vent de ses lacunes et n'en avaient cure !