Un pays où nul n’est responsable
Le juge de la famille a ordonné vendredi de lever le blocage des notes des élèves estimant que priver les enfants de leurs moyennes semestrielles est une violence exercée sur eux. Cette décision surprenante pourrait satisfaire nombre de parents qui, au lieu d’assumer leur part dans l’éducation de leurs enfants, se sont trop longtemps déchargés sur l’école et, qui ont été irrités par les mouvements syndicaux à répétition des enseignants. Mais à voir de plus prés, on se rend facilement compte que cette décision est improductive car inapplicable. Le juge de la famille a voulu montrer par sa décision qu’il tient à assumer sa responsabilité de défense du bien être de l’enfance. Il aura à démontrer maintenant, comment il pourrait obliger les syndicats à obtempérer et surtout à accepter la transgression de leur droit syndical. Une décision de justice doit être exécutée. Elle n’est ni un effet d’annonce, ni un vœu pieux. Faute de quoi il y a lieu de se demander si cette décision n’est pas juste une instrumentalisation de l’enfance et de la justice en général dans un conflit syndical et social.
Cette décision du juge de la famille vient s’ajouter aux déboires de la justice qui s’accumulent malheureusement ces dernières semaines. Il n’y a qu’à voir la liste qui s’allonge de jour en jour des magistrats indélicats impliqués dans des affaires allant de la haute trahison à la corruption et aux transactions douteuses. Il n’y a qu’à écouter les critiques qui deviennent de plus en plus assourdissantes à l’adresse de certaines décisions de justice qui s’apparentent à un règlement de compte ou qui ont tout l’air d’être prises à la carte pour des desseins préparés à l’avance. On croyait que le temps de l’instrumentalisation de l’appareil de l’Etat et de la justice était révolu. Hélas, le naturel reprend toujours le dessus et revient vite au galop avec, semble-t-il, de la poudre sous les sabots.
L’exception, parce qu’il y a toujours une exception, nous vient pourtant d’un magistrat qui a refusé toutes les formes d’instrumentalisation. Il s’agit du président sortant du conseil supérieur de la magistrature qui a préféré démissionner plutôt que d’accepter qu’on empiète sur ses prérogatives. Certains lui reprochent certes, de rendre le tablier trop facilement faisant le jeu de ceux qui cherchent à éterniser la crise interne du CSM et qui veulent reporter indéfiniment la création du conseil constitutionnel. Mais d’un autre côté, on ne peut que saluer le courage de ce magistrat et son attachement à assumer pleinement sa responsabilité.
On ne pourra pas dire la même chose, hélas, du gouvernement et des différents acteurs politiques dans le pays. Le gouvernement d’abord qui ne veut pas assumer sa part de responsabilité dans les difficultés accumulées du pays. Au contraire, il ne fait que se dérober et jeter la responsabilité sur les autres. Après les belles promesses d’un pays prospère, débarrassé de ses corrompus, on se retrouve juste avec un gouvernement sans verve, qui avance en reculant et faisant de son maintien au pouvoir le plus longtemps possible, sa principale préoccupation.
Il y a ensuite l’irresponsabilité de toutes ces officines partisanes, grandes ou exigües, qui font de l’opposition sans donner d’alternatives ou qui soutiennent sans conviction aucune. Ces partis sont responsables du délabrement politique actuel et de la désaffection de la chose publique chez les Tunisiens.
Que dire encore de la présidence de la République qui se trouve au centre de tous les dossiers mais qui se refuse d’assumer la moindre responsabilité en cas d’échec. Le pire c’est que tout le monde s’accommode de cette situation qui rappelle à s’y méprendre des temps pas très lointains. A titre d’exemple, à propos de l’échec du gouvernement d’union nationale, on nous dit que les circonstances imposent le changement des positions et qu’en substance, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Mais la vérité c’est que seuls les imbéciles aussi continuent d’avaler les couleuvres à tous les coups et à ne pas tirer les leçons de leurs échecs ou déceptions passées.