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Tunisie - Un an après l'assassinat de Chokri Belaïd, le mystère demeure entier
05/02/2014 | 1
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Tunisie - Un an après l'assassinat de Chokri Belaïd, le mystère demeure entier
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La Tunisie vit à l’heure de la commémoration du premier anniversaire de l’assassinat de Chokri Belaïd. La manifestation inaugurale ouvrant une série d’autres prévues à cette occasion, a été organisée ce soir du 5 février 2014 par le mouvement « Dostourna », près du domicile du martyr avec une veillée aux bougies, en présence de quelques dizaines de personnes venues se recueillir à la mémoire du défunt. Retour sur un assassinat qui ébranlé tout un pays…

Il y a un an déjà, la Tunisie s’est réveillée sur le retentissement des coups de feu qui ont mis à terre le martyr de la patrie, Chokri Belaïd. Ce fut une journée noire, à la noirceur de l’âme des personnes qui avaient assassiné lâchement un homme affranchi et courageux.

Chokri a été assassiné par trois balles à bout portant alors qu'il s’apprêtait à prendre sa voiture devant son domicile au quartier d'El Menzah VI, des centaines de manifestations ont sillonné les rues à travers tout le pays, et les voix se sont élevées en signe de protestation contre ce crime abject.
Son parcours et sa réputation de militant ne sont pas à refaire, incarnant les valeurs de la révolution, de la démocratie, de la modernité et de la tolérance, il est parti à l’âge de 48 ans, laissant derrière lui, amertume, regrets et frustration.
Les funérailles de Belaïd étaient mémorables, des centaines de milliers, voire plus d’un million de Tunisiens ont tenu à l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure et se sont rassemblés au cimetière du Jellaz. Des funérailles symboliques ont été organisées dans les villes et les villages de tout le pays. Sa veuve, Basma Khalfaoui, plus courageuse et déterminée que jamais, déclarait : « Il avait fait confiance au peuple, il avait confiance en l'intelligence humaine, il avait confiance en l'intelligence des Tunisiens ».

Les autorités ont attribué l’assassinat aux jihadistes extrémistes, désignés plus tard comme appartenant au groupe d'Ansar Chariâa, une organisation classée, désormais, terroriste depuis le mois d’août 2013. Et c’est Kamel Gadhgadhi qui était désigné par les autorités sécuritaires comme étant le tireur présumé, alors que le ou les commanditaire(s) de ce crime n’ont jamais été identifiés. Seuls quelques uns des complices ont été arrêtés…

D’un point de vue sécuritaire, la mort de Chokri Belaïd a été un tournant pour la Tunisie qui a vécu d’autres situations marquées par des terroristes, ce qui avait amené certains observateurs à accuser le gouvernement de la Troïka, outrageusement dominé par le part islamiste d’Ennahdha de permissivité face à ces groupes extrémistes qui ont émergé depuis la révolution causant des dizaines de morts et de blessés dans les rangs de l’armée et de la Garde nationales.

A l’époque, et dès le jour même de l’assassinat de Belaïd, Hamadi Jebali voulait débloquer la situation de l’impasse dans laquelle s’est trouvé subitement le pays en proposant la formation d’un nouveau gouvernement composé de technocrates, mais devant le refus catégorique de son propre parti, Ennahdha, il a préféré démissionner.
Mais, à la surprise générale, plus particulièrement celle de la famille du martyr Chokri Belaïd, ce fut Ali Laârayedh qui a été promu du département à l’Intérieur à celui de chef de gouvernement. Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste affirmait, en ces mêmes moments «qu’Ennahdha se porte bien, et ne cèdera jamais le pouvoir tant qu'elle bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urne ».

Même pas un an plus tard et après un second assassinat politique dont a été victime le député Mohamed Brahmi, Ali Laârayedh a fini par céder face à la pression de la rue et des forces politiques ainsi que des composantes de la société civile laissant la place à un nouveau gouvernement formé de personnalités compétentes et indépendantes, dirigé par Mehdi Jomâa, issu du dialogue national parrainé par le Quartet.
Il faut dire qu’entretemps, la situation sociale et économique s’est trouvée entièrement paralysée au vu de l’absence de confiance aussi bien de la part des hommes d’affaires nationaux que de la part des bailleurs de fonds et des investisseurs étrangers, sans oublier la colère grandissante des masses populaires et de l’opposition face aux violences accrues et la multiplications des actes de terrorisme.
Il a fallu, également, voir en face le scénario égyptien qui a enregistré la destitution du régime des Frères musulmans et du président Mohamed Morsi pour qu’Ennahdha se résolve à accepter de vrais compromis menant aux consensus pour les processus constitutionnel et gouvernemental.

Cependant après quelques jours de la prise de service du nouveau gouvernement et à quelques heures de la commémoration de la première année depuis sa mort, Kamel Gadhgadhi, présumé meurtrier de Belaïd a été abattu par les forces de l’ordre, lors de la dernière opération sécuritaire de Raoued.

Plusieurs membres des familles de Belaïd et Brahmi ont réagi à l’exécution de Kamel Gadhgadhi, meurtrier présumé de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, lors de la dernière opération sécuritaire de Raoued.
La veuve de Chokri Belaïd, Basma Khalfaoui, a déclaré, dans une interview accordée au journal français Libération et publiée le mercredi 5 février 2014 : «On voulait que Gadhgadhi soit jugé équitablement. Nous n’avons pas besoin de cadavres, mais de la vérité».
«Le ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou parle de "cadeau". C’est un cadeau empoisonné, un cadeau que je refuse», a t-elle affirmé, ajoutant que «c’est un cadeau pour lui-même, lui qui a déjà eu la chance de se maintenir au sein du nouveau gouvernement malgré toutes les protestations».
Mme Khalfaoui s’est interrogée sur le timing de ces événements qui coïncide avec la commémoration du premier anniversaire du meurtre de son mari: «Pourquoi maintenant ? Pourquoi à la veille?» avant de conclure : «ça ne peut pas être un hasard. Cela relève d’une décision politique, pour montrer que l’enquête avance».

Pour elle, ce qui s’est passé «n’est pas du tout une victoire» : «Ce n’est pas du tout ce qu’on demandait. On voulait que Gadhgadhi soit capturé vivant, pour pouvoir connaître la vérité et remonter jusqu’aux commanditaires. Les techniques existent pour cela, je demande donc au ministre de l’Intérieur comment se fait-il qu’ils soient tous morts ? Kamel Gadhgadhi et Lotfi Zine, tué, lui aussi, dans une autre opération, étaient les deux reliés aux commanditaires. Il en reste deux autres, et je crains de lire leurs noms dans la liste des tués».
Selon elle, l’enquête avance dans le sens souhaité par le ministère de l’Intérieur et les groupes parallèles en son sein : «Il n’y a pas de volonté de connaître la vérité. Au contraire, il y a une volonté de la camoufler de la part de certains groupes parallèles au sein dudit ministère et qui sont complices avec les commanditaires ». Basma Khalfaoui a conclu : «Nous, nous sommes plus que jamais déterminés à connaître la vérité».

Pour sa part, Lotfi Belaïd, frère de Chokri Belaïd, dans une déclaration à Shems FM, a estimé que « ce qui s’est passé est une pièce de théâtre avec une mise en scène médiocre ».

Sarra HLAOUI
05/02/2014 | 1
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