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Reportage à Djerba – La Ghriba, les vertus d'un culte juif sur l'image de la destination Tunisie
18/05/2014 | 1
min
Reportage à Djerba – La Ghriba, les vertus d'un culte juif sur l'image de la destination Tunisie
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Environ 1500 juifs étaient à Djerba, en ce weekend de la mi-mai. Un nombre de présents qui en dit long sur le retour de l’effervescence à la Ghriba. Venant en grande partie de l’étranger, la communauté juive était présente au pèlerinage malgré les craintes sécuritaires et malgré la polémique que certains députés avaient enclenchée parce que des touristes juifs détenteurs de passeports israéliens étaient entrés en Tunisie. Ceci n’a pas eu de mauvaises répercussions sur le pèlerinage. On note une victoire du spirituel sur la politique, constate un des présents.


Vaincre la frilosité


Le nombre de pèlerins a, en effet, triplé par rapport à l’année dernière. René, un des juifs tunisiens venus, cette année, au pèlerinage, nous répond que « la polémique a toujours existé et il ne faut pas en tenir compte. La Tunisie n’est pas une exception dans ce genre de propos. On peut entendre ça en France ou dans d’autres pays d’Europe. Ce n’est pas ça le fond du problème. La Tunisie a toujours été accueillante et bienveillante à l’égard des juifs».



Il faut dire également que beaucoup d’efforts ont été faits pour réussir cette saison du pèlerinage. Des messages positifs et rassurants ont été envoyés par le chef de gouvernement Mehdi Jomâa qui, à plusieurs reprises, a rappelé et de manière très claire, que les juifs sont les bienvenus en Tunisie.

La Ghriba a aussi pu compter sur des représentants de la communauté juive pour que l’événement annuel puisse réussir. René Trabelsi, homme d’affaires et fils du président de la communauté juive de Djerba, dans une déclaration à Business News a précisé qu’il a travaillé pour que soit atténuées les craintes de ses coreligionnaires. Il a pu ainsi que d’autres juifs inconditionnels de la Tunisie, user de sa proximité des milieux juifs internationaux pour convaincre ceux installés dans différents pays de venir en Tunisie.




Pour leurs parts, les autorités nationales et locales ont pris les dispositions nécessaires pour réussir l’événement. Les contrôles sécuritaires ont été intensifiés et une unité de santé a été installée. Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’Intérieur, quant à lui, s’était rendu sur place pour rassurer une fois de plus les touristes pèlerins et suivre, par la même occasion, l’avancement des préparatifs. Le ministère des Affaires religieuses a, quant à lui, mis à la disposition de la Ghriba un budget pour l’entretien du bâtiment. Présent à l'événement, Mourad Sakli, ministre de la Culture, a salué, dans une allocution prononcée à la synagogue de la Ghriba, l'effort de l'Etat, du ministère du Tourisme et celui du Commerce et de l'Artisanat dans le cadre de la préservation des traditions.

La Ghriba, essence et déviation d’un rite

Le pèlerinage de la Ghriba est un événement religieux, mais c’est aussi une fête où l’on peut bien s’amuser. Dans ce lieu saint, on joint, visiblement, l’utile à l’agréable. Tout le monde ne vient donc pas à la Ghriba pour les mêmes raisons. Il y a ceux qui viennent pour exaucer un vœu ou pour être bénis et d’autres intéressés davantage par le côté festif de l’événement. Il y a même ceux qui nous disent être venus, aussi, pour présenter leur soutien et remerciements à la ministre du Tourisme Amel Karboul. A Djerba, celle-ci est accueillie en fille de l'île qu'elle est. Sa spontanéité est appréciée et sa présence rassure quant à la saison touristique qui s'annonce. Amel Karboul a, d'ailleurs, tenu une conférence de presse, ce matin, à l'hôtel Radisson à Djerba. Elle a surtout insisté sur l'importance de la communication dans le cadre de la tenue d'événements culturels et cultuels en Tunisie. La ministre du Tourisme a aussi prononcé un discours à la synagogue, dans l'après-midi du dimanche 18 mai, et a exhorté les juifs à venir en nombre pour les prochains pèlerinages. Illustrant la cohabitation des religions vécue en Tunisie sous le signe de la tolérance,  Amel Karboul a inclus dans son discours des versets du Coran récités au milieu des pèlerins venus accomplir ce rite juif.

Outre les discours officiels et officieux, au programme de la Ghriba, des chansons tunisiennes d’antan, des ventes aux enchères, des plats juifs succulents et des spectacles de danses folkloriques. Au Grand Casino de Djerba, une grande fête a eu lieu, dans la nuit du samedi à dimanche. Dans une ambiance conviviale, les présents ont célébré la fin de l'événement autour duquel une grande ferveur s'était installée, compte tenu de l'actualité politique et de celle annexe qui a concerné la ministre du tourisme et son confrère à la Sûreté. La Ghriba, c’est aussi un lieu de rencontre pour les futurs mariés et de retrouvailles pour les amis de la communauté qui s’étaient perdus de vue depuis de longues années. C’est que Djerba a une forte connotation en termes de culte et de nostalgie pour une communauté très attachée à l’île et à son histoire. Maurice, un des pèlerins que nous avons rencontrés à la synagogue déclare à Business news: « J’ai connu le taxi n°1 qui s’appelle Tic Tac. A l’époque, il n’y avait que quatre hôtels à Djerba. C’était l’année1973».

Un retour en force, mais non sans réserves

Le pèlerinage juif à la Ghriba a un impact positif direct sur l’économie dans l’île et un impact moins direct sur la saison touristique. Grâce à l’événement, les restaurants se remplissent, les taux d’occupation dans les hôtels montent en flèche, pour les chauffeurs de taxi le nombre de lients augmente et on observe du mouvement dans les cafés et dans les souks. Pendant le Lag Ba'omer, « fête juive donnant lieu à des pèlerinages sur les tombes des justes », c’est tout Djerba qui devient animée. Des médias internationaux font aussi le déplacement. C’est pour cela, que des professionnels du tourisme tunisien associent la réussite du pèlerinage à la réussite de toute la saison touristique.

Juifs et Musulmans de Djerba sont contents, cette année, du retour en force de la Ghriba, même s’ils avouent ressentir une certaine amertume, car le nombre de pèlerins avant la révolution était beaucoup plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. « J’espère un retour rapide des chiffres de 2008, bien que je ne pense pas que ça soit pour demain. Cela dépendra de l’intelligence des gens qui n’oublieront pas que nous avons toujours vécu ensemble », nous a déclaré Roger Bismuth, chef de la communauté juive de Tunisie. « Moi, je suis goullettois, je suis né là bas et j’habite encore là-bas. Et à la Goulette nous étions toujours tous unis, juifs, chrétiens et musulmans », a-t-il conclu.
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