Par Houcine Ben Achour
« Nous allons ajuster la boussole des choix nationaux du pays », a déclaré Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, s’adressant aux grévistes de la fonction publique venus manifester devant le siège de l’Assemblée des représentants du peuple, ce jeudi 22 novembre, à l’appel de la centrale syndicale historique. Est-ce que cela va faire reculer le gouvernement et infléchir la position du FMI sur l’impérieuse nécessité de maîtrise de la masse salariale du budget de l’Etat ? Cela est envisageable, mais encore loin d’être probable. En tout cas, un tel scénario aurait des conséquences plausiblement désastreuses sur les finances publiques. Le fragile redressement des finances publiques acquis laborieusement en 2018 ne constituera qu’une rapide parenthèse car les finances publiques vont replonger dans les abysses du déficit et amplifier par ailleurs l’endettement du pays, faute de pouvoir accroître la pression fiscale, laissant désormais entrevoir le pire : une crise de la dette.
De quels choix nationaux parle le secrétaire général de l’UGTT dès lors qu’il n’a vu dans le projet de loi de finances et de budget de l’Etat que la ligne budgétaire relative aux rémunérations publiques qui enregistre un quasi-statu quo, signifiant un gel des salaires de la fonction publique en 2018 et 2019? Il ne s’est nullement interrogé sur les 40 milliards que devra trouver l’Etat pour satisfaire toutes ses dépenses en 2019. Il n’a porté aucun intérêt sur la manière dont le gouvernement compte s’y prendre pour mobiliser des ressources propres de l’ordre de 30,5 milliards de dinars en 2019, soit 2,7 milliards de plus qu’au cours de 2018, année durant laquelle fut appliquée une mesure fiscale exceptionnelle et donc non reconductible d’une imposition supplémentaire sur les revenus et les bénéfices de 7,5%. Est-ce que Noureddine Taboubi a seulement constaté que malgré l’augmentation des ressources propres du budget, l’Etat sera dans la nécessité d’emprunter plus de 10,1 milliards de dinars en 2019, soit plus de 400 MD de plus que 2018. Le secrétaire général de l’UGTT a-t-il seulement constaté que pour contribuer à hauteur de 19% aux richesses produites annuellement, l’administration et la fonction publique consomment près de 30% de cette richesse?
La préoccupation est générale face à la dégradation du pouvoir d’achat du citoyen. Elle n’est pas exclusive de la centrale syndicale. Sauf que face à ce problème, l’UGTT propose une fausse solution. L’augmentation des salaires ne rattrapera la perte de pouvoir d’achat que durant un laps de temps très court, faute d’activer dans le même temps d’autres leviers visant à freiner la consommation, particulièrement la consommation d’importation ou à améliorer la productivité. Sans quoi, l’inflation perdurera grignotant inexorablement une fois de plus le pouvoir d’achat. C’est cette spirale prix-salaire qu’il s’agit avant toute chose d’éviter.
Cela étant, il est pour le moins curieux que les responsables de l’UGTT en viennent à jeter l’anathème sur le gouvernement et brandissent l’épouvantail de la souveraineté nationale. C’est cette attitude de refus de la réalité économique et financière qui risque le plus d’écorner la souveraineté du pays. Ils n’ont tiré aucun enseignement de la crise grecque. Certes, la situation économique et financière de la Grèce en 2010 est sans commune mesure avec la situation qui est la notre aujourd’hui. Cependant, on risque d’en prendre inexorablement le même chemin. Heureusement que nous ne sommes pas dans la position grecque obligés de mettre en œuvre plan d’austérité après plan d’austérité de 2010 à 2018 pour bénéficier des plans d’aide de la Troïka (FMI-BCE-Commission européenne). Même Alexis Tsipras, le porte drapeau de la contestation anti-austérité a dû se rendre à l’évidence en dépit de la victoire de son parti Syriza aux législatives de janvier 2015 et au référendum de juillet 2015, puisqu'il signera un nouveau plan d’austérité, le 9e depuis le début de la crise, et un nouveau plan de réformes des retraites, le 14e en 7 ans, pour obtenir un prêt de 85 milliards d’euros sur 3 ans. Ironique, le journal français Libération a qualifié Tsipras de « meilleur élève de Bruxelles ». Implicitement, il assume toute la logique de l’austérité économique engagée depuis 2011 par la Grèce avec les baisses de salaires dans la fonction publique, la baisse des pensions de retraite, les privatisations des entreprises publiques etc. En clair, toute la panoplie hard de redressement des finances publiques.
Mais au bout du compte, le résultat grec est éloquent. En 2016, le solde primaire du budget de la Grèce dégagera un excédent de 3,6% du PIB et de 2% du PIB en 2017. Pour cette dernière année, le déficit budgétaire global équivaudra à 0,7% du PIB. Une situation qui lui permet de trouver preneur lors d’une éventuelle émission d’obligations souveraines sur 10 ans à un spread de 430 points de base, le même prévalant avant la crise de 2010.
Cependant, cela n’a pas empêché un citoyen grec d’écrire dans le magazine français Le Point que « la Grèce a vécu ce calvaire par la faute de ses élites corrompues, incompétentes et avides. De la faute aussi de son peuple immature et archaïque dans ses choix. J’habite dans ce pays et je peux témoigner. Savez-vous qu’aujourd’hui, à Athènes, c’est quasi impossible de trouver un designer, un architecte, un comptable ou un médecin à l’hôpital? Ben, ils sont tous en Allemagne et dans ces pays du Nord qui n’ont rien payé pour les former mais qui en profitent bien pour doper leur PIB. »
C’est à croire qu’il ne parle pas de la Grèce mais d’un autre pays. Cela aussi Noureddine Taboubi ne semble pas le savoir. Vouloir ajuster la boussole économique de la Tunisie serait hasardeux de sa part.
Commentaires (10)
CommenterC'est le vieux renard qui est derrière tout ce marasme
Taboubi et qui?
@ Trop tard! : Combattre l'hydre
Merci pour votre commentaire.
Article de Houcine Ben Achour (HBA)
Y-a-t-il encore quelqu'un pour méditer et penser en dehors du chaos ambiant?
@abouali
Humaniser la croissance
Mais dis donc mr. HBA
N. Taboubi ou le GAMIN ancien vagmaster de l'ambassade US?
@Si Houcine Ben Achour
Je redonne un passage de l'article de Mr. Sofiene Ben Hamida en question: "C'est en se basant sur des remarques formulées par la Cour des comptes que la commission des finances de l'ARP a rejeté le projet de clôture du budget de 2013. Les dépassements dans la gestion des finances publiques, mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sont multiples, en rapport avec le recrutement anarchique, les promotions de complaisance, la dilapidation des moyens de l'Etat, l'utilisation excessive des voitures administratives et de fonctions à mauvais escient... C'est cette gestion approximative, sinon criminelle qui a conduit, entre autres raisons, aux difficultés actuelles des finances publiques. La troika, Ennahdha essentiellement, sont responsables de nos maux actuels. Il a fallu cinq longues années, comme si on cherchait à prescrire les faits, et un rapport de la Cour des comptes pour briser la loi de silence respectée par l'ensemble de la classe politique au pouvoir et désigner les responsables de la banqueroute actuelle. Il est en effet surprenant que tous les chefs de gouvernements qui ont succédé à la troika, Mehdi Jomaâ, Habib Essid et maintenant Youssef Chahed, aient soigneusement évité de pointer du doigt la gestion calamiteuse de la troika et se sont contentés de nous dire que la situation des finances publiques est difficile sans nous donner les raisons qui ont conduit à ce sinistre. Concernant Mehdi jomâa, la situation est particulièrement grave car la feuille de route issue du dialogue national lui assignait expressément de revoir les nominations et les recrutements, qui ne répondaient pas aux procédures légales, décidés au temps de la troika. Malheureusement il n'a pas avancé d'un iota sur cette question. Pourtant, en 2013, le contexte s'y prêtait. Aujourd'hui, il est évidemment trop tard pour rouvrir ce dossier. Quant à Habib Essid et Youssef Chahed, l'un n'avait pas les moyens de froisser les islamistes, seuls alliés de son gouvernement et l'autre s'est trouvé dès le début embourbé dans cette logique d'union nationale de façade. Au final, les islamistes, principaux animateurs de la troika s'en tirent à bon compte. Leur gestion sectaire et hasardeuse des affaires de l'Etat n'a jamais été critiquée par leurs successeurs. Leur alliance avec Nidaa leur a permis de tourner la page de leur administration calamiteuse tout en continuant à être associés au gouvernement. Aujourd'hui encore, ils profitent de leur participation au gouvernement en continuant de placer leurs hommes dans des postes clés de l'administration mais n'éprouvent aucune gêne à se désolidariser du gouvernement en cas de besoin,"
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@Si Houcine,
-Nous voulons savoir où sont passés les 19milliards d'euros (et même plus) de dettes, de donations et d'aides extérieures du temps de notre ex-troïka! Et tous ceux qui disent/prétendent que "le contrôle parlementaire des biens publics s'affaiblit en cas d'adoption du projet de loi de la clôture du budget de l'Etat, une longue période après son exécution." se font complice!
-Il doit y avoir un suivi des dépenses publiques à notre BCT!
-On emprisonne ceux du temps de la dictature sans leur faire un procès juste, mais on refuse de nous donner des éclaircissement concernant la disparition de gigantesques sommes d'argent durant le règne de notre ex-troïka! De quelle démocratie parlons nous en Tunisie?
J'espère que vous voyez maintenant pourquoi la classe pauvre et les nécessiteux soutiennent Mr. Noureddine Taboubi!
@Si Mohamed Obey, je partage votre Avis!
Tous les équilibres sont rompus.
Celui qui a une solution est Bouh bey.