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Protection des forces armées : Les Tunisiens ne sont pas tous des terroristes !
15/04/2015 | 19:59
5 min
Protection des forces armées : Les Tunisiens ne sont pas tous des terroristes !

Le projet de loi relatif à la criminalisation des agressions commises contre les forces armées suscite une véritable polémique au sein de la classe politique tunisienne. Si pour ses défenseurs, cette loi prendrait tout son sens à la lumière des récentes agressions et attentats terroristes ayant touché les forces armées tunisiennes, pour d’autres, les articles qu’il contient sont qualifiés de liberticides et pourraient avoir des répercussions graves et dangereuses entravant des libertés fraichement acquises.

 

Le projet de loi relatif à la répression des agressions commises contre les agents armés a été adopté en conseil des ministres le 8 avril. Il sera prochainement soumis au vote des députés de l’ARP réunis en plénière qui devront juger ce projet, article par article, afin de décider ou non de son adoption. En attendant, plusieurs de ces articles sont sujets à polémique et suscitent l’indignation de défenseurs des droits de l’Homme au sein de la classe politique tunisienne.

 

La raison d’être de ce projet est de protéger les agents armés, continuellement agressés et menacés durant l’exercice de leurs fonctions, et ce, qu’ils fassent partie des forces de sécurité intérieure, de l’armée ou de la douane. Il prévoit également la protection des membres de leurs familles et des personnes sous leur tutelle légale.

Cependant, dans les faits, on craint que, sous couvert de lutte antiterroriste, cette nouvelle loi, si toutefois elle est adoptée, marque le retour d’un régime policier et donne une nouvelle impunité aux forces de l’ordre au détriment de libertés individuelles si chèrement acquises.

 

Sur la toile, plusieurs politiques se déchaînent et condamnent ce projet de loi qu’ils qualifient de « dangereux ». Certains l’accusent de créer une « omerta autour des forces de l’ordre » en leur conférant ce statut particulier et en leur offrant une protection « extraordinaire ». Une protection qui risquerait de leur conférer tous les pouvoirs sur les citoyens dits « ordinaires ». Ceci pourrait en effet laisser la porte grande ouverte à toutes sortes d’abus qui deviendraient, ainsi, protégés dans le cadre de la loi.  

En effet, en plus de protéger les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions, ces articles de loi, de part leur interprétation et le contexte dans lequel ils seront appliqués, peuvent compromettre plusieurs libertés citoyennes. Par exemple, l’accès à l’information y sera nettement remis en question étant donné que ce projet de loi criminalise la violation des secrets de sécurité nationale la qualifiant d’agression contre l’institution sécuritaire mais aussi contre les intérêts suprêmes de l’Etat et de la Nation. Ainsi la destruction, le vol, l’appropriation, la divulgation ou l’altération, par quelque moyen que ce soit, de documents classés comme secrets implique des dispositions similaires à celles adoptées en cas de violation des secrets militaires mentionnés dans le code pénal.

 

Dans ce projet de loi sont également criminalisés les actes d’humiliation commis contre les forces de sécurité intérieure, en tant qu’institution officielle. Actes pouvant porter atteinte à leur dignité et leur renommée ou saper leur moral et ce, dans le but de nuire à la sécurité nationale. L’interprétation de ces « actes » reviendrait donc à l’appréciation du juge et pourrait englober un champ aussi large que varié.

Cette loi prévient également toute action entravant les activités des services de sécurité, de l’armée ou celles des douanes et criminalise aussi quiconque aurait incendié, détruit ou procédé à la démolition de locaux ou entrepôts où sont stockés des armes, des véhicules ou des équipements militaires appartenant à l'armée de terre ou aux forces maritimes et aériennes.

Dans ce projet de loi, l’aggravation des peines est prévue en fonction de la gravité des conséquences des actes commis. Par exemple, une peine 10 ans de prison et 50.000 DT d’amende est prévue contre quiconque responsable de détention, d’utilisation, de propagation ou de modification de secrets de sécurité nationale. Idem pour celui qui ne détient pas des informations classées secret de sécurité nationale mais pourrait en prendre connaissance, en faire une copie ou les divulguer. Une peine qui se retrouve doublée si l’accusé a reçu une contrepartie de l’acte commis.  Des peines qui ne peuvent bénéficier de l’atténuation prévue dans l’article 53 du code pénal.

 

Un autre article prouve le danger de cette loi. L’article 17 mentionne en effet qu’aucune responsabilité pénale n’incombe à un agent qui causerait le décès d’un individu dans le cadre de la mission qu’il poursuit et des moyens en sa disposition et si la répression est proportionnelle à la gravité de l’attaque.

Pourquoi évoquer une disposition pareille alors que les cas de légitime défense sont clairement mentionnés dans le code pénal et leurs acteurs protégés par la loi? L’article 39 prévoit, en effet, que : « il n’y a pas d’infraction lorsque l’auteur y a été contraint par une circonstance qui exposait sa vie et celle de l’un de ses proches à un danger imminent, et lorsque ce danger ne pouvait être autrement détourné ». En réalité, plusieurs articles du code pénal permettent de protéger l'action des agents des forces de sécurité dans l'exercice de leurs fonctions et le recours à une loi excpetionnelle ne serait donc pas justifié, de l'avis de nombre de ses détracteurs.

 

 

Du côté de ses défenseurs, ce projet de loi tiendrait compte des normes et dispositions prévues par les conventions internationales et les principes fondamentaux des Nations Unies. Il s’inscrirait dans le cadre du « renforcement des mécanismes juridiques visant à protéger les forces de sécurité intérieure armées, de l’armée et des douaniers leur permettant d’accomplir leur mission pour préserver l’ordre public, la protection des individus, des institutions, des biens et l’application de la loi », selon les propos d’Ahmed Zarrouk, porte-parole du conseil des ministres.  Mais la protection des individus doit-elle se faire au détriment de leurs libertés ?

 

Depuis 2011, les rangs des forces de sécurité nationale ont enregistré la mort de 75 agents avec près de 200 blessés, dont certains graves. Un climat de tension a accompagné la lutte antiterroriste en Tunisie et alors que le projet de loi antiterroriste tarde à être adopté en plénière, ce nouveau projet de criminalisation des agressions commises contre les forces armées pourra marquer le début (ou retour) à une ère de répression d’un régime policier ayant pour alibi la protection et la sécurité.  

 

Force est de reconnaitre que ce projet de loi, pensé dans un contexte très particulier de lutte antiterroriste, peut s’avérer dangereux, sorti de son contexte. En effet, les Tunisiens ne sont pas tous des terroristes et certains articles semblent omettre ce « détail ». Si ce projet de loi est adopté, le risque de voir certaines libertés bafouées au nom de la lutte antiterroriste deviendra bien réel. Devoir choisir entre liberté et sécurité est-il une fatalité ?

15/04/2015 | 19:59
5 min
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Commentaires (11) Commenter
En France, ils votent en ce moment la même loi
Fleurducommun
| 06-05-2015 21:19
Parce que face au terrorisme, c'est nécessaire. Arrêtée de polémiquer.
Contre-Révolution an I : restauration de la Répression
Karnass
| 16-04-2015 14:54
Cette loi est liberticide car elle déploie un arsenal législatif censé protéger l'action de forces sécuritaires jugées COMPÉTENTES et respectueuses de l'Etat de Droit.

CE N'EST PAS LE CAS


Cette loi, lorsqu'elle est détournée et exploitée à mauvais escient, fera la joie des contre-révolutionnaires qui s'incrustent de plus en plus dans les institutions de l'Etat ( ou ce qu'il en reste) :

- Nos policiers et gardes nationaux de base sont très mal formés, et le respect des droits humains est le dernier de leurs soucis.

"LA POLICE CONTRE LE PEUPLE", slogan utilisé pendant cinquante années dans les académies de police

- ***



Cette loi
Droit devant !
A_Zut !
| 16-04-2015 13:55
Juristes de tout le pays (ré)unissez-vous!
réveiller vous
tounsi
| 16-04-2015 12:54
mes concitoyens réveiller vous cette loi et dangereuse pour notre liberté même la plus simple, une altercation avec un policier de circulation peut vous valoir la prison ne parlons pas d'autre expérience!
Et ma question à M.P.P est la suivante:
DHEJ
| 16-04-2015 11:58
Quelle LÉGITIME DÉFENSE prévoit le LÉGISLATEUR aux tunisiens dits non terroristes contre ceux qui le sont énormément???
Ben Franklin.
Srettop
| 16-04-2015 09:43
Ben Franklin disait qu'"un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux."
Dire que nous sommes en guerre, c'est jouer sur les mots. Nous ne sommes pas plus en guerre contre le terrorisme que contre le banditisme par exemple. L'état de guerre obéit à des règles juridiques, déclaration de guerre, etc. L'avons-nous fait? Donc soyons extrêmement vigilents face aux risques de dérives.
A circonstances spéciales ,mesures spéciales
Le Sphynx
| 16-04-2015 07:35
La Tunisie étant en guerre,toutes les mesures sont acceptables ,sauf que ces mesures doivent être provisoires et cela doit être mentionné dans les textes,une validité de cinq années me paraît raisonnable,il vaut mieux un tour de vis plutôt que d'avoir ces abrutis et ces gueux devant nos portes.
un monde de fou !!!
lolo69
| 16-04-2015 06:14
Il faut des lois exig
Ce qui serait acceptable en France serait-il inacceptable en Tunisie ?
Mêmepaspeur
| 15-04-2015 23:41
Je ne vois pas où est le "scandâââle" (avec une intonation grandiloquente) de voter une loi "antiterroriste" qui incriminerait plus sévèrement toute agression qui frapperait les agents de l'ordre ou toute autorité légale ou même nos forces armées...???!!!
Il y a un proverbe célèbre en France qui dit : Vérité en deçà, erreur au-delà des Pyrénées...
On peut désormais prendre ce proverbe pour décrire cette nouvelle polémique oiseuse, digne d'un pays qui vient de recouvrer sa liberté et qui, repu et rassasié d'un trop plein de libertés, éructe et rue dans les brancards en demandant qu'on le laisse maintenant faire ses besoins dans le plat...!!!
Donc: Vérité en deçà (en France) erreur au delà de la Méditerranée (en Tunisie)...
Alors comme ça...nous serions devenus en Tunisie plus attentifs et protecteurs pour nos libertés...plus que ne le seraient les Français à l'égard de leurs propres libertés...?
Je signale aux frileux et ceux qui ont peur d'avoir froid aux yeux qu'en France, le gouvernement a l'intention de promulguer une loi équivalente, que certains craignent qu'elle ne soit le sosie du "Patriot Act" de Bush...
Oui mais...il n'y a pas en France autant de terrorisme qu'en Tunisie, et pas de pays voisins qui vivent ce que vivent les Libyens...
Je suis mille fois, et une fois de plus pour faire bonne mesure, "pour" cette loi, n'en déplaise aux vierges effarouchées qui font mine de s'inquiéter pour leurs libertés...et qui seraient les premiers (et les premières) à tenir les autorités responsables de ne pas avoir édicté des lois suffisamment sévères contre les terroristes...dont ils pourraient par malchance, en être les victimes...
Cette loi que les gens responsables, ainsi que les familles de ces agents de l'Etat, appellent de leurs voeux ne peut nuire qu'aux "libertés" que prennent les terroristes avec NOS propres libertés...
Prière de ne pas se tromper d'ennemi...
Mon ennemi ne sera jamais le gouvernement de mon pays...
Le reste n'est que tchaqchiq hnek...

MPP
# "Les Tunisiens ne sont pas tous des terroristes"...mais certains Tunisiens le sont énormément...
merci synda tajine
nazou
| 15-04-2015 23:30
mais bon courage pour expliquer ça,a vos lecteur :

Voir votre article consacré au fuyard ,qui a reçu une balle dans la tete !!
C'est affolant le nombre de personnes qui ont reçus des balles en pleine tete !

Je pense que, meme a l'époque de ben ali,la police n'était pas aussi bonne tireuse !!!