Pour son lobbying, Ennahdha a payé en 2019 Burson Cohn & Wolfe plus de 100 mille euros
Le président d’Ennahdha Rached Ghannouchi a indiqué jeudi 3 octobre à Mosaïque FM que son parti n’a signé avec aucune agence de lobbying. Il était en train de répondre sur la polémique touchant les documents attribués à son adversaire Nabil Karoui qui aurait signé un contrat avec une agence de lobbying canadienne. Information démentie par l’intéressé.
Il se trouve que l’affirmation de Rached Ghannouchi est difficile à croire quand on sait qu’il a signé un contrat de lobbying en 2014 avec l’agence Burson-Marsteller Sprl. Cliquer ici pour voir le document qui le prouve et ce sur un site gouvernemental officiel. Ceci était valable en 2014, est-ce encore le cas en 2019 ?
BN Check a cherché et a rapidement trouvé qu’Ennahdha a bel et bien signé avec une agence de lobbying, pour un contrat dont on ignore le contenu, mais dont la valeur est supérieure à 100 mille euros, soit plus de 330 mille dinars. L’agence en question s’appelle Burson Cohn & Wolfe Sprl et qui n’est autre que le nouveau nom de Burson-Marsteller Sprl et ce depuis 2018.
L’agence en question a des contrats de centaines de milliers de dollars et d’euros un peu partout dans le monde. Pour pouvoir bien exercer son activité en Europe, elle a l’obligation de s’inscrire dans le site officiel de l’Union européenne dans le registre des représentants d’intérêts. En s’inscrivant dans ce registre, l’agence de lobbying a l’obligation de fournir les noms de l’ensemble de ses clients et de donner de quel ordre sont les montants de ses contrats avec chacun de ses clients. Ce registre est régulièrement mis à jour par les agences exerçant en Europe. On va jusqu’à donner les noms des personnes exerçant dans l’agence de lobbying, les personnes accréditées pour accéder aux bâtiments du parlement européen et même la validité de leurs badges !
BN Check a consulté ce registre de transparence, les noms des clients de Burson Cohn & Wolfe et a trouvé le nom d’Ennahdha parmi eux. Le nom du parti islamiste tunisien figure parmi les gros clients de l’agence de lobbying, puisqu’il a payé un montant compris entre 100.000 et 199.999 euros. On soulignera que la dernière mise à jour du registre pour Burson Cohn & Wolfe remonte au 19 septembre 2019. Les mises à jour doivent être effectuées une fois par an au minimum. Pour l’année 2019, Burson Cohn & Wolfe a effectué deux mise à jour. Les chiffres sont donc des plus récents.
On signalera que ce montant est valable uniquement pour l’année en cours. Jeune Afrique a précédemment indiqué qu’Ennahdha a payé quelque 18 millions d’euros pour l’ensemble de la campagne électorale.
D’après la fiche Wikipédia, Burson-Marsteller, devenue Burson Cohn & Wolfe (BCW) en 2018, compte de nombreuses entreprises multinationales et des agences gouvernementales parmi ses clients. Elle est spécialisée dans les relations publiques, les relations presse, la communication institutionnelle et les affaires publiques, la communication high-tech, la communication santé, le marketing et la publicité, mais elle est surtout connue et réputée pour ses services de communication de crise et de lobbying politique. L’entreprise a remporté de nombreuses récompenses au fil des décennies pour son travail dans la gestion de crises graves comme la crise financière asiatique à la fin des années 1990, une tentative d'extorsion contre la société britannique GlaxoSmithKline en 2002, l’affaire des empoisonnements au Tylenol à Chicago, les protestations des salariés de la centrale nucléaire de Three Mile Island ou encore les attaques terroristes contre des touristes en 1993 en Égypte. Mais Burson-Marsteller a également fait l'objet de protestations et de critiques, notamment dans le cadre de campagnes compromettantes (pour le compte de Philip Morris qui dans les années 1990 tente de minimiser les préoccupations concernant le tabagisme passif ou en 2011, pour le compte de Facebook en menant des campagnes de diffamation contre Google). Burson-Marsteller a dans le passé également prêté ses services à des régimes enfreignant de façon grave les droits de l’Homme (Argentine et Indonésie).
Mohamed Abbou qui a déposé jeudi 3 octobre un signalement au parquet à propos des documents supposés de Nabil Karoui trouvera certainement ici les preuves dont il a besoin pour impliquer Ennahdha et son large dépassement des plafonds budgétaires.
N.B.
Cliquer ici pour accéder au registre de transparence de l’Union européenne
Cliquer ici pour voir la fiche de l’agence Burson Cohn & Wolfe au registre de transparence
Cliquer ici pour voir la fiche Wikipedia de l’agence Burson Cohn & Wolfe