Le monde préfère la formule au fond
Un jour il faudrait se pencher sérieusement sur le paradoxe de cette feuille désespérément blanche, alors même qu’elle a pour vocation de traiter de l’actualité du monde particulièrement dense. L’espèce humaine fait sans doute partie d’une famille ethnologique qui, confrontée à trop de choix, ne sait plus choisir. Et pourtant, il faut défendre les siens, sauf à risquer de les perdre. Attachez vos ceintures, tripons.
En Angleterre, à Londres, sur son pont, un repris de justice, condamné en 2012 pour des faits terroristes commis en 2010, a tué au couteau deux personnes, avant de se faire neutraliser courageusement par la foule et abattre par la police. Le terroriste avait été condamné à 16 ans de prison pour avoir voulu commettre un attentat à la bourse de Londres. Dans ses desseins, il avait aussi celui de monter un camp d’entrainement sur ses terres familiales dans le Cachemire au Pakistan. Il était alors âgé de 19 ans, et considéré comme le plus radicalisé du groupe, et le plus dangereux.
En décembre 2018, et après donc 6 ans d’incarcération, la justice considère qu’il a perdu de sa dangerosité et le libère, bracelet électronique au pied. Parce que c’est bien connu, la prison déradicalise. C’est avec le même bracelet et une dangerosité intacte qu’il a massacré au couteau vendredi 5 personnes, dont deux mourront suite aux coups portés, et une qui reste dans un état critique. L’erreur est humaine, mais la justice, parfois on peut s’interroger, si cela n’avait pas été si tragique. #godsaveus
Heureusement le poème de la relation franco-turque vient mettre un peu de vie dans cette fin de semaine bien triste. Et ce même vendredi, le président Erdogan nous annonce sans fioriture, tout de go, que le président Macron n’est ni plus ni moins en état de mort cérébrale. Les Gilets jaunes n’étaient pas au courant, c’est certain. A Paris on s’indigne, on convoque l’ambassadeur au ministère des Affaires étrangères, l’Élysée déclare dans son communiqué que le propos n’est pas une déclaration mais une insulte. Pardon, mais mort cérébrale, c’est tout sauf une insulte, et c’est surtout tragique. Précisons que l’attaque d’Erdogan, pour ceux qui n’ont pas tout suivi, vient en réponse à celle de Macron qui déclarait que l’Otan était en état de mort cérébrale. Derrière tout cet écran de fumée, l’enjeu est tragiquement tout autre et concerne le terrorisme, le sort des Kurdes, la crise syrienne et la situation iranienne.
L’équation est la suivante. L’armée Kurde des YPG est accusée par la diplomatie turque d’être le bras armé du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, déclarée organisation terroriste par Ankara, PKK qui milite durement pour l’indépendance du Kurdistan en Turquie. Or les mêmes YPG sont des alliés majeurs des forces Démocratiques Syriennes, lesquels FDS sont soutenues par la France dans leur guerre contre Daech. Pour simplifier, les politiques adorent simplifier, la France soutient le YPG groupe armé des indépendantistes kurdes en Turquie. Compris ? sinon relisez.
Et le 9 octobre dernier, Erdogan a donc décidé d’attaquer les Kurdes, et leurs YPG. La France riposte de mille et une manières et l’une d’elles, une des seules visibles du grand public, sera la déclaration du président Macron sur la mort cérébrale de l’Otan à cause de la politique du fait accompli d’Erdogan.
Suite la semaine prochaine, à Londres où tout ce petit monde va se rencontrer en marge du sommet de l’Otan pour évoquer le dossier syrien. Et nous aurons autour de la table, outre nos deux cerveaux on ne peut plus vivaces, la très loquace Angela Merkel et le très posé Boris Johnson. Le monde en aurait retenu son souffle s’il n’avait pas préféré la formule au fond. #onvatousmourir
Au Mali, ce sont treize militaires français qui sont morts dans une collision entre deux de leurs hélicoptères qui intervenaient en appui à des combats menés au sol contre des djihadistes. C’est le plus lourd bilan de l’armée française depuis le 23 octobre 1983, jour où 58 parachutistes avaient été tué dans l’attentat du Drakkar, du nom de l’immeuble où ils résidaient à Beyrouth. Rappelons que le même jour, au même moment, un attentat simultané avait fait 241 victimes dans les rangs de l’armée américaine, eux stationnées à l’aéroport international de Beyrouth. #lapatriereconnaissante
Et pendant ce temps-là, Kim, notre cher Kim nord-coréen a tiré jeudi deux nouveaux missiles, parce que la provocation ça l’occupe. Le scrutin s’organise en Algérie, et le 12 décembre les algériens pourront choisir leur président s’il reste des Algériens en liberté d’ici là, la liste des détenus politiques augmente tous les jours, et le total se chiffre désormais en milliers. Et Mike Horn continue sa traversé de la banquise arctique, difficilement, mais sans jamais avoir été en danger de mort, contrairement aux plus folles rumeurs qui ont circulé.
C’est la fin de la semaine, c’est la fin de ce trip, vous pouvez éteindre vos smartphones.