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Tribunes
2019, l’essentiel en 10 points
24/01/2019 | 21:00
7 min
2019, l’essentiel en 10 points

Par Kais Nigrou *


Nous sommes à la veille d’une année électorale cruciale pour l’avenir de la Tunisie.

En effet, de nombreux paramètres économiques et sociaux sont dans le rouge (malgré une légère amélioration les derniers mois, imperceptible toutefois par la population). La raison principale à cette banqueroute reste l’instabilité politique. Même si les champions de la récupération imputent tous les maux au gouvernement en place. Raisons électoralistes obligent. Et même si ce gouvernement a pu commettre des erreurs (de casting, de programmes, de priorités..), il est trop simpliste de tout lui mettre sur le dos. Même sur le dos des gouvernements qui l’ont précédé d’ailleurs (mis à part celui de la Troïka en 2011).

Car la vérité est que depuis 2011 et à cause de l’émiettement du paysage politique, de la loi électorale, de l’avidité de « politiciens » opportunistes, aucune force politique n’avait le poids, la légitimité et le soutien populaire nécessaires pour engager les réformes fondamentales qui permettraient d’engager le pays sur la route d’une croissance et d’un développement exponentiels.

 

Alors oui cette année électorale est cruciale, voire vitale, car la mise en place de ces réformes ne pourra plus être reportée. L’enjeu est donc fondamentalement différent de 2011, année de révolution qui a vu prédominer les projets idéologiques, et de 2014 où le but était d’assurer un équilibre des forces sur la scène politique.

La prochaine campagne électorale sera alors portée sur l’économique et le  social ou ne le sera pas !

Pour ce, voici, selon mon humble opinion, les grands axes sur lesquels doit se baser le programme qui permettra à la Tunisie de décoller, mais qui en même temps devra avoir l’adhésion d’un électorat large, hétéroclite, actuellement abstentionniste dans sa majorité car en attente d’une offre politique sérieuse, différente.

 

1/ D’abord en finir avec la politique de l’état providence. On ne cesse de nous répéter en effet, que la Tunisie adopte un modèle économique libéral. Faux ! La Tunisie n’a cessé au contraire, de trainer les restes d’un modèle socialiste essoufflé adopté depuis l’indépendance, rattrapé par une mondialisation à laquelle il est très difficile d’échapper, mais que nous subissons à cause d’un manque flagrant de la compétitivité de notre économie. L’état doit s’occuper seulement des secteurs stratégiques : sécurité, justice, affaires étrangères, éducation et santé. Pour les autres domaines notamment concurrentiels, le secteur privé assurera l’essentiel, seul ou en partenariat avec le secteur public. 

2/ Trouver une solution d’urgence pour les entreprises publiques déficitaires : restructuration, privatisation partielle ou totale. Au cas par cas. Mais il est inacceptable que l’Etat continue à débourser des milliards (sur le dos du contribuable ou en alourdissant la dette) pour sauver des entreprises mal gérées, avec des effectifs pléthoriques ou gangrénées par la corruption.

3/ Sauver les caisses sociales en adoptant d’urgence l’augmentation de l’âge de la retraite obligatoire à 62 ans (sauf pour quelques métiers pénibles) et le départ volontaire à 65 ans.

 

4/ Passer du syndicalisme de revendications au syndicalisme de propositions : L’activisme syndical sous toutes ses formes est un droit constitutionnel. Et les négociations des gouvernants avec les partenaires sociaux restent l’un des mécanismes assurant une plateforme de dialogue et évitant souvent des tensions sociales délétères. Mais ce à quoi on assiste depuis 8 ans relève souvent  du corporatisme  voire d’une forme d’activisme politique déguisé.  Même si de nombreuses revendications restent légitimes. Les mouvements de grèves sont régis par des lois. Les grèves sauvages doivent cesser et leurs auteurs punis.

 

5/ Phosphate et Hydrocarbures : la recherche de nouveaux gisements, l’exploitation des sites en arrêt doit reprendre au plus vite et avec une capacité maximale ! Aucune tolérance ne sera permise contre ceux qui freinent l’exploitation de ces richesses.

 

6/ Lutte acharnée contre la corruption : Nul n’ignore que ce cancer mine le pays, avec des métastases touchant pratiquement toutes les institutions. Cela freine considérablement la relance économique. Un programme a déjà commencé, mais reste insuffisant vue l’ampleur du phénomène. Il doit donc être poursuivi avec la plus grande rigueur. Mis à part les institutions crées à cet effet (ex : Inlucc), deux mesures contribueraient fortement à cette lutte : la numérisation massive de l’administration (diminution du facteur humain) et la limitation de l’utilisation de l’argent liquide (pourquoi pas changer la monnaie).

 

7/ Energies renouvelables et contrôle des ressources hydriques : La politique de l’Etat est déjà dans la bonne direction dans ces domaines. Il faut continuer sur la même lancée. L’objectif d’atteindre le seuil de 30% de l’apport des énergies renouvelables dans l’électricité à l’horizon 2030 doit être respecté.

 

8/ Education et Santé : deux secteurs absolument stratégiques pour l’avenir du pays. Et même si le secteur privé contribue fortement à l’essor de ces domaines, la pérennité d’une santé publique et d’une école publique de qualité doivent rester une priorité absolue. Si l’on veut parler d’une justice sociale, c’est justement ici qu’elle doit trouver son salut ! Ces deux secteurs nécessitent des moyens colossaux, et ceux déjà déployés par l’Etat sont loin d’être négligeables. L’éducation nécessite donc encore plus de moyens, mais également une réforme profonde des programmes, qui ne sont plus adaptés à notre temps. Quant à la santé publique elle souffre principalement de deux maux : le manque de moyens matériels (il existe une politique actuelle erronée qui consiste à créer de nouvelles entités hospitalières, alors que celles déjà existantes manquent des moyens les plus rudimentaires même les CHU !) et une politique de gestion désastreuse aggravée par la corruption. Le salut de la santé publique viendra donc par la résolution de ces deux paramètres essentiellement.

 

9/ Encourager par tous les moyens l’essor d’une nouvelle « capitale » économique et industrielle : le projet du port en eaux profondes d’Ennfidha été validé et sera fonctionnel d’ici quelques années. Il s’agit de créer dans cette zone un pôle économiquement attractif avec une ville nouvelle aux normes environnementales modernes. Cela ouvrirait les horizons pour beaucoup de demandeurs d’emploi, et diminuerait la pression sur la capitale Tunis ou d’autres grandes villes, qui voient la multiplication des cités périphériques dortoirs, ne faisant  qu’accentuer la fracture sociale et le sentiment de rejet. Cela encouragerait aussi les investisseurs étrangers à s’y implanter.

 

10/ Lutte contre la fuite des cerveaux : phénomène devenu de plus en plus inquiétant surtout les dernières années. La raison en est les rémunérations insuffisantes et les conditions de travail difficiles, dans le secteur public principalement. Beaucoup de pays se sont confrontés au même problème et ont trouvé des solutions (ex : le Maroc). Paradoxalement, la masse salariale n’a cessé d’augmenter les huit dernières années avec les conséquences que l’on sait sur l’équilibre des finances publiques, mais cette augmentation des salaires n’a peu ou pas touché les hauts cadres (administration, justice  , santé , éducation..) ce qui a causé leur fuite massive vers le secteur privé ou à l’étranger. Cette hémorragie doit s’arrêter, et ce n’est pas en imprimant un caractère obligatoire à l’installation de ces hauts cadres que ça va se faire, mais en leur offrant des conditions de travail dignes, et des salaires allant de pair avec leur niveau et leur fonction.  

 

Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’un programme économique proprement dit, ni encore d’un programme politique complet. Il me semble toutefois évident, que si l’on s’éloigne de ces orientations, aucun gouvernement, aussi compétent soit-il, ne pourra relever le défi de la relance économique et assistera impuissant à un déficit continuel de la balance commerciale, une inflation galopante incontrôlable et une dégradation constante de la valeur de notre monnaie.

Je comprends également que d’autres protagonistes puissent défendre une vision diamétralement opposée. Mais l’essentiel à mon sens est que le débat sur ces questions soit franc, dépassionné et débarrassé de toute idéologie. L’électeur fera par conséquent son choix d’une manière claire et sans ambigüité. Et que celui qui aura la confiance du peuple puisse gouverner !

 

* Kais Nigrou est conseiller municipal et activiste politique indépendant

 

 

 

 

 

 


24/01/2019 | 21:00
7 min
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Commentaires (5)

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DIDON
| 28-01-2019 22:40
L éducation doit être un point à part entière et le 1er. Ce qui se passe aujourd'hui avec le syndicat est criminel et doit être puni comme tel

Hamidou
| 25-01-2019 17:34
En 10 points, vous avez préconisé la manière de sortir notre pays de l'orniere dans laquelle il se débat.
Les conditions évoquées sont on ne peut plus logiques mais par malchance, nous comprenons encore mal le sens de la démocratie, du sacrifice, de l'austérité et de l'altruisme.
Théoriquement, l'application de ces propositions sur le plan pratique nécessite la conjugaison de toutes Les potentialités .
Mais

Sidi Bou
| 25-01-2019 14:24
Voilà un mini programme qu'il faut mettre à table et en débattre publiquement lors des prochaines élections.
On peux en ajouter certaines recommandations ou éliminée d'autres mais l'enssemble est réalisable et nécessaire absolument si nous voulons sortir de ces marasmes chroniques

DHEJ
| 25-01-2019 12:15
Or l'INS pointe 5 points:

Inflation

Taux de chomage

Balance commerciale

Balance de paiemnt

Taux du dinar!

Donc quel lien possible avec tes 10 points?!

aziz
| 25-01-2019 09:40
Très bonne initiative. et une bonne reflection il faut un gouvernement fort.une bonne gouvernance