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Médecins : Il y a désordre dans la demeure!
28/08/2017 | 19:59
5 min
Médecins : Il y a désordre dans la demeure!

 

La corporation médicale, réputée pour son esprit de solidarité exemplaire, est en train de vivre une véritable crise suite aux déclarations du secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), Dr Nazih Zghal critiquant la formule de l’Activité privée complémentaire (APC) et allant jusqu’à réclamer, carrément, sa suppression.

 

 

Lors de son passage, mercredi 23 août 2017 à la matinale Expresso sur les ondes d’Express Fm, Nazih Zghal a jeté un pavé dans la mare lorsqu’il a reconnu que la majorité écrasante des bénéficiaires, pour ne pas dire tous, de cette mesure réglementée par un arrêté gouvernemental datant de 1995, commettent des dépassements et des infractions à cette disposition.

Au secrétaire général du CNOM d’enfoncer le clou en affirmant que « ces infractions ont lieu au vu et au su de tous sans que les autorités compétentes ne puissent prendre les mesures réglementaires adéquates qui s’imposent ».

 

Comme, selon lui il n’y a aucun moyen de contrôle efficace et équitable pour pallier ces « anomalies » il a proposé la suppression de cette faveur avec une amélioration des salaires des professeurs agrégés qui  se maintiennent dans les établissements hospitaliers publics.

 

 

Qu’à cela ne tienne et comme il fallait s’y attendre, ces propos ont créé une grosse polémique et soulevé un tollé chez les praticiens qui ont eu des réactions diverses.  A commencer, cela va de soi, par le Conseil national de l’Ordre des médecins qui a rendu, hier, un communiqué dans lequel il affirme que tout en étant « conscient » de la problématique de l’exercice de l’APC, il estime que les propos du secrétaire général n’engagent que lui et qu’il ne s’agit nullement de la position de l’Ordre.

 

« En dépit des conditions d’exercice souvent difficiles, l’Ordre salue le travail fourni par les médecins hospitalo-universitaires et rappelle que sa fonction première est de veiller au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement, indispensables à l'exercice de la profession et au respect par tous ses membres des devoirs professionnels dictés par le code de déontologie », li-ton en substance dans le communiqué du CNOM.

 

 

Ce communiqué a suscité, à son tour une série de réactions variées dont certaines sont solidaires avec Dr Nazih Zghal.

 

Dr Aïda Borgi, connue pour ses positions critiques envers la profession, a qualifié le communiqué de l’Ordre de celui de « la honte » dans la mesure où le « CNOM qui se désolidarise de son courageux et intègre secrétaire général Nazih Zghal qui a osé parler des dépassements faits au nom de l'APC ».

 

Dr Sami Ben Sassi, actif dans les milieux associatifs, affirme que le secrétaire général, Dr Zghal, « n'a fait que relater une réalité connue de tout le monde, mais malheureusement le CNOM a choisi de rester bien en deçà de la dignité que cette réalité exige ».

Et de poursuivre en ces termes : « Parfois, la frontière entre la diplomatie et la complaisance ne tient qu'à un fil... je me demande même si la composition actuelle du CNOM n'y est pas pour quelque chose », explicite t-il en substance.

 

Dr Mounir Charfi, tout en partageant la publication de Conseil national de l'Ordre des médecins de Tunisie, n’a pas été tendre avec le CNOM.

« Un conseil de l'ordre qui désavoue son SG veut dire qu'il y a désordre dans la maison. Le SG est le porte-parole de toute association, il exprime donc l'avis de ceux qui l'ont élu, lui et son bureau. Si Dr Nazih Zghal ne reflète plus notre avis, il faut le radier. Sinon il faudra dissoudre ce semblant de conseil de l'ordre qui caresse dans le sens du poil le banditisme médical », indique t-il.

Et d’enchaîner crescendo : « L'APC telle qu'exercée est une m…. finie pour l'image du médecin et de la médecine. La majorité de ces APCistes actuels ont été avec moi à la fac. Je les connais un par un. Ils ne sont pas mauvais au fond. Mais le système les rend absents de leurs services, avides de consultations et de détournements divers, entrant par les portes dérobées des cliniques, opérant sous fausse bannière le reste de la semaine. Un conseil de l'ordre qui les encourage de façon diplomatique et désavoue aussi diplomatiquement Dr Zghal ne peut me représenter, bien que j'ai été parmi les 10 % qui ont voté aux dernières élections du Conseil ».

 

 

Bon à savoir que le régime de l’APC pour les hospitalo-universitaires a été institué par le décret n°95-1634 du 4 septembre 1995 qui stipule le respect des clauses du contrat liant le médecin et l’employeur, le ministère de la Santé, dans le cas d’espèce, doit être scrupuleusement respecté, sachant qu’un comité d’évaluation, comprenant des représentants de l’Ordre, a été mis en place en vue de statuer sur les agréments des candidatures ainsi que sur les éventuels litiges et les manquements à l’éthique qui peuvent surgir, de temps à autre…

 

Sans oublier que la liste des médecins autorisés à exercer sous le régime de l’APC doit être, obligatoirement, communiquée à l’Ordre ainsi que le lieu et les horaires de leurs vacations alors que les directeurs de clinique devront s’engager à faire respecter la législation, notamment celle relative à la tenue de registres des comptes-rendus opératoires.

 

 

Il y lieu de signaler, par ailleurs, les plaintes enregistrées de la part des patients qui souffrent d’attitudes, parfois discriminatoires observées chez les médecins et le corps paramédical, dont les membres font des efforts spéciaux pour détourner les malades du public avec les consultations privées assurées par le « Professeur » sur les lieux même de son service à l’hôpital. Certains parlent de commissions touchées par les infirmiers et les secrétaires médicaux  pour tout malade ramené vers le privé.

 

 

En tout état de cause, le conflit éclate, cette fois-ci, au sein même de la corporation et les langues semblent se délier pour traiter de certaines questions, considérées, jusque-là comme étant taboues. Jusqu’où iront les uns et les autres ? C’est ce que l’avenir se chargera bien de révéler.

 

Sarra HLAOUI

28/08/2017 | 19:59
5 min
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Commentaires (11)

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rz
| 30-08-2017 08:41
L'enseignement et la recherche est une vocation, si on l'avait pas, à la sortie, il faudrait aller directement au privé. Reste, il est vrai que les Profs de Médecine sont très mal payés vu le boulot harassant qu'ils font 24 sur 24(enseignement, recherche, encadrement, gardes, formation post-universitaire, organisation congrès...etc)de plus il faudrait leur rendre la responsabilité totale de leur Service; ainsi on peut les évaluer et les juger; actuellement le Chef de Service n'a aucun pouvoir par ex. quant au choix de ses collaborateurs, ils lui sont imposés; face à cette impuissance du chef de Service, on voit tant de laisser aller et tant d'aléas dans ces Services sans qu'on puisse faire quoi que se soit.

médecin HU
| 29-08-2017 16:41
justice fiscale, doublement du salaire des HU tout en en recrutant moins, et en leur demandant de remplir certaines conditions : un certain nombre de consultations, d'actes opératoires, d'heures d'enseignement, de publications scientifiques d'un certain niveau...et bien sur abolition définitive de l'APC. ceux qui ne s'intéressent pas à ce statut n'ont qu'à partir au secteur privé ou à travailler comme médecins spécialistes avec leurs salaires actuels.

verbatil
| 29-08-2017 15:43
Enfin nous commençons à arriver au socle de la pourriture dans ce pays. Le corps médical, tout exercice confondu, illustre touts les dépassements et toutes les corruptions. En m^me temps, l'angoisse maladive du tunisien par rapport à la maladie et la mort, la toute puissance de lui même qu'il projette dans le corps médical fait que cette corporation s 'est trouvée piégée, elle a eu le melon!! Bravo au Dr. Zghal d'avoir dénoncé cela.

médecin
| 29-08-2017 14:23
je suis un médecin HU et je confirme l'apc est une gangrène et il faut l'abolir. il n'ya plus de formation d'encadrement à l'hôpital public. qui va nous soigner??? pauvre tunisie

rezouga
| 29-08-2017 09:54
Dr Zghal a tout à fait raison: l'Etat n'a qu'à bien payer ces Profs et leur supprimer cet avantage qui n'est autre qu'un complément de salaire en définitive; ainsi ces Prof se consacreront à l'enseignement, à la recherche complètement abandonnée, à l'encadrement qui a presque disparu comparé à la 1ère génération des Profs de Médecine et s'ils aiment tant le privé, ils n'ont qu'à démissionner de leur poste et aller s'installer là où bon leur semble.
Il est temps que la Fac ait ses Profs à plein temps pour s'occuper correctement d'un boulot que personne ne peut faire à leur place!

badreddine
| 29-08-2017 09:27
Bien ecrit, neutre et informatif. On aurait aime plus de detail sur les APC et ce que dit le decret.
Merci

LOGIQUE
| 29-08-2017 08:35
APC existe par manque de moyens. Tout ce beau monde dit qu'ils ont: déposé une démission, mais que l'état refuse.

LOGIQUE
| 29-08-2017 08:24
L'APC intéresse des médecins qui avant de pouvoir avoir accès à un tel privilège ont travaillé au moins 15 ans à l'hôpital. Ils sont souvent sous payés pour leur expertise. La formule de l'APC est difficile à trouver à cause des excès parfois voraces.

Tounsia
| 29-08-2017 08:21
L'instauration de l'APC depuis 1995
est responsable de la deteriration des soins prodigues a la sante publique et a la perte de l'encadrement des etudiants et internes en medecine.Que ces professeurs le veuillent ou pas ,il s'agit d'un nouveau type de virus qui affecte les beneficiaires ainsi que le personnel paramedical qui a pour tache de recruter la clientele. et les benefices compares aux salaires de sante publique sont enormes.La seule solution c'est sa suppression avec amelioration des salaires pour eviter les tentations.Cette prise de decision doit etre courageuse et ne doit pas tenir compte des relations personnelles avec tel ou tel medecin.

Doc EMDE
| 29-08-2017 04:46
Le CNOM est actuellement dirigé par un président compétent e t intégre mais qui malheureusement doit se plier au dictat de sa majorité pro-universitaire.