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Cour des comptes : L'INS s'emmêle les pinceaux !
05/07/2017 | 19:59
6 min
Cour des comptes : L'INS s'emmêle les pinceaux !

 

La sentence de la Cour des comptes est tombée et elle est sans appel. L’Institut national de la statistique ne joue pas pleinement son rôle ! La juridiction administrative publique pointe, dans son 30ème rapport annuel, des manquements professionnels, techniques, financiers et organisationnels de cette institution, chargée de la production, de l'analyse et de la publication des statistiques officielles et des principaux indicateurs économiques du pays. Détails sur les conclusions du rapport.

 

 

Le rôle de l’Institut national de la statistique (INS) est stratégique. Il est chargé de la production et de l'analyse des statistiques officielles en Tunisie. Toutes les études menées sur la Tunisie et sur ses perspectives d’avenir faites par les organismes nationaux et internationaux, ainsi que tous les plans de développement reposent sur les chiffres et indicateurs émis par cet institut. Il est la source de toutes les données statistiques utilisées par les acteurs publics et privés pour une prise de décision, de même que pour les médias et les chercheurs. L’intégrité des données qu’il propose est vitale et primordiale pour la Tunisie d’aujourd’hui et de demain : elles déterminent la voie à suivre.

Vu l’importance de organisme, il fait partie des institutions publiques nationales dont la Cour des Comptes évalue la gestion et le rendement. Ainsi, la juridiction a effectué plusieurs missions de contrôle sur le terrain entre 2010 et 2015, tout en prenant en compte les données de 2016 lorsqu’elles elles sont disponibles. L’objectif de ces contrôles est de vérifier si l’institut respecte les principes élémentaires de la statistique, reconnus nationalement et internationalement et qui garantissent la qualité de l’information statistique, son intégrité et son respect des lois en vigueur dans la gestion administrative et financière.

 

La Cour des comptes affirme, dans son rapport, que le manque de précision dans la préparation du programme de l’institut et de son budget ont impacté, négativement, le rythme de réalisation de ses travaux. Elle estime, également, que son travail ne répond pas tout le temps aux besoins statistiques nationaux. En parallèle, certains domaines ne sont pas du tout couverts, d’où «la faiblesse des liens entre la production statistiques de l’institut et les priorités nationales», constate-t-elle.

La CC note aussi la non-disponibilité de statistiques régionales et locales, notamment sur le PIB, l’investissement et la consommation, empêchant le développement des procédures de planification régionale. Elle pointe les difficultés de l’institution à collecter des données des structures publiques et une difficulté dans leur traitement. Elle constate, également, que les enquêtes menées sur les entreprises souffrent de la faiblesse du taux de réponse aux questionnaires, de la médiocrité des travaux de terrain, ainsi que de la multiplication des fautes de codage et de stockage, ce qui se répercute négativement : les résultats obtenus n’ayant pas de représentativité statistique.

Autres défaillances pointées, l’incapacité de l’institut à offrir les garanties nécessaires pour respecter le secret statistique lors de la collecte ou du transfert de données à ceux qui en ont besoin, que cela soit des structures publiques, des chercheurs ou des organisations internationales. L’institut n’a pas répondu à plusieurs demandes spécifiques de statistiques et n’a pas mis en place les études nécessaires pour mesurer la satisfaction des utilisateurs de ses données, note-t-elle.

 

S’agissant des données statistiques produites, la Cour des comptes considère que l’INS n’a pas respecté les méthodologies internationales pour la comptabilisation des indices : l’année de base pour le calcul de l’indice des prix de vente industriels, de l’indice de la production industrielle et des statistiques de commerce extérieur a été changée au bout de 10 ans au lieu de 5 ans.

Autre constat, la CC affirme que la méthodologie utilisée par l’institut avant 2012 dans le calcul du taux de pauvreté n’a pas été objective : le taux produit étant inférieur à celui calculé avec la nouvelle méthodologie, pour les mêmes années. En outre, l’institut n’a pas suivi le rythme de développement dans le calcul des comptes nationaux.

 

Côté gestion administrative et financière, la Cour des comptes évoque des recrutements exceptionnels, n’ayant pas respecté les besoins réels de l’institut. Le nombre d’agents a augmenté de 169% entre 2010 et mai 2016 alors que le taux d’encadrement est passé de 26,6% à 14,3% pour cette même période avec une hausse des dépenses salariales de 5,88 millions de dinars en 2010 à 15,5 millions de dinars en 2015.

Autre disfonctionnement, 45 postes d’emploi sont vacants alors qu’on a attribué à 50 agents des missions hors de leurs domaines d’expertise et affecté plus d’un agent au même poste pour des périodes dépassant parfois les 3 ans. Tout ceci a empêché l’INS d’accomplir convenablement son rôle.

La juridiction a enregistré, aussi, des infractions de gestion en ce qui concerne l’octroi de prime et d’avance sur salaire. Elle dénonce le versement, sans droit, d’avantages financiers pour certains postes de travail pour un montant de 51.536,670 dinars, entre janvier 2013 et mai 2016. Elle soutient que l’institut a dépensé certains montants, sans respecter les procédures de gestion des dépenses publiques et sans justificatifs, notamment pour l’entretien de véhicules pour une somme de 11,1 MD dans le cadre du recensement.

 

En réponse aux constats accablants de la Cour des comptes, l’INS a souligné que lors de la mission de la juridiction, l’institut passait par une période de transition à tous les niveaux. Des protestations au sein de l’institution publique ont débouché sur la régularisation de la situation de plus de 700 agents occasionnels qui ont travaillé dans l’institut dans ce cadre de contrat. Ces pressions ont conduit à des infractions au niveau de la gestion administrative et financière.

L’institut rappelle, également, la succession de cinq directeur généraux à la tête de la direction, dont un par intérim, durant 8 mois, outre le départ à l’étranger de plusieurs ingénieurs compétents et expérimentés dans le cadre de la coopération technique. Ceci a handicapé l’INS au niveau de la gestion et celui technique. Il souligne que malgré ces faits il a continué à remplir ses engagements. Suite à cela, l’INS a entamé un diagnostic technique et organisationnel fin 2014 qui a débouché sur un plan stratégique complet pour la période 2015-2020. Cela comprend des orientations stratégiques pour réformer et moderniser graduellement l’institution.

 

Ainsi et pour palier à ces divers manquements, la Cour des comptes a mis une batterie de recommandations à l’adresse de l’Institut national de la statistique. Elle préconise la mise en place d’un programme bien ficelé pour ses travaux, avec une meilleure organisation de ses registres administratifs. Elle conseille la mise en place de procédures aptes à élever la qualité de collecte des données via les enquêtes, outre la prise en considération des nouveaux besoins des utilisateurs.

La juridiction recommande à l’institut de s’engager dans la production de ses statistiques, à suivre les méthodologies et normes internationales, tout en respectant les principes de base de la production statistique. Elle appelle l’institut à se conformer aux textes juridiques de gestion et à l’accélération dans la mise en place d’un système d’information global et sécurisé

 

L’INS joue un rôle stratégique. Il doit être capable de répondre aux besoins de l’économie nationale en termes de données, notamment en ce qui concerne les régions, tout en respectant les principes d’indépendance, de neutralité, de pertinence et de transparence. Il doit suivre une méthodologie rigoureuse et précise et respecter la périodicité des statistiques à fournir et les délais de publication, en usant de la terminologie et des standards internationaux. Au vue des défaillances relevées par la Cour des comptes, du chemin reste à faire pour que cette institution puisse s’élever au niveau requis…

 

Imen NOUIRA

05/07/2017 | 19:59
6 min
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Commentaires (3)

Commenter

Abdel
| 23-03-2019 01:25
Et qui contrôle la Cour des Comptes ?
Il serait plus opportun que les Rapports financiers annuels, des entreprises et établissements publics, réalisés par les différents Contrôleurs de Dépenses, et mis à la disposition du grand public, soient accompagnés par ceux des entreprises et organismes privés. Les combines, les défaillances, les erreurs, les trous de trésoreries et les recommandations de la CC seront aussi là pour corriger la donne et indemniser tout responsable fautif concerné, public ou privé.

Rachid
| 06-07-2017 13:53
Les besoins en matière de statistiques sont énormes dans un monde moderne où la réactivité des porteurs de stratégie est essentielle. Comme pour l'information, je plaide pour un droit à des statistiques fiables et donc pour l'avènement d'une instance publique totalement indépendante qui vendrait les produits de son travail pour vivre et même prospérer. Les opérateurs économiques sont forcément preneurs et prêts à payer, les politiques aussi et des conventions spéciales pourront être signées avec le milieu universitaire ou avec n'importe quelle autre institution publique pour des services sur mesure.

Allela
| 06-07-2017 06:12
Reste à démontrer que c'est la défaillance du système statistique qui a engendré la révolution Tunisienne