Hafedh Caïd Essebsi est extraordinaire. Il est vraiment extraordinaire. Il est comme Mister Bean, il arrive toujours à vous étonner par son comportement enfantin et ses solutions inattendues, en inadéquation totale avec la situation. Nous sommes en pleine rentrée scolaire, nous sommes en pleine préparation de la Loi de finances 2019 et Hafedh Caïd Essebsi ne trouve pas mieux à faire que d’envoyer un questionnaire d’examen au chef du gouvernement Youssef Chahed. « Tu as 24 heures pour le remplir ! ». Et comme le chef du gouvernement avait mieux à faire que de s’occuper des enfantillages de l’autoproclamé directeur exécutif de Nidaa et fils à papa, le voilà sanctionné par un gel d’adhésion au parti. Il manquait juste un « nananère », la peluche Teddy de Mr Bean et une photo de Hafedh avec un pied de nez pour que l’image soit parfaite. Voilà où en est la situation politique de la Tunisie. C’est le revers de la démocratie et de telles batailles politiques existent partout dans le monde, diriez-vous ? Oui, c’est certain, sauf que dans ce monde démocratique, on frappe vraiment sous la ceinture et les combats ne ressemblent pas à des bagarres de cours de récré.

Que Hafedh Caïd Essebsi soit limité politiquement, ça on le sait depuis des années. Cela a été dit et redit. Que son entourage et ses conseillers soient exclusivement composés d’opportunistes et de repêchés, ce n’est un secret pour personne. Que son père ait cédé à ses caprices d’enfant gâté à cause de permanentes pressions familiales insupportables, c’est un secret de Polichinelle. Avec cet examen accompagné d’un deadline de 24 heures et suivi d’un gel d’adhésion, on atteint un nouveau palier du ridicule. Que Nidaa en pâtisse, on s’en moque, mais c’est le pays qui est en train de payer les frais des enfantillages de Hafedh et l’opportunisme de son entourage ! On en parle jusque dans le New York Times !! Ni la Tunisie, ni Béji Caïd Essebsi ne méritent cela !

Quelques jours plus tôt, c’était une autre affaire qui a tenu en haleine l’opinion publique, celle de l’arrestation (pour moins de 48 heures) des deux blogueurs Amina Mansour et Edyb Jebali, tous les deux réputés proches de Hafedh Caïd Essebsi. On leur reproche notamment une série de posts Facebook publiés sous des identités anonymes et s’en prenant au chef du gouvernement et les personnalités politiques et médiatiques qui le soutiennent. On a sali l’honneur de plusieurs de ces personnes à coups de fake news (notamment cette histoire d’argent britannique inventée de toutes pièces), juste pour essayer d’ébranler Youssef Chahed. Le camp de Hafedh a bien frisé l’indécence en adoptant ces méthodes, mais vu le nom de certains de ses conseillers, cela n’était pas très étonnant. Les choses d’ailleurs sont rentrées dans l’ordre après l’arrestation des deux vrais-faux blogueurs, ils sont revenus à leur terrier et on ne les entend plus parler. Voilà à quoi tient la météo politique dans notre pays.

Si Hafedh Caïd Essebsi joue aux enfants gâtés et se permet de faire ce qu’il fait, c’est parce qu’il se trouve entouré d’opportunistes et de laudateurs, mais pas seulement. Les personnes supposées être sensées parmi son entourage ne font absolument rien pour remédier à la situation. Il s’agit des députés, bien entendu, mais surtout des ministres de Nidaa qui laissent le « fils à papa » faire ce que bon lui semble, sans réagir. Parce qu’ils ont peur de son père, parce qu’ils tiennent à leur poste, parce qu’ils sont d’accord avec sa politique, parce qu’ils cherchent à se positionner pour demain ? Peu importe la raison, le silence de ces ministres est complice de cette situation politique hasardeuse et honteuse que nous vivons.

L’histoire de l’examen et du gel d’adhésion de Youssef Chahed aurait dû les faire réagir immédiatement, car il n’est plus possible de continuer ainsi. Leur carrière politique n’a pas à être plus importante que les intérêts du pays. A un moment ou à un autre, ils doivent dire stop au « fils à papa » et se désolidariser de lui. Ou bien affirmer leur solidarité à ce directeur exécutif de Nidaa et le soutenir dans sa guéguerre contre le chef du gouvernement. Soit ils ont du respect pour Youssef Chahed, soit ils ont du respect pour Hafedh Caïd Essebsi. Ils ne peuvent pas avoir du respect pour les deux, ce n’est pas possible, car ils ne sont pas de simples ministres technocrates, ils sont des ministres politisés. A un moment ou à un autre, la neutralité devient de la lâcheté. Cette position de derrière entre deux chaises est insupportable car entre les deux chaises et en dessous d’eux, il y a un grand gouffre.

Il s’agit, vous l’avez compris, de Selma Elloumi (qui a été la seule à réagir et sa réaction est digne d’une candide grand-mère qui appelle tout le monde à s’embrasser et à faire des câlins), Majdouline Cherni, Khemaïs Jhinaoui, Slim Feriani, Hatem Ben Salem, Ridha Chalghoum etc.

Tous ces ministres, et tout au long de cette guerre fratricide menée par Hafedh Caïd Essebsi contre Youssef Chahed depuis des mois, ont fait preuve de silence et de lâcheté. Aucun charisme, aucun courage, aucune volonté d’intervenir pour résoudre les problèmes et raisonner un « fils à papa » grisé par un pouvoir qu’il n’a jamais possédé et qu’il ne possèdera jamais.

Deux situations similaires se sont vues ces derniers mois au sein même du gouvernement Youssef Chahed avec les partis Afek et Massar. Yassine Brahim a sommé ses ministres de quitter le gouvernement sous peine d’être exclus du parti. Hichem Ben Ahmed, Riadh Mouakher, Faouzi Ben Abderrahman et Abdelkoddous Saâdaoui ont envoyé balader leur président Brahim, car l’intérêt de la patrie passe avant l’intérêt du parti. « J’ai une mission et je dois la finir, je tiens à avoir la conscience tranquille et ce sera toujours comme ça », nous a affirmé un de ces ministres limogés d’Afek.

Le second cas est celui de Samir Taïeb qui, en dépit de toutes les pressions de son parti et bien qu’il occupait le poste de secrétaire général élu, il est resté à son poste de ministre de l’Agriculture. Peu importe le parti, peu importe qu’il soit le numéro un de ce parti, la Tunisie passe d’abord !

Un autre cas légèrement différent, celui de Mohamed Trabelsi qui a adopté une position encore plus constructive en agissant dans les coulisses entre son chef du gouvernement et son autre adversaire, qui l’a mis à ce poste, le secrétaire général de l’UGTT. Il est en train de tout faire pour calmer le jeu et faire fumer le calumet de la paix aux deux protagonistes.

Où en sont les ministres de Nidaa de toutes ces positions ? Ils jouent aux autruches ! « Ménage ma tête et frappe où tu veux ! », affirme un vieux dicton tunisien. Nos ministres Nidaa sont comme ces vieux dictons. Après moi, le déluge. Ils regardent, depuis la colline, le spectacle de l’incendie qui frappe et leur parti et leur gouvernement et leur pays ! Ils sont là pour assister aux conseils des ministres et baisser la tête devant leur chef du gouvernement et ils partent en courant assister à une réunion de Nidaa quand Hafedh Caïd Essebsi souffle dans son sifflet pour les convoquer.

De l’égoïsme ? De la bêtise ? De la lâcheté ? De l’opportunisme ? Plus que tous les autres, et nonobstant leurs résultats (qui peuvent être bons ou mauvais), le comportement de nos ministres Nidaa et leur positionnement de spectateur passif est décevant. Il ne reflète aucunement la force, le courage et le charisme dont doit se prévaloir tout ministre politisé.