
Par Amin Ben Khaled*
La souveraineté, cette notion cardinale du droit international et de la pensée politique, a longtemps été perçue comme une forteresse imprenable : un État maître absolu de son territoire, de ses lois et de son destin, dressé comme un phare solitaire à l'abri de toute ingérence extérieure. Pourtant, au 21e siècle, cette vision classique, héritée d'une géographie politique aux contours rigides et d'une histoire marquée par les luttes fratricides européennes, s'effrite tel un château de sable face aux vagues incessantes d'un monde interconnecté.
Loin d'être une relique poussiéreuse du passé, la souveraineté appelle une renaissance conceptuelle : non plus comme une autarcie illusoire ou une indépendance absolue, mais comme un équilibre dynamique, cet art subtil de naviguer entre les archipels transnationaux, les continents virtuels et les océans géopolitiques de notre époque. Il s'agit de repenser la souveraineté comme un « équilibre souverain », cette quête à la fois philosophique et pratique qui guide les États dans leur danse complexe au sein d'un monde interdépendant.
La souveraineté classique : une géométrie du pouvoir
Historiquement, la souveraineté s'est cristallisée autour d'une conception géographique et presque géométrique de l'espace, dessinant sur la carte du monde des frontières nettes comme des traits de plume sur un parchemin. Selon la définition classique issue du droit international, notamment ciselée par les traités de Westphalie en 1648, un État souverain détient un pouvoir exclusif sur son territoire et sa population, tel un monarque absolu dans son royaume, sans qu'aucune autre entité – qu'elle soit un autre État, une institution ou une puissance étrangère – ne puisse légitimement y imposer sa volonté. Cette vision, qui puise ses racines dans les luttes de pouvoir européennes de la fin de la Renaissance, repose sur une idée de division claire et nette du monde en unités territoriales distinctes, chacune gouvernée par un pouvoir autonome comme autant d'îles souveraines sur l'océan de l'histoire.
Cette conception, bien que séduisante dans sa simplicité cristalline, s'inscrit dans une logique binaire aux accents manichéens : l'intérieur contre l'extérieur, le national contre l'international, l'ami contre l'ennemi. Elle suppose une imperméabilité des frontières et une autonomie quasi absolue des décisions étatiques, comme si chaque nation évoluait dans une bulle hermétique. Philosophiquement, elle reflète une vision hobbésienne du pouvoir, où l'État, tel un Léviathan aux dimensions titanesques, concentre l'autorité pour garantir l'ordre et la sécurité dans un monde perçu comme naturellement chaotique. Mais cette géométrie du pouvoir, si elle a structuré les relations internationales pendant des siècles comme une partition musicale figée, paraît aujourd'hui aussi anachronique qu'une carte routière face aux autoroutes numériques du 21e siècle.
Les limites de la souveraineté classique
Pourquoi cette vision classique de la souveraineté est-elle devenue obsolète, telle une horloge arrêtée dans un monde qui accélère ? Trois dimensions principales fissurent ses fondations jadis inébranlables : l'émergence d'un espace transnational aux contours flous, l'avènement vertigineux du cyberespace et l'intensification des interdépendances géopolitiques qui tissent désormais une toile d'araignée planétaire.
L'espace transnational : l'horizon onusien
Le premier défi à la souveraineté classique réside dans l'existence d'un espace transnational aux dimensions éthérées, que l'on pourrait qualifier, pour simplifier, d'horizon onusien. Cet espace, incarné par le droit international, les conventions multilatérales et les institutions comme l'Organisation des Nations unies, transcende les frontières étatiques tel un souffle qui traverse les montagnes. La Charte des Nations unies, les traités sur les droits humains, le droit humanitaire ou encore les accords climatiques tissent une toile de normes qui s'appliquent au-delà des volontés nationales, créant une nouvelle géographie morale du monde. Ces cadres juridiques et moraux dessinent une forme de souveraineté partagée, où les États acceptent – volontairement ou sous la pression des circonstances – de céder une partie de leur autonomie jalousement gardée pour participer à un ordre global en gestation.
Cet espace transnational n'est pas une négation brutale de la souveraineté, mais une métamorphose de ses contours. Il impose aux États de respecter un espace moral international, où la légitimité d'un pouvoir souverain ne se mesure plus seulement à son contrôle territorial, mais à sa capacité d'harmonie avec les principes universels. Ainsi, un État qui violerait systématiquement les droits humains ou ignorerait les engagements climatiques s'exposerait à une érosion de sa légitimité, tel un château dont les fondations seraient rongées par les marées. La souveraineté, dans ce nouveau paysage, devient moins une question de puissance absolue qu'une responsabilité partagée, une partition jouée en symphonie avec la communauté internationale.
Le cyberespace : une frontière intangible
Le deuxième défi surgit de l'émergence du cyberespace, ce continent virtuel aux frontières insaisissables qui échappe largement au contrôle des États. Internet, les réseaux sociaux, les bases de données mondiales et les infrastructures numériques forment un espace à la fois universel et anarchique, où les frontières géographiques se dissolvent comme brume au soleil. Le cyberespace constitue un paradoxe vivant : lieu de liberté infinie mais aussi de menaces protéiformes, terrain de jeu pour la désinformation, la cybercriminalité et la manipulation de l'opinion publique par des acteurs étatiques ou non étatiques qui évoluent dans l'ombre. Aucun État, aussi puissant soit-il, ne peut prétendre à une maîtrise totale de cet océan numérique aux courants imprévisibles.
Pourtant, la présence dans le cyberespace est devenue une condition sine qua non de la souveraineté moderne, aussi vitale que l'air que nous respirons. Un État souverain doit non seulement protéger ses infrastructures numériques contre les cyber-attaques, véritables pirates des temps modernes, mais aussi promouvoir un usage responsable de cet espace, en garantissant la liberté d'expression tout en luttant contre les sirènes de la désinformation. La souveraineté, ici, se traduit par une capacité à danser sur cette corde raide numérique, dans un domaine où les règles sont encore en gestation et où les acteurs non étatiques – entreprises technologiques, hackers, activistes – jouent une partition aussi importante que les gouvernements traditionnels.
L'espace géopolitique : l'ombre des grandes puissances
Enfin, la souveraineté classique est mise à l'épreuve par l'espace géopolitique, ce théâtre mondial où plane l'ombre écrasante de certaines puissances. Les États-Unis, la Chine, la Russie ou encore l'Union européenne exercent une influence militaire, économique, financière et culturelle qui transcende leurs frontières comme des ondes qui se propagent bien au-delà de leur source. Les petites et moyennes puissances se retrouvent dans la position délicate de navigateurs sur une mer houleuse : leur souveraineté formelle demeure intacte sur le papier, mais leur capacité à agir indépendamment ressemble souvent à celle d'un voilier pris dans la tempête, ballotté par des pressions économiques, des alliances stratégiques ou des dépendances énergétiques qui limitent leur marge de manœuvre.
Dans cet espace géopolitique aux équilibres fragiles, la souveraineté ne peut plus se concevoir comme une autarcie splendide. Fermer ses frontières ou chercher une indépendance totale relève de la chimère romantique dans un monde où les chaînes d'approvisionnement, les flux financiers et les crises climatiques ignorent superbement les frontières tracées par les hommes. La souveraineté devient alors une question d'équilibre subtil : comment un État peut-il préserver son âme et ses intérêts tout en s'inscrivant dans cette toile d'interdépendances qui enserre désormais la planète ?
L'équilibre souverain : une nouvelle philosophie de la souveraineté
Face à ces défis titanesques, la souveraineté au 21e siècle ne peut plus être une forteresse aux murailles imprenables, mais un équilibre dynamique, une danse perpétuelle entre autonomie et interdépendance. Cet équilibre souverain repose sur trois piliers fondamentaux, tel un temple antique aux proportions harmonieuses : le respect de l'espace moral international, une présence active et responsable dans le cyberespace, et une navigation stratégique dans l'espace géopolitique.
Respecter l'espace moral international
Un État souverain au 21e siècle se définit par son engagement sincère dans l'espace transnational, non comme un acteur contraint mais comme un partenaire conscient de ses responsabilités. Cela ne signifie pas une soumission aveugle aux normes internationales, mais une reconnaissance lumineuse que la légitimité d'un État repose sur sa capacité à respecter des principes universels, ces étoiles qui guident la navigation dans l'océan complexe des relations internationales. Cela implique de promouvoir les droits humains, de participer aux efforts climatiques et de contribuer à la paix mondiale comme autant de notes dans une symphonie planétaire. La souveraineté, dans ce sens renouvelé, devient une responsabilité sacrée : un État n'est pleinement souverain que s'il agit comme un acteur moral sur la scène internationale, conscient que sa liberté s'épanouit dans le respect de celle des autres.
Maîtriser le cyberespace
Dans le cyberespace aux mille visages, l'équilibre souverain exige une double posture, à la fois offensive et défensive, comme un maître d'armes qui doit manier l'épée et le bouclier. D'une part, les États doivent investir dans des infrastructures numériques robustes, véritables forteresses digitales capables de résister aux cyber-attaques et de garantir la sécurité des données qui constituent désormais le nouveau pétrole de notre époque. D'autre part, ils doivent promouvoir un internet libre, jardin numérique où la liberté d'expression peut s'épanouir, tout en luttant contre les mauvaises herbes de la désinformation et de la cybercriminalité. Cet équilibre est délicat comme un cristal : trop de contrôle étouffe les libertés tel un carcan, tandis qu'un laxisme excessif expose l'État aux manipulations externes comme une cité sans murailles. La souveraineté numérique devient ainsi un enjeu central, où l'État doit être à la fois gardien vigilant et acteur créatif de ce nouvel espace de liberté.
Naviguer dans l'espace géopolitique
Enfin, dans l'espace géopolitique aux courants contraires, l'équilibre souverain consiste à éviter les écueils des alliances exclusives et des rivalités imposées, tel un navigateur expérimenté qui sait lire les vents et les marées. Pour les États de petite et moyenne taille, il s'agit de ne pas se laisser enfermer dans des blocs antagonistes, mais de cultiver une autonomie stratégique, cette capacité à garder sa liberté de mouvement dans un monde de plus en plus polarisé. Cela peut passer par une diplomatie multilatérale aux mille facettes, une diversification des partenariats économiques ou une affirmation culturelle qui préserve l'identité nationale. Pour les grandes puissances, l'équilibre souverain implique de reconnaître les limites de leur influence et de respecter la souveraineté des autres, dans un esprit de coopération plutôt que de domination, comprenant que dans un monde interconnecté, la force véritable réside dans la capacité à inspirer plutôt qu'à contraindre.
Une souveraineté en mouvement
Philosophiquement, l'équilibre souverain invite à repenser la souveraineté non comme une essence figée dans le marbre, mais comme un processus dynamique, une rivière qui coule et se transforme sans cesse. Elle n'est plus une fin en soi, mais un moyen précieux de préserver l'identité et la dignité d'un État dans un monde interconnecté, comme un arbre qui doit plier pour ne pas rompre face aux vents de l'histoire. Comme le suggérait Hannah Arendt dans sa sagesse philosophique, le pouvoir véritable réside dans la capacité à agir de concert avec d'autres, dans cette harmonie qui naît de la diversité. La souveraineté, au 21e siècle, s'apparente ainsi à une co-souveraineté : une capacité à exister avec les autres, dans cet équilibre délicat entre autonomie et interdépendance qui caractérise notre époque.
Cet équilibre n'est pas une utopie inaccessible, mais une nécessité pressante, aussi vitale que l'eau pour une plante. Dans un monde où les crises – climatiques, numériques, géopolitiques – ignorent superbement les frontières tracées par les hommes, la souveraineté ne peut plus être une forteresse isolée. Elle devient un art, celui de naviguer entre des espaces multiples, de trouver sa place dans un monde en perpétuelle mutation, comme un danseur qui trouve son équilibre dans le mouvement même. L'équilibre souverain, en somme, constitue la condition de la liberté dans un monde globalisé, cette clé d'or qui ouvre les portes d'un avenir où autonomie et interdépendance ne s'opposent plus, mais se nourrissent mutuellement dans une symphonie renouvelée des nations.
*Avocat et ancien diplomate

-bat sa propre monnaie
-fait les lois en son pays (et la fait primer, à défaut de totalement l'imposer de par le Monde)
-rend Justice
-décide de la Paix et de la Guerre.
-détient in fine le "s" de https coté World Wide Web...
-hégémonise et chapeaute in fine le Dark Web...
Face au souverainismes brutUS, de la loi des plus forts et de leurs faits accomplis, l'équilibre "sous verrin" des plus verbeux et précaire en pis aller ? Impasse.
A moins de reprendre les fondamentaux d'Esprit 2011 et Lettre commune 2014
dont la furieuse vague antidémocratique et contre revolutionnaire tous azimuts prise de plein fouet avec l'ampleur de l arc boutage jusqu'à aKmé poutschiK; suffisent amplement en démonstration éloquente que le retour concret à authentique souveraineté et autodétermination passe par cette voie.
Le reste est verbiage évocateur stylisé nonobstant un chouille trop de recours à analogies et métaphores éthérées ...à la limite du roboratif et nuisible à la portée du texte (modifier prompt AI sur ce sujet les prochaines fois ;)


