alexametrics
mardi 19 mars 2024
Heure de Tunis : 09:36
A la Une
Le rafistolage gouvernemental face à la colère populaire
15/01/2018 | 19:59
5 min
Le rafistolage gouvernemental face à la colère populaire

Des mesures ont été prises par le gouvernement en faveur des familles nécessiteuses, lors d’un conseil ministériel restreint tenu à cet effet. Une initiative tardive, obligatoire ou de rafistolage. Chacun y va du sien dans l’interprétation de ces décisions qui viennent uniquement dans l’objectif de calmer une colère collective qui s’est bien fait ressentir…

 

Le sévérité des dispositions contenues dans la loi de Finances 2018 n'est plus à démontrer. Allant du simple citoyen fonctionnaire à l’homme d’affaires, chacun se trouve touché par les mesures de cette loi. Patronat, syndicat, partis politiques et société civile… tous les acteurs de la scène nationale ont exprimé leur mécontentement face à ces mesures, jugées draconiennes et douloureuses.

 

D’ailleurs, peu de semaines après son adoption, mais surtout à la suite de son entrée en vigueur, les répercussions commencent à se faire ressentir, et les réactions ne tardent pas à venir. Manifestations et protestations étaient au rendez-vous ces derniers jours.

Il s'agit d'un état de colère générale qui s’est concrétisé par les derniers événements ayant secoué l’actualité nationale. Chose qui a permis à certaines parties de profiter de ce climat de tension pour multiplier les actes de pillage et de vandalisme à travers tout le territoire, plus particulièrement, dans les quartiers populaires et autres régions défavorisées et marginalisées. Le cumul d’un ras le bol général a laissé place à un sentiment de frustration qui a poussé des jeunes, ne dépassant pas la vingtaine, à s’adonner à des actes de dévastation.

Et bien que ces actes aient été condamnés à l’unanimité, certaines personnes ont pu leur trouver des justifications, ou du moins essayer de comprendre les facteurs et les raisons qui ont poussé ces agitateurs à les commetre.

 

En tout état de cause, le gouvernement se retrouvait dans l’obligation d’agir, d’autant plus que la pression se faisait de plus en plus forte. Ainsi, une panoplie de mesures et de programmes sociaux ont été discutés lors d’un conseil ministériel restreint présidé par le chef du gouvernement Youssef Chahed.

Des mesures qui ont été annoncées par le président de la République lors de la réunion avec les signataires de l’accord de Carthage dans l’objectif de venir en aide aux familles nécessiteuses afin de calmer les tensions qui perturbent la stabilité du pays.

 

A l’issue de ce conseil, le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, a, donc, annoncé que ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de l’insertion sociale. Elles consistent en l’augmentation de 100 millions de dinars dans le budget des familles nécessiteuses, à travers la hausse de 20% de la subvention allouée à chaque famille dans le besoin et l'approbation d'une pension de retraite minimum de 180 dinars par mois. 

 

La subvention pour les enfants handicapés démunis sera, quant à elle, doublée. Outre l’élargissement de la gratuité des soins, incluant, ainsi les chômeurs grâce aux cartes qui leur sont attribuées par le ministère des Affaires sociales jusqu'à ce qu'ils obtiennent un emploi.

 

 

D’autre part, M. Trabelsi a annoncé la création d’un fonds de garantie des prêts au logement, qui profitera aux citoyens ayant des revenus non permanents. Ce fonds concernera environ un demi-million de Tunisiens, dans l’objectif de garantir un logement décent à chaque famille.

 

Revenant sur ces mesures, le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi a affirmé que toutes les réformes et mesures prises au moment des crises auront des répercussions inéluctables, soulignant que les protestations dans ce contexte sont tout à fait légitimes, sauf qu’il faut admettre que les décisions prises par le gouvernement restent positives.

Ce projet de « socle social » ne vient pas suite aux protestations, a tenu à affirmer le ministre, mais il a été présenté au parlement depuis le mois de novembre dernier, à la suite de l’appel du chef du gouvernement à mettre en place une stratégie nationale pour combattre la pauvreté et l’intégration sociale.

 

Le premier à réagir à cette initiative est le Front populaire. Le parti qui a contesté, farouchement, cette loi de Finances a saisi l’occasion pour rappeler au gouvernement qu’il a déjà proposé ces mesures à l’Assemblée des représentants du peuple lors de la discussion de la loi de Finances, sauf que ses propositions ont été rejetées par les députés.

 

D’autre part, la centrale syndicale, qui constitue le principal soutien de Youssef Chahed et du gouvernement d’union nationale, a exprimé son mécontentement de la loi de Finances, considérant que ses dispositions affectent directement le pouvoir d’achat du citoyen, notamment, avec l’augmentation considérable des prix des produits dédiés à la grande consommation. De ce fait, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi a appelé le gouvernement à prévoir une loi de Finances complémentaires pour remédier aux lacunes de la LF2018.

 

Il est évident que la situation économique du pays n’est pas des plus faciles à gérer et que de grandes réformes s’imposent. D’autant plus que? depuis le 30 avril 2017, trois ministres se sont succédé à la tête du ministère des Finances. Cette conjoncture a fait que la loi de Finances soit élaborée dans des conditions extrêmes, voire même dans la précipitation.

Cela n’explique toujours pas le recours à des solutions de colmatage et de rafistolage, qui absorberont, peut-être la frustration des citoyens à court terme, mais ne peuvent constituer, en aucun cas, une solution fondamentale permettant de sortir le pays de la crise dans laquelle il se trouve.

Faut-il encore rappeler que dans toute démocratie qui se respecte, les mesures en faveur des plus démunis sont généralement entreprises, bien avant l’annonce des dispositions douloureuses ? Une politique qui permet d’éviter le déclenchement des protestations vécues dernièrement, ou du moins d'en minimiser l'intensité.

 

 

15/01/2018 | 19:59
5 min
Suivez-nous

Commentaires (9)

Commenter

Fk
| 16-01-2018 20:05
Les mesures prisent ne font qu'allourdir encore plus les charges de l'état [état qui coûté déjà trop pour les contribuables].les entreprises vont subir de tél baisses dans leurs ventes que les impôts récoltés par l'état en 2018 seront beaucoup plus faibles que les années précédentes et ce malgré leur augmentation,les recrutements subiront le même sort.Et ils osent nous parler de reprise !!!

El Cordobes
| 16-01-2018 14:09
.... la creation et la realisation d entreprises de logistiques a large rayon d action pour aider les exportateurs dont celui de creer au moins une filiale de Tunis air specialisee dans les vols charters afin d absorber le surplus de personnel de Tunis air.........etc.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Logistique

Gg
| 16-01-2018 13:31
Il dit: pourquoi sommes nous si bloqués?

Et il a tout dit, exemples à l'appui.
Il est du ressort du gouvernement de réformer les administrations, vite et fort.
Celui qui le fera sauvera le pays. Le reste n'est que baratin. Parole jetées au vent.
C'est un courageux chantier pour au moins 5 ans.

Gg
| 16-01-2018 12:56
"...creer au moins une filiale de Tunis air specialisee dans les vols charters afin d absorber le surplus de personnel de Tunis air"

Ooooh, la bonne, bonne idée! Mais plutôt que des charters, une compagnie de fret.
Accompagnee d'une sévère réforme des douanes, cette mesure ferait d'une pierre deux coups!

El Cordobes
| 16-01-2018 11:05
Aucun programme de veritables mesures pour booster la creation de PME,aucune mesure speciale pour que l Etat se debarrasse de ses terres domaniales au profit des jeunes agriculteurs,aucune veritables mesures pour aider la creation et la realisation d entreprises de logistiques a large rayon d action pour aider les exportateurs dont celui de creer au moins une filiale de Tunis air specialisee dans les vols charters afin d absorber le surplus de personnel de Tunis air.........etc.

Ameurk
| 15-01-2018 22:28
Une approche novatrice intelligente et pratique

HatemC
| 15-01-2018 22:00
Programmes sociaux qui accentueront les tensions

Les programmes sociaux doivent profiter à toute la population au prorata des revenus ...
On fabrique des assistés et ce n'est pas une politique volontariste ...
ces programmes sont des rustines pour calmer la rue ... et qui sera éligible ??? Cela fera forcément grincer les dents des familles d'une tranche supérieur ...

Les programmes sociaux doivent profiter à toute la société ...
Et qui FINANCERA ces programmes sociaux ???

Il faut inciter les femmes à entrer massivement dans le marché du travail pour améliorer et accroitre le niveau de vie des ménages ... une famille doit créer sa richesse et non attendre la charité ...

'Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.'

L'assistanat appel plus d'assistanat ... mais si ce système apporte des solutions, je ne contesterai pas ... car l'assistanat à un coût et toi qui le paie ... pour ceux qui se la coule douce en vendant des produits de contrebandes et sans payer un centimes d'impôts ... je signale que les 700 000 familles qui vivent de contrebandes sont concentrés dans les villes et villages frontaliers avec l'Algérie et la Libye et vivent mieux que nous tous ...
Je signale que 80% des tunisiens sont propriétaires de leur logement ... HC

Dr. Jamel Tazarki
| 15-01-2018 20:42
Je voudrais insister que les grèves concernant le chômage et le pouvoir d'achats (qui bloquent notre productivité et aggravent notre déficit budgétaire) ne se laissent pas résoudre par l'usage de gaz lacrymogène de nos forces de l'ordre (ce qui pourrait conduire à des mouvements sociaux de grand ampleur) mais plutôt par une réforme sociale!


Une réforme sociale est indispensable en Tunisie, c'est de savoir comment nous pourrions aider aujourd'hui le fonctionnaire, le paysan, le travailleur et les chômeurs à se fournir les objets, les produits et le minimum de consommation dont ils ont besoin. C'est cela que les classes pauvres attendaient de la Révolution de Jasmin. Elles n'attendent pas que nous leur donnions tant et tant de billets, elles attendent seulement la possibilité de se dégager de l'emprise de la faim et de la misère et de pouvoir vivre, c'est-à-dire de consommer et de produire des produits.

Ce que la classe pauvre attend, c'est de lui apporter la possibilité de sortir de la situation qui leur a été faite en tant que classe qui a été toujours ignorée et désavantagée (Je sais ce que c'est d'avoir faim). Ne pas répondre aux espoirs et à l'attente de ceux qui ont cru en la Révolution de Jasmin est une grande déception.

Comment répondre aux nouveaux besoins sociaux? Est-ce que nous en avons les moyens financiers? Les politiques sociales pourraient-elles soutenir la nouvelle croissance économique? Quels sont les investissements nécessaires aujourd'hui pour ne pas aider et subventionner dans les années à venir? Comment minimiser les charges sociales? Comment passer des politiques sociales de prise en charge et de distribution gratuite à une politique dont la base est l'investissement social? Il est temps de concevoir autrement les dépenses sociales. Non pas comme une charge qui gêne la croissance économique, mais comme un investissement qui soutient le passage vers une meilleure économie avec moins de chômeurs et de meilleurs salaires.

Les politiques sociales en Tunisie doivent avoir une fonction économique en tant que paramètre de fortunes futures. L'accroissement des richesses produites est la condition la plus évidente de la réduction de la misère matérielle.


Ce n'est pas normal qu'il n'y a pas assez de chaussures à bon prix et de bonnes qualités pour tous les Tunisiens dans un pays qui compte un million de chômeurs. Ce n'est pas normale que le gouvernement tunisien distribue de l'argent gratuitement sur les pauvres alors que l'on peut les faire travailler à domicile afin de créer des biens indispensables et qui manquent en Tunisie.


Jamel Tazarki

C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.

Emeli Sandé - Read All About It
https://www.youtube.com/watch?v=vaAVByGaON0

Dr. Jamel Tazarki
| 15-01-2018 20:40
Il y a quelques années un homme d'affaires français voulait produire des chaussures à Tazarka. Il a commencé d'abord par donner une formation à ses nouveaux employés. Il les a réunis dans une grande salle à la commune de Tazarka et il leur a montré les techniques de la fabrication des chaussures d'une façon artisanale (j'étais parmi les présents, j'avais 17 ans en ce temps-là). Il nous a fourni la formation nécessaire pour assurer la qualité du travail. Puis, il a introduit une nouveauté dans notre monde rural, un système de salaire différentiel aux pièces. On recevait une somme fixe par pièce produite. Puis, cet homme d'affaires nous payait même plus cher car on respectait les normes qu'il nous a fixées pour la production (encore plus de motivation afin de fournir un travail de qualité). Ce Monsieur, venu de l'étranger, a révolutionné notre monde rural en introduisant la même base de calcul du salaire pour les hommes et pour les femmes pour un travail égal ou d'égale valeur. Oh mon Dieu, c'était un bouleversement socio-culturel dans notre petit village où les femmes gagnaient beaucoup moins (sur les champs des autres). Ce Monsieur, venu de loin, a su motiver tout le monde. Je produisais durant mes vacances scolaires des chaussures de très hautes qualités et ceci par dizaines et par centaines! Je ne me faisais pas de soucis pour la vente de ma production. En effet, Je savais que ce Monsieur, venu de très loin, allait acheter toute ma production.

Puis un jour, l'entrepreneur français qui m'employait en travailleur indépendant (freelancer) est rentré chez lui, en France. J'ai décidé alors de continuer à fabriquer des chaussures. J'étais à Nabeul, j'ai acheté du cuir et j'ai démarré avec des Amis de mon village une petite entreprises qui produisait des dizaines et des centaines de chaussures de très bonne qualité et en particulier confortables. Mais seulement, on ne savait pas où les vendre. Les boutiques, les grands magasins, la police municipale sur le marché de semaine avaient des doutes sur l'origine de notre production...

Je me suis adressé à la mairie de Nabeul, les fonctionnaires n'étaient e pas d'accord non plus, les uns prétendaient que oui, je pouvais vendre notre production sur les marchés communaux, mais à titre occasionnel, et les autres prétendaient que l'on n'avait pas le droit de vendre sur le domaine public, (marchés du village ou bords de routes), sans être commerçant inscrit au registre du commerce (j'avais à peine 18 ans, en ce temps-là).

Et ainsi je me suis inscrit au registre du commerce et de ce fait quelques boutiques ont accepté de mettre notre production (les chaussures que l'on a fabriquées) dans leurs vitrines. Certes, les chaussures ont été vendues mais on ne nous a jamais donné un centime! Ce qui est encore plus grave, j'ai reçu une lettre du fisc pour déclaration de notre "chiffre d'affaire", sinon mon activité à domicile pourrait être considérée comme du travail dissimulé (voir un délit). Eh ainsi, on a dû arrêter à fabriquer des chaussures bien qu'il en manquait en Tunisie!


Il nous faut une production décentralisée et à domicile pour tous nos chômeurs. La vente se ferait centralisée par l'état tunisien qui serait dans l'obligation de collecter la production décentralisée. On laisserait produire à domicile par nos chômeurs tout ce qui est vital et tout ce qui manque en Tunisie.

Exemples:
1) Les aveugles en Allemagne produisent d'une façon décentralisée et à domicile des brosses, des pinceaux, des balais, etc.. Tous les vendredis, il y a quelqu'un de la commune qui passe chez les aveugles/handicapés chercher la production afin de la faire vendre d'une façon centralisée.

2)J'étais en Thaïlande et j'ai rencontré des familles pauvres qui mènent une vie paisible et arrivent à survivre grâce aux élevages traditionnels des crevettes, souvent sur les rives des petites rivières. C'est l'Etat Thaïlandais qui donne les moyens de productions et collecte aussi la production/récolte des crevettes afin de l'exporter vers l'Europe ou la commercialiser dans le pays.


Il y aurait du travail pour tous les Tunisiens, si nos politiciens avaient un peu plus de génialité socio-économique.

Je résume, nos chômeurs veulent produire beaucoup de choses, Ils souhaitent subvenir à leurs propres besoins et ne pas dépendre uniquement des autres. Ils désirent également faire pleinement partie de la société et que leur place y soit reconnue. Généralement, ils n'ont pas un problème de financement afin de développer seuls des projets, mais plutôt d'avoir des facilités et une garantie afin de vendre leur production sans parler d'économie informelle. L'État tunisien doit organiser le travail à domicile des nécessiteux et de servir d'intermédiaire pour la vente de leur production.


Jamel Tazarki

Beyoncé - I Was Here:
https://www.youtube.com/watch?v=i41qWJ6QjPI