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Le casse-tête de l’énergie en Tunisie
31/05/2018 | 19:59
9 min
Le casse-tête de l’énergie en Tunisie

La Tunisie est un pays non-producteur d’énergie, ce qui en fait une préoccupation majeure pour le gouvernement et le citoyen. Une légère augmentation des prix des carburants a des répercussions quasi-immédiates sur le prix de tous les biens et services. Entre déficit et compensation, la facture énergétique est assez conséquent dans le budget de l’Etat. D’où, l’importance de la mise en place de stratégie de rationalisation et d’efficacité énergétique.


Pour avoir un topo sur la situation énergétique et sur les solutions décidées par les autorités de tutelle, Business News s’est entretenu ce jeudi 31 mai 2018 avec Mohamed Habib Zgolli, DG électricité et énergie renouvelable, et Hamdi Harrouch, DG de l’Agence nationale pour la maîtrise de l'énergie (ANME). 

 

La Tunisie étant consciente de la rareté de ses ressources naturelles et l’importance de ce facteur dans le développement du pays, en 1985, elle avait créé l’ANME, ce qui était assez visionnaire à l’époque. Les répercussions de la consommation énergétique sont importantes sur les équilibres globaux du pays. En 2017, le déficit de la balance énergétique a augmenté de plus de 49% atteignant 4.032,9 MD. Il représentait 25,9% du total du déficit de la balance commerciale, soit plus du quart. Pour les quatre premiers mois de 2018, le déficit énergétique représente 33,2% du total du déficit. Donc, il représente aujourd’hui le tiers du déficit, ce qui est très conséquent ! D’ailleurs, la Banque centrale de Tunisie (BCT) s’est alarmée de l’aggravation du déficit énergétique au premier trimestre 2018.

 

 

En effet, le prix du baril est en train de s’envoler alors que les hypothèses retenues dans la Loi de finances (LF2018) sont de 54 dollars pour le baril de pétrole et un taux de change de 2,5 dinars. Or, actuellement le baril est à plus de 75 dollars. Sachant qu’1 dollar supplémentaire dans le prix du baril représente 121 millions de dinars (MD) de dépenses en plus pour l’Etat tunisien alors que pour le glissement du dinar, chaque 10 millimes de moins par rapport à une monnaie étrangère se répercutent par 30 millions de dinars (MD).

 

 

Ainsi et vu ces données, on s’attend à ce que la compensation énergétique de 1,5 milliard de dinars, fixée dans la LF2018, dépasse les 3 milliards de dinars fin 2018. Certes, l’Etat a décidé d’ajuster le prix des carburants, mais ces hausses ne peuvent pas être répercutées directement à la pompe.

 

Ces faits sont corrélés à une production en baisse, 40.000 barils par jours actuellement contre 80.000 barils en 2010. Seulement 23 permis sont valables actuellement contre 50 en 2014. Plusieurs sociétés pétrolières ont quitté le pays à partir de 2014, à cause de la non-conformité entre l’article 14 de la Constitution et le Code des Hydrocarbures. Le code a été rectifié et 8 permis d’exploration seront accordés en 2018. S’agissant du gaz, 6 millions de m3 par jour sont produits à fin avril 2018.

Le hic, c’est que la production tunisienne ne répond pas au besoin du pays : elle ne couvre que 50% de sa demande. Les besoins annuels de la Tunisie sont de 9,5 millions de tonnes d'équivalent pétrole (tep) alors que nous produisons que 4,5 millions de tep. Et ceci sans parler de l’épisode d’El Kamour et de la CPG, dont l’arrêt de production a non seulement obligé le pays à importer dans la précipitation mais qui en plus a coûté à notre pays 2 points de PIB, soit 1,85 milliard de dinars de manque à gagner. A fin avril 2018, le déficit était de 1,4 tep contre 1,2 tep un an auparavant.

 

 

Mais que faire pour combler ce déficit alors que nos ressources sont rares ? La réponse est assez simple, il faut miser et investir dans les énergies renouvelables, tout en rationnalisant notre consommation énergétique.

Ainsi, une conférence a été organisée en décembre 2017. Son objectif a été l’accélération de la mise en place des projets d’énergies renouvelables. L’objectif étant de produire 1.000 mégawatts (MW) soit 1 gigawatt (GW) à l’horizon 2020, ce qui représente 5 fois la capacité actuelle de 200 MW.

Ainsi, 3 milliards d’investissements sont prévus pour le régime de concession. Des appels d’offres ont été préparés et lancés le 23 mai dernier. Ils visent la production de 500 MW de photovoltaïque 500 MW d’éolien à partir de 2021, entre sites étatiques et de promoteurs. Elle sera appuyée par l’initiative privée qui viendra épauler l’effort national à travers l’installation de 6 projets de 10 MW et de 4 projets de 1 MW en photovoltaïque ainsi que 4 projets de 30 MW pour l’éolien, pour un coût total de 200 MD.

Des investissements qui visent à augmenter la production d’énergies renouvelables, de telle sorte qu’elle représenterait 12% du total de la production énergétique en 2020 et 30% en 2030. D’ailleurs, la première salve d’appels d’offre a permis d’atteindre un prix imbattable, 4 à 5 centimes d’euros le kW de photovoltaïque, défiant non seulement toute concurrence mais à ce prix l’Etat ne sera plus obligé de subventionner l’énergie. Une avancée considérable.

 

Il faut savoir que la Tunisie a capitalisé sur le domaine d’efficacité énergétique depuis 35 ans. En 2017, ses efforts sont récompensés. Elle a été classé 18ème sur 111 pays ex æquo avec l’Afrique du Sud dans le classement Rise relatif à l'année 2016 et établi par la Banque mondiale, les seuls pays africains et du MENA figurant dans le Top20.

 

 

Le pays a réussi le découplage entre croissance économique et croissance de la demande énergétique qui sont généralement corrélés, et ceci depuis les années 2000. Ainsi, l’intensité énergétique a été réduite de 20%. La Tunisie se situe dans la moyenne mondiale. L’intensité énergétique a diminué mais demeure élevée, les pays de l’OCDE ayant la moitié de la sienne, donc il y a un potentiel important d’économie d’énergie. L’objectif étant de parvenir à faire 30% d’économie d’énergie vers l’horizon 2030.

 

Ainsi et pour parvenir à l’efficacité énergétique, les autorités travaillent sur plusieurs volets, notamment l’introduction de nouvelles activités en Tunisie, à travers la création d’un tissu d’entreprises industrielles et de services autour de l’efficacité énergétique. Ce qui permettra la création de toute une dynamique à l’intérieur du pays, le potentiel solaire et éolien s’y trouvant là-bas.

Le ministère et l’ANME misent aussi sur l’introduction de nouvelles notions comme celle de planification urbaine avec l’aménagement de ville et pourquoi pas d’immeubles poly-fonctions, qui permettront de résoudre les problèmes bâtiments, de mobilité et d’infrastructure (des endroits où tout sera disponible emploi, résidence et détente) ; celle de centralisation des utilités qui permet des gains en énergie de 60% ; et celle de mobilité électrique. D’ailleurs, le ministère est en train d’étudier la possibilité de la mise en place d’une centrale de distribution de froid et de chaleur utilisant la biomasse pour la nouvelle zone du lac située devant l’avenue Mohamed V de 4 millions de m2.

 

Outre les efforts quotidiens des autorités, un conseil ministériel a été consacré à ce sujet important le 25 mai 2018. Il a découlé sur 2 types d’actions : programmées (pour l’offre et la demande) et spécifiques.

Les actions programmées concernent la rationalisation de la consommation d’énergie. Pour la demande d’énergie, il a été ainsi décidé l’audit énergétique des 350 municipalités, l’isolation de 65.000 logements (8 millions de M2), l’installation de panneaux photovoltaïques pour les administrations publiques, le remplacement de 400.000 réfrigérateurs de plus de 10 ans d’âge, le remplacement de 4 millions de lampes incandescentes par des lampes LED, la mise en place de 450.000 points lumineux LED pour l’éclairage public et la diminution de la consommation des mosquées ainsi que l’installation de panneaux photovoltaïques à ces édifices.

Pour l’offre, il a été décidé d’améliorer la consommation spécifique des centrales électriques de 217 tep GWh à 210 tep GWh en 2020. L’objectif étant de réaliser une économie de 15 millions de dinars par an. En outre, il a été décidé de réduire des pertes globales qui se situent à plus de 16% en 2017 à 12% en 2020.

 

S’agissant des actions spécifiques, le problème de la pointe de consommation de l’été a été au centre des discussions. Ainsi, il a été convenu avec la partie algérienne d’augmenter la part d’électricité à l’heure de pointe. Cette dernière a accepté d’augmenter ses capacités pour fournir la Tunisie en électricité. Le volume accordé à notre pays passerait de 150 MW à 200 MW.

En outre, le gouvernement va garantir l’approvisionnement de la Tunisie en gaz, un accord a été conclu à cet effet avec l’Algérie. Il a été décidé que la Steg se concerte avec les consommateurs énergivores (cimenteries, briqueteries, etc.) pour qu’ils réduisent leur consommation aux heures de pointe. 

 

Par ailleurs, le gouvernement a décidé d'équiper les familles nécessiteuses en mettant en place le programme Prosol Social pour alimenter 1.000.000 foyers, dont la consommation ne dépasse pas les 100 kWh par mois, de panneaux photovoltaïques connectés au réseau moyennant une faible contribution. Cette mesure sera accompagnée de mécanismes spécifiques touchant l’éclairage, les réfrigérateurs et l’isolation des maisons.

D’ailleurs, un projet pilote sera initié dans la ville de Tozeur et concernera 10.000 ménages, qui bénéficieront de 10.000 systèmes photovoltaïques, de 5.000 réfrigérateurs et de 30.000 lampes LED.

 

Interrogé par Business News sur un éventuel changement d’heure, Mohamed Habib Zgolli a expliqué que l’étude faite en 2000 allait être mise à jour, et ceci à la demande de la présidence du gouvernement. L’étude avait conclu à l’époque de l’inefficacité de changement d’heure.

S’agissant de la voiture électrique et hybride, M. Zgolli a expliqué : «le développement de l’énergie renouvelable nous pousse à songer à l’utilisation de la voiture électrique. Ainsi la subvention destinée à la compensation de l’énergie servira à permettre la pénétration des voitures électriques. Un projet pilote est en cours d’étude avec 2 voitures et 1 bus, qui sera ensuite généralisé pour concerner les flottes captives comme celles de la Steg et de la Poste»

«La politique énergétique n’a pas un souci purement énergétique mais elle a une dimension économique, sociale et même de développement régional. Les autorités de tutelle travaillent aussi sur le volet de la réduction de la précarité énergétique en Tunisie, la rubrique énergie étant assez importante dans le budget des ménages», nous a confié Hamdi Harrouch.

 

Gagner le pari de l’énergie s’est avoir une vie meilleure et moins chère. C’est pour ça qu’il est important que chacun prenne part aux efforts d’économie d’énergie. Les répercussions se sentiront d’abord sur la bourse du Tunisien, et à terme, sur sa qualité de vie.  


Imen NOUIRA

31/05/2018 | 19:59
9 min
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Commentaires (12)

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Ryad
| 04-06-2018 16:24
Le transport en Tunisie, est un secteur clé et c'est l'un des plus gros consommateur en énergie.
Il faudrait favoriser les véhicules propres comme l'hybride ou l'électrique pour 2 raisons:
1) préservation de l'environnement (moins d'émission de CO2)
2) réduire le déficit énergétique en diminuant notre consommation de carburant, c'est mathématique : moins de consommation = moins d'importation de pétrole en devise
tout le monde y gagne !
Aujourd'hui l'hybride en Tunisie, il n'y a pas de législation spécifique pour les véhicules hybrides ils sont considérés comme des véhicules classiques (moteur à essens).
Concrtement un véhicule hybride avec un moteur thermique d'une cylindré de 1.8 ne développant que 98 CV DIN est taxé à 213% + 19% de TVA. ceci n'encourage pas l'importation ce genre de véhicule et surtout qu'ils ont un prix d'achat plus élevé.
Il faudrait donc avoir une tarification propre aux véhicules hybride qui consomme 30% de moins qu'un véhicule à essens. Et surtout qu'il n'y a pas besoin de recharge, les hybrides se rechargent automatiquement en phase d'accéleration et décélération.
a bon entendeur ...

Ryad

Sidi Bou
| 04-06-2018 12:29
Il faut une stratégie radicale doit se faire sous
peu au plus tard à moyen terme avec trois objectifs : l' énergie renouvelable,économie d'énergie et l'energie Nucléaire.
Ce programme peut nous économiser beaucoup de devise.

J.trad
| 04-06-2018 12:01
Sourat el fou9an ,verset 30(wa 9ala'rasoulou ya Rabbi Inna 9awmi ittakhadhou hadhal'9oraana mahjoura)/////sourat almayda verset 66(wa Law annahoum a9amou attawrata wal injila wa ma onzila ilayhim min rabbihim laakalou mi faw9ihim wa min tahti arjoulihim minhom oummatoun mo9tasidaton wa kathiron minhom saaa ma ya3lamoun)/////sourat Al jinn verset 16 +17 ( wa Law lsta9aamou 3ala'tari9atilaas9aynahom maaan rada9an )( linaftinahom fiihi wa Man ya3ridh 3an dhikri rabbihi yaslikhou 3adhaban sa3adan ) verset 17 . Dans ces versets il y a allusion ,au pétrol,au photo voltaïque( énergies que les anciens ne connaissaient pas encore ,la morale est que l'humanité est deux factions (bonne et mauvaise) et par conséquent ,c'est grâce (aux croyants sincaires) que Allah a aidé aux découvertes ,auxquelles sont faites les allusions dans les versets ,les négligences des conseils d'Allah sont la cause de la mauvaise gestion des bénédictions ,gaspillage en tête ,guerres absurdes etc....

J.trad
| 04-06-2018 10:08
Vous le dites ,la solution est (simple) il faut parier sur les énergies renouvelables ,soit allez-y ,dieu vous aide et vous garde ,nonobstant ,il ne faut pas laisser traîner ,il faut passer à l'application ,mais ,mais ,et encore un grand (mais),il faut penser à l'espace ,les villes sont suffisamment encombrées ,il faut aller aux grands espaces ,les terres arides ,le (Sahara) il faut inventer un système d'habitations démentables ,où (le froid et le chaux) jouent les champions ,pourquoi pas ne pas envisager des villages capables d'héberger tous les immigrés du monde entiers ,la jeunesse intellectuelle ,a besoin d'espaces pour toutes les activités ,d'études,de recherches,d'activités artistiques ,industrielles qui n'exigent pas des besoins d'irrigation ,les terres fertiles et où le niveau de pluies est élevé il faut les laisser pour l'agriculture ,le nord de la Tunisie ,les zones pluvieuses ont été criminellement (obstruées) (étouffées) par les constructions et le béton ,c'est horrible ,crime contre l'humanité ,c'est clair il y avait complot ,de trésorerie longue date ,ce grand Tunis ,est une conspiration pure et simple ,j'ai pressenti la catastrophe ,depuis que les progrès de lotissement de la snitt et la ffh,et beaucoup d'autres ,depuis la ruée vers les villes ,du nord de la Tunisie ,les zones vertes ont disparu ,les marxistes en application de la théorie de Carl Marx qui misait sur l'accumulation des masses d'ouvriers arrachées des zones agricoles ,avec le prétexte (que les paysans sombrent dans l'idiotie) ,j'arrête ici ,tous les maux et les impasses commencent par là ,et le capitalisme fait le reste ,voilà pourquoi ,j'ajoute l'évocation d'un autre flagrant délit ,(trois versets coraniques: sourat ,alfou9an ,verset 30) (sourat aljinn verset 16) et (sourat elmaidaa verset66) ,

Houssem
| 01-06-2018 15:24
La voiture électrique et hybride peut contribuer à réduire notre déficit énergétique et mérite plus d'attention par nos responsables politiques décideurs. La voiture électrique et hybride est considérée par les autorités comme un véhicule de luxe taxée à plus de 200 % . On marche sur la tête pour un pays en déficit énergétique. Zéro stratégie en la matière. Il n'y a qu'a relire l'article BN à ce sujet: http://www.businessnews.com.tn/enquete-sur-les-voitures-electriques-et-hybrides--la-tunisie-a-la-traine,519,77445,3

belazi
| 01-06-2018 15:10
pourquoi alors on m'empeche d'acheter une eolienne .

MDO
| 01-06-2018 12:43
Il grand temps de proclamer l'état d'urgence en matière d'énergie en prenant des sanctions contre les gaspillages, par exemple l'été on doit limiter les veillés nocturne dans les cafés, rendre l'utilisation de l'énergie solaire obligatoire pour les chauffe-bains et prendre des mesures urgentes pour rationaliser l'utilisation de la climatisation, car on continue à voir des bâtiments administratifs ou privés qui n'utilisent pas la climatisation centrale.

URMAX
| 01-06-2018 12:39
Question : Et "après" ?
Que préconiseriez-vous comme solution ?
... une fois que pétrole brut et gaz naturel ne seront que "d'anciens souvenirs" ...
Le gaz naturel humain, peut-être ?
... que faudra t-il comme quantité de foul et de homs à ingurgiter pour assurer une pression de gaz suffisante à faire cuire une mloukhiyya pendant 5 ou 6 heures ...
Non.
La solution doit être trouvée du côté des énergies renouvelables.
'? l'horizon 2020, l'Allemagne assurera 40% de sa production énergétique grâce aux énergies renouvelables.

felfel
| 01-06-2018 08:48
La Tunisie importe 60% de son gas pour l'electricite de l'Algerie, qui lui fait payer au $ et au meme prix que le marche enropeen, il faudra penser a installer des stations de GAs Naturel Liquifie (LNG), comme dans les pays du Golf et le reste du moyen orient, c'est la meilleure solution a court terme, en attendant l'augmenttation de la part des energies renouvelables.

Gg
| 01-06-2018 08:39
La Tunisie est inondée d'énergie, elle baigne dans l'énergie! Solaire, bien entendu.
Panneaux photovolataiques, centrales thermiques solaires, économies... Y a qu'à!
Il suffit de le vouloir. La preuve en est le nombre considérable de chauffe eau solaires qui équipent les habitations. La volonté a existé, dans un récent passé...