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Chroniques
Le calamiteux ratage dans la transition démocratique
10/05/2018 | 15:59
3 min

Par Houcine Ben Achour

 

Il ne faut pas chercher midi à quatorze heure. En l’absence de précédent électoral municipal, les résultats des élections municipales 2018 ne peuvent être analysés qu’à travers le prisme national. 

 

Cela étant, on ne sait franchement pas s’il faudrait en rire ou en pleurer car, à entendre les politiques de tous bords, personne n’est sorti perdant des élections municipales. Les partis politiques qui ont pignon sur rue, ou plutôt le croyant à tort, comme les têtes des listes dites indépendantes ont tous crié victoire, en dépit du bons sens le plus basique qui veut que lors de n’importe quelle joute, il faut qu’il y ait un perdant et un gagnant à défaut de parité.

 

Est-il possible de donner crédit au porte-parole de Nidaa Tounes lorsqu’il  annonce au lendemain du scrutin que « Nidaa Tounes a encore gagné » alors que ce parti a perdu dans ces élections municipales plus de 900 000 voix au niveau national par rapport à ce qu’il a récolté lors des élections législatives de 2014 ? Quel sens donner à la « victoire » d’Ennahdha alors que le mouvement islamiste a perdu plus de 430 000 voix par rapport aux législatives de 2014 et plus de 985 000 voix par rapport aux élections à l’Assemblée nationale constituante de 2011 ? Pour ces deux partis qui ont présenté des listes dans presque toutes les circonscriptions municipales, la sanction est sans appel tant la perte d’audience est considérable.

 

A l’égard de ces deux partis, l’électeur a fait son choix en tenant compte de leur gestion politique des dossiers nationaux. L’électeur s’est fait juge sur la base de ce que font leurs représentants à l’Assemblée des représentants du peuple (Arp) et non pas sur les capacités et les profils des candidats indépendamment de leurs étiquettes politiques.

 

Cette vertigineuse baisse d’audience des deux principaux partis au pouvoir  n’est d’ailleurs que l’illustration d’une déception et d’une désillusion d’un électorat pourtant acquis initialement à leur cause. Depuis 2014, leur recherche éperdue du consensus a délité leurs fondamentaux idéologiques, islamistes-conservateurs d’une part et laïcs-modernistes de l’autre. Le mélange eau-huile est impossible.  Conséquence, on a préféré l’abstention que voter Ennahdha et privilégié les indépendants qu’opter pour  Nidaa.

 

Ah ces indépendants. Ils ont récolté 32% des suffrages, soit. Mais cela reste une agrégation statistique. C’est seulement le terme qui les lie, peut-être quelques objectifs tenant à l’action municipale et à rien d’autre. D’ailleurs leur poids au sein des Conseils municipaux sera minime, à quelques exceptions près. Et si une partie de l’électorat a voté en leur faveur, c’est par défaut, voulant avant tout sanctionner les deux principaux partis au pouvoir.

 

En réalité, dans cette élection, c’est la démocratie locale qui a perdu. C’est l’espoir d’émergence d’une élite politique locale, compétente et désintéressée du pouvoir, qui s’est volatilisé. Le mode de scrutin, totalement inadapté, a fait le reste.  En effet, ce sera une véritable gageure de constituer des majorités solides, fondées sur des programmes et des objectifs locaux intelligemment négociés par les élus, sans considération préalable d’appartenance partisane.

 

Or, c’est le contraire qui semble se profiler. L’alliance mort-née entre Nidaa, Ennahdha et Irada à Sidi Ali Ben Aoun illustre d’ailleurs cette abominable volonté de mainmise des appareils nationaux sur les stratégies et les perspectives locales. Cet exemple traduit amplement la volonté des directions nationales des partis, essentiellement Nidaa et Ennahdha, de dicter à leurs élus locaux la marche à suivre. Avaient-ils conscience que, de la sorte, ils sonneraient  malheureusement le glas d’une réelle démocratie locale, celle que le nouveau code des collectivités locales cherche à promouvoir et à ancrer. Quel énorme gâchis ! Et quel calamiteux ratage dans la transition démocratique du pays !


10/05/2018 | 15:59
3 min
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Commentaires (6)

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AH
| 11-05-2018 12:18
les partis et tout ceux qui prônent la démocratie doivent inciter les citoyens à voir loin et à exercer leur devoir de vote.

le choix de à qui on vote est une liberté personnelle et sa force réside dans la liberté de changer d'opinion dans 2019 ou dans 5 ans.

des centaines de milliers de jeunes auront droit au vote dans 5 ans, tout est dynamique et il y a lieu d'espérer et de ne pas se plaindre comme le font certains partis. Lorsque les citoyens exercent leur devoir de voter, les élus finiront par comprendre qu'ils sont sur des sièges éjectables

Il faudrait croire à la démocratie et comprendre que ( malgré tous ses défauts et ceux du système électorale et les irrégularités ... ) c'est la seule voie du futur qui peut améliorer à terme le pays. Nous avons tant pleuré son manque et critiqué la dictature.

Je ne suis abstenu du vote dans les municipales et réalisé la gravité de l'erreur.

DHEJ
| 11-05-2018 10:57
...

kameleon78
| 10-05-2018 20:34
Même réponse pour vous, vous vivez en Allemagne je pense, mais depuis combien de temps ce pays vit-il en démocratie? En plus l'Allemagne est basée sur les régions, les Länders je pense, donc une vraie démocratie régionale, un état fédéral avec un gouvernement local dans chaque Länder, rien à voir par exemple avec la France un état hyper-centralisé (jacobin). Donc comment voulez-vous comparer ce pays avec la Tunisie, une jeune démocratie née en 2011, c'est à dire hier et une première élection locale, moi je pense vivant en France que cette élection est une réussite déjà au niveau organisationnel, pour les résultats, on en a déjà parlé. S'il vous plait comparer le comparable, l'Allemagne est une très vieille démocratie rien à voir avec la Tunisie.

kameleon78
| 10-05-2018 20:04
Les élections locales sont toutes nouvelles pour les tunisiens, donc les électeurs n'ont pas encore compris les enjeux de proximité, les problèmes de leurs municipalités, ils n'arrivent pas à détacher l'enjeu local de l'enjeu national, un seul exemple, le leader des islamistes Ghannouchi a parlé du Wifi dans les municipalités nahdaouies (une maladresse), les électeurs ont décodé : du Wifi dans les mosquées. (on oublie le local pour l'idéologique).

Je pense que votre article est trop sévère Houcine Ben Achour, je ne pense pas que cela soit un ratage de la transition démocratique, l'électeur manque de repères, il n'a pas encore acquis les codes du vote démocratique, il n'arrive pas à distinguer le "local" du "national", il n'a pas assez d'expérience pour assimiler les subtilités du vote local, cela demande du temps, je serai plus tolérant pour juger les électeurs. Dans quelques années, l'électeur verra plus clair, c'est comme un myope qui met des verres correcteurs de plus en plus affinés.

Moi je suis habitué aux élections, je vis à l'étranger donc j'ai du recul, j'ai l'impression de voir plus clair que si je vivais au pays.

TATA
| 10-05-2018 18:56
je reprends un passage de votre article ci-dessus:
"Or, c'est le contraire qui semble se profiler. L'alliance mort-née entre Nidaa, Ennahdha et Irada à Sidi Ali Ben Aoun illustre d'ailleurs cette abominable volonté de mainmise des appareils nationaux sur les stratégies et les perspectives locales. Cet exemple traduit amplement la volonté des directions nationales des partis, essentiellement Nidaa et Ennahdha, de dicter à leurs élus locaux la marche à suivre. Avaient-ils conscience que, de la sorte, ils sonneraient malheureusement le glas d'une réelle démocratie locale, celle que le nouveau code des collectivités locales cherche à promouvoir et à ancrer. Quel énorme gâchis ! Et quel calamiteux ratage dans la transition démocratique du pays"

==>
vous avez résumé en quelques lignes toute l'inintelligence et l'idiotie de certains de nos politiciens.

Oui, J'ai espéré que l'on introduit en Tunisie le modèle allemand de la libre administration (Selbstverwaltung) communale. => Il est temps d'accorder à la commune le droit et la liberté de régler toutes les affaires de la collectivité locale sous sa propre responsabilité dans le cadre prévu par la loi.

Oui, c'est vraiment triste que nous assistons à une politisation des activités communales au sens où les partis politiques sont devenus des acteurs de plus en plus agressifs dans les activités communales. Ainsi les débats locaux sont soumis à la concurrence des partis politiques et aux conflits politico-parlementaires!

Oui, Il faut éviter de transmettre/revivre les conflits et la haine entre certains partis politiques dans les petites communes où règne depuis des décennies une atmosphère de fraternité et de tolérance.


En Allemagne, on différencie ente politique gouvernementale et municipale/communale, ==> la politique municipale/communale est affaire des collectivités, elle n'a rien avoir avec les conflits politico-parlementaires!


Oui, Il faut comprendre enfin que nous ne voulons pas politiser nos collectivité où on ne connaît pas ces conflits vulgaires entre les partis politiques installés à Tunis et qui font de la politique gouvernementale!

Oui, Il faut éviter que les partis politiques placent leurs représentants pour nous dicter à partir de Tunis ce qui est bon ou mauvais pour notre collectivité, il s'agit plutôt de poser/définir les bases de la décentralisation ==> oui notre collectivité locale voudrait prendre la responsabilité de son développement!!!

Il s'agit de l'auto-développement des collectivités locales, de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus à l'intérieur des collectivités mêmes! Il est temps de garantir l'indépendance politique, administrative et financière des collectivités locales.


Si on veut prendre l'exemple de l'Allemagne, il faut éviter de mélanger politique gouvernementale et politique communale. Il faut respecter comme en Allemagne le principe de la libre administration communale. => il faut éviter de politiser les activités communales! il faut respecter l'indépendance politique, administrative et financière des collectivités locales.


Très Cordialement

Emeli Sandé - Read All About It
https://www.youtube.com/watch?v=vaAVByGaON0

déja-vu
| 10-05-2018 18:45
Quelle transition démocratique?!
Il ont avalé le trésor national.C'est sec la-haut. Ces élus locaux ne seront que les mains tendus de cette classe politique calamiteuse pour chercher le magot directement dans les poches de misérables va-nu-pieds ...
Ca va pleuvoir taxes, "participations citoyennes" et autres noms d'oiseaux pour faire payer tres cher aux citoyens chaque pas qu'ils feront dans ces nouvelles bédouinies qu'ils seront appelés à financer alors que la majorité les a boudé, sentant peut etre le coup venir...
#Laazouza hazha louéd...