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Chroniques
L'art de la guerre, par Ennahdha
31/01/2017 | 15:59
3 min

On ne le dira jamais assez. Ennahdha est le parti qui s’en tire le mieux. Il est au pouvoir, mais sans s’attirer les foudres liées à la mauvaise gestion gouvernementale. Il décide mais ne rend pas de comptes. Il prend les décisions mais n’est pas toujours obligé de les justifier. On a parfois tendance à l’oublier tant sa présence dans le gouvernement d’union nationale est timide. Si cette participation qui compte plus de secrétaires d’Etat que de ministres influents est discrète, elle lui permet en revanche de rester à l’abri des critiques et de se faire une place bien au chaud.

 

Nidaa Tounes a été le parti vainqueur des législatives, il est donc le plus exposé. C’est aussi le parti qui fait le plus de bruit autour de lui, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Tomber dans le militantisme au lieu de voter une loi, étaler son linge sale en public, continuer de balbutier… Nidaa patauge, chacun le sait, Ennahdha en tire forcément profit.

 

Le dernier mouvement des gouverneurs le montre bien, Nidaa s’accapare la part du lion. De son côté, Ennahdha n’a rien à lui envier et se garantit un butin non négligeable. Peu importe si sa part est moins importante, peu importe s’il est deuxième. A l’approche des municipales, il est plus utile de se préparer une stratégie étudiée que de faire son show. Un show déchaîné et échappant à tout contrôle n’est absolument pas bon pour les affaires.

 

Mais ne vous méprenez pas, Ennahdha reste le grand manitou du pouvoir et sa parole vaut de l’or. Si vous voulez savoir s’il y aura un remaniement ministériel, il faut plutôt écouter ce qu’en dit Ennahdha. « Je suis bien placé pour le savoir », a déclaré Abdelkarim Harouni, président du conseil de la Choura, haute autorité du parti islamiste. Si Ennahdha n’est pas au courant et n’en a pas été informé, c’est que ce remaniement reste, à l’heure actuelle, de simples spéculations et des ragots. « Ennahdha est bien placé pour dire qu’il y a un remaniement gouvernemental en vue ou non ». Voilà qui est dit !

 

Alors que Nidaa préfère palabrer sur les plateaux TV en exposant son incompétence, Ennahdha choisit de s’intéresser à des choses bien moins futiles. La politique étrangère est devenue la chasse gardée de Rached Ghannouchi. Personne ne s’offusque outre mesure de voir le chef du parti islamiste multiplier les voyages à l’étranger et dialoguer, au nom de la Tunisie, avec les plus hauts dirigeants mondiaux. Au nom de la Tunisie, mais aussi (et surtout !) au nom du parti pour lequel il fait du lobbying intensif.

Pour contrer sa popularité en berne, Ennahdha choisit de se faire petit dans son pays et de gagner en popularité à l’étranger. Une stratégie bien huilée et qui finira par porter ses fruits.

Si Ennahdha aurait souhaité voir son partenaire s’en sortir mieux que ça, il a su tirer son épingle du jeu et marquer des points malgré la crise qui secoue Nidaa, mais aussi grâce à cette crise. Même si la relativement faible représentativité du parti de Rached Ghannouchi au gouvernement a fait grincer quelques dents au sein d’Ennahdha, le parti a su en tirer profit aujourd’hui afin d’être moins exposé et donc moins critiqué.

Alors que les autres préfèrent s’exposer dans les médias, faire parler d’eux et montrer à tous que c’est eux qui gouvernent, Ennahdha se fait discret. Parce que le vrai travail se fait ailleurs.

 

 

 

 

31/01/2017 | 15:59
3 min
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Commentaires (18)

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Sancho68
| 02-02-2017 10:55
Tout ce que vous dites est un bon diagnostic pour la situation entière mais revenons sur
quelque remarques et si le parti islamiste bénéficie de ce qui arrive à Nidaa c'est en fait le résultat attendu et le destin logique d'une machine construite dans un délai record mais surtout avec des moyens douteux et c'est normal qu'il ne prendra pas du temps pour commencer à perdre les points, mais d'autre part mentionner une main invisible pour parler des mouvements d'Ennahdha reste insensé car la vraie situation est que au moment où Nidaa Tounes essaie de trouver des solutions pour sa cuisine interne, l'autre parti commence bien profité de sa vrai position en tant que parti leader.

Mouna BT
| 02-02-2017 10:44
Ce n'est pas la première fois que je lis un article en ce sens, et je ne pense pas que c'est un hasard.
j'ai bien l'impression que l'on essaye d'accuser Ennahdha du chaos vers lequel on se dirige sous la conduite du nida...

Sinon y a une part de vérité dans tout cela, c'est que le cheikh est trop fort !

Tunisienne
| 01-02-2017 20:18

Bonsoir ami,

Je suis aussi désemparée que toi face à ce sentiment d'impuissance !

Boycott des élections ? Est-ce que ça empêcherait la tenue de ces élections ? Est-ce que ce ne serait pas, au contraire, le meilleur moyen pour Ennahdha de rafler la mise très «démocratiquement» ?

Dissolution de l'ARP/ Démission du Gouvernement et du Chef de l'État ? La grande inconnue reste le peuple : jouerait-il le jeu (il ne s'est même pas mobilisé pour des questions qui le touchent plus directement/ immédiatement !) ? Sans oublier le «peuple» islamiste, connu pour sa propension à la violence...

Mais en amont de tout cela, y aurait-il déjà un sursaut patriotique suffisamment puissant pour oser ces tentatives ? Sans oublier que nous aurons droit, de toutes parts, aux grandes leçons culpabilisantes des «anti-putschistes et pro-démocratie» !

Et puis tu connais les rapports «fusionnels» qu'entretiennent nos gouvernants avec leurs chaises !

Tout ça pour dire que toute ébauche de solution devrait commencer par la déconstruction des bases de l'édifice Ennahdha (et de son art de la guerre), à savoir «le monopole et la représentation patentée de la religion» : il ne faudrait plus jouer le jeu de l'intimidation sournoise qui est exercée via ce chantage permanent à la «certification de la non-mécréance». Mais pour cela, il faudrait que tout le monde fasse front (ce qui est difficilement envisageable avec l'«opportunismite chronique» généralisée !)...

Bon. Il faudra quand-même essayer sérieusement de ce côté là ! Le ticket ne devra être envisagé que comme ultime, mais vraiment ultime recours !


Bonne soirée


PS : Au sujet de la Miss tunisienne, je te remercie de ton raffinement et de la subtilité du message ! Et je m'épargne l'effort et l'embarras de l'avis circonstancié, si tu veux bien !



N.Burma
| 01-02-2017 17:34
« Il n'y a pas à dire, c'est un art consommé de la guerre. » Tunisienne


Bonjour amie,
Plutôt qu'un art consommé de la guerre, je dirais plutôt, une effronterie à nulle autre pareille dans la roublardise et dans l'art de rouler la farine quiconque oserait défier le parti de dieu que la Tunisie a la joie et le bonheur d'admirer.
A partir de ce postulat que dieu aurait chargé Ennahdha par la personne de Ghanouchi de briller dans l'arène politique, aucun autre prétendant ne peut lui voler le diadème en diamant que porte son altesse Ghanouchi.
Maintenant, dans la taverne de sidi Ghanouchi il y a à boire et à pour qui voudrait manger le couscous politique cuisiné par le chef d'Ennahdha.
Tout cela pour constater que rien ne se fait sans Ennahdha et cela signifie aussi qu'Ennahdha est en mesure de tailler un costume à qui viendrait l'idée de contester la suprématie de la centrale frériste.
Que faire dans ces conditions fixées par le parti hégémonique et islamiste ?
Un boycott des élections ? Une dissolution de l'Arp ? Une démission du gouvernement ? Une démission du chef de l'Etat ?
Il faut scier la branche sur laquelle est assise Ennahdha, si la démission du président de la République, suivie bien sûr de la démission du gouvernement et dans la même vague dissolution de l'assemblée parlementaire, alors là, oui, nous serions en situation de renverser la table, avec le risque que même dans ces changements institutionnels radicaux, Ghanouchi et sa secte puisse encore être capable de tirer les marrons du feu et dans ce cas, chère Tunisienne, il nous reste la possibilité de prendre un ticket vers l'extérieur, loin de l'enfer tunisien !

Bonne fin de journée !

Tunisienne
| 01-02-2017 17:21



Bonsoir Rationnel,


Oui, c'est ça en gros même si Ennahdha a probablement fait le tour de toutes les stratégies de guerre du monde (certainement influencées par l'art chinois) ! A cela, je crois qu'il faudrait ajouter l'idéologie religieuse qui constitue un puissant moteur de l'engagement et de l'action des islamistes, l'habitude de fonctionner en mode clandestin et souterrain (ce qui développe la ruse et la fourberie, mais également la solidarité entre membres "persécutés" et la discipline/ autodiscipline), la mutualisation des apprentissages entre Frères musulmans de différents pays et la proximité du peuple (d'où une parfaite connaissance de la nature humaine et du tissu social), pour comprendre comment Ennahdha atteint à ce degré d'art...


Bonne soirée !



LES AIGUILLES
| 01-02-2017 16:50
GHANNOUCHI est fidèle à ses habitudes et à sa ligne politique, Mahdi al mountadhar des sunnites a refait surface. Son travail c'est répandre l'idiologie de HASSEN EL BANNA partout dans le monde là où il est possible de le faire. Il a cru pouvoir atteindre cette objectif en attirant vers lui ses frères d'armes salafistes en instaurant une théocratie en bonne et due forme en octobre 2011 . Comme ministre des affaires étrangères de B.C.E, RCHID GHANNOUCHI est entrain de mettre en oeuvre une stratégie d'encerclement de l'EGYPTE pour libérer le soldat MORSI et chasser AL SISSI du pouvoir. Il a bien dit un jour, qu'il lâchera le gouvernement mais jamais le pouvoir. Soit, mais il finira par le lâcher le jour où lui même il sera lâcher par les grandes puissances. La géopolitique mondiale de 2011 n'est pas celle d'aujourd'hui les occidentaux veillent aux grains, l'islam politique est dans le viseur des occidentaux, ce n'est certes pas son déplacement à DAVOS qui changerait l'opinion des européens.

Rationnel
| 01-02-2017 16:00
Les leaders d'Ennahdha ont bien absorbé les leçons de Sun Tzu, les tactiques que vous citez viennent de son livre, les leader du parti ont appliqué plusieurs tactiques comme:
- Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie.
- Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre
- En tuer un pour en terrifier un millier.
- Sois subtil jusqu'à l'invisible; sois mystérieux jusqu'à l'inaudible; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires.

Tunisienne
| 01-02-2017 14:43


Et il y a là matière à enseignement dans les plus grandes écoles de guerre et de stratégie. Avec toutes les composantes réunies d'une grande stratégie de guerre (totale et cohérente) :

- Avoir une parfaite connaissance du terrain de jeu ou, en l'occurrence, du champ de bataille (les faiblesses, les incertitudes, les vulnérabilités, les passions, les superstitions, les complexes...) ;

- Désarmer systématiquement le peuple et tous les interlocuteurs par le Sacré et la religion, de sorte que chacun y perde ses moyens et que le combat devienne automatiquement inégal;

- Être toujours dans la posture du meneur de jeu (et de celui qui fixe les règles du jeu) et non dans une posture défensive, et changer les règles du jeu autant de fois que l'exige la situation ;

- Dans le cadre de ce périmètre de jeu, tous les coups sont permis : intimidation, victimisation et culpabilisation ; surenchère, usurpation et appropriation des arguments de l'adversaire (sur le patriotisme, le modernisme, la tolérance, les « consensus »...) ; récupération et mise à profit des erreurs des autres ; perversion de l'adversaire (Etat, partis, Justice, économie...) de l'intérieur ; division (du peuple et des adversaires politiques) pour mieux régner ; déstabilisation permanente et entretien de la confusion par rapport à la nature du jeu (avec différents joueurs intervenant simultanément avec des discours différenciés, voire défendant tout et son contraire) ;

- L'opérationnalisation se fait dans le cadre de politiques par étapes : approcher (la population), dédramatiser et banaliser (l'idéologie portée et les joueurs), convertir (ou pervertir) à cette idéologie et élargir progressivement la cible de l'action.


C'est un jeu déséquilibré et toujours gagnant, sur le mode «Pile je gagne, face tu perds».


Il n'y a pas à dire, c'est un art consommé de la guerre.



Rationnel
| 01-02-2017 12:38
Ennahdha perd sur tous les fronts, à droite, à gauche, en avant et en arrière. Pour cacher ses défaites Ennahdha essaye de créer l'événement et nos journalistes contribue au mythe d'Ennahdha comme parti dominant, le part dominant sont les non-votant. La popularité d'Ennahdha est minime et ne dépasse pas les 19% parmi les votants et la majorité n'ont pas l'intention de voter.

Ennahdha perd à sa droite aux salafistes qui sont encore plus endurcis dans leurs positions. Les jeunes attirés par l'islamisme rejoignent les groupes comme ansar chariaa, daech, ettahrir.

A sa gauche Ennahdha perd aux groupes émergents domme Al Machrou, Afak et même Nida, la grande majorité reste neutre.

Sur la scène internationale, les voyages de Ghannouchi prouve que les frères ont perdus la Libye. Al Sissi est engagé dans son support de Haftar, Haftar et l'armée nationale libyenne gagne du terrain, ils ont déjà gagné la bataille de Benghazi et vont s'engager dans la conquête du Sud. Haftar contrôle la majorité des ressources pétrolières. Les alliés de Ghannouchi ne contrôle même pas tout le territoire à l'ouest et se disputent le contrôle avec les Touareg, Zentane, Amazigh et d'autres formations à Misrata.

La plus grande défaite d'Ennahdha et des frères musulmans c'est l'élection de Trump et d'une administration hostile qui est determinee a classifier les frères musulmans comme groupe terroriste.

Les dernières concessions d'Ennahdha: vote sur la voie électorale, abandon de la demande du retour des jihadistes de Syrie, ouverte d'une commission d'enquête sur le recrutement des jihadistes pendants les années de la Troïka sont une autre preuve que Ennahdha est en recul (mode Farr: la stratégie d'Ennahdha est le Karr et Farr).

La solution de n'est pas les partis politiques mais la société civile et l'engagement individuel. Le peu d'engagement populaire avec les partis démontre que les Tunisiens n'ont pas de confiance dans les partis. On a besoin d'autres structures d'organisation et de motivation. On peut s'inspirer du succès des équipes sportives avec leur millions de supporters ou avec le succès historique des tariqas soufies qui avait des centaines de milliers d'adhérents quand le pays n'avait que 3 millions d'habitants, où le succès et la longévité de l'UGTT.

G&G
| 01-02-2017 11:28
Nahdha prétend que son budget ne dépasse pas les 7 millions de dinars.
Mon oeuil!!!
Ce montant ne couvrira pas les frais de déplacement de leur gourou.
7 millions de dinars ce n'est même pas l'argent de poche perçu du Qatar par l'un des membres de la choura.