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Chroniques
La Tunisie est dans le clair-obscur où surgissent les monstres
Par Marouen Achouri
06/03/2019 | 15:59
4 min
La Tunisie est dans le clair-obscur où surgissent les monstres

 

La scène politique tunisienne s’émeut, ces derniers temps, de la rencontre suspecte entre Rached Gahannouchi et Hafedh Caïd Essebsi. Chacun y va de son analyse à ce propos, entre HCE qui négocierait une sortie honorable dans l’optique des élections déjà perdues de 2019 et entre Rached Ghannouchi qui chercherait une voie de dialogue avec le président de la République à travers son fils pour soulager la pression du fameux appareil secret d’Ennahdha.

 

Un peu plus loin, la scène se redessine avec plusieurs annonces de candidatures et surtout de coalitions, groupements et mouvements qui se proposent d’entrer dans la course électorale. On notera au passage que le parti vainqueur de 2014, Nidaa Tounes, confirme qu’il s’agit en fait d’une pépinière de partis puisque Taïeb Baccouche songe à lancer son propre mouvement politique. Il rejoint ainsi les Mohsen Marzouk, Saïd Aïdi, Taher Ben Hassine et les autres. Probablement avec autant de faibles chances de succès.

Mais comme le disait Antonio Gramsci, nous sommes dans le clair-obscur où surgissent les monstres. Et des monstres, nous en avons. Nous disposons même de tous les outils nécessaires pour les détecter et les voir venir. Mais il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

 

Les derniers sondages, ceux destinés au public autant que ceux que commandent les partis et les organisations en interne, montrent une montée remarquable des intentions de vote en faveur du PDL, parti de Abir Moussi, et en faveur de Hezb Ettahrir, le parti salafiste extrémiste. Grâce à l’inconsistance et à l’effritement des partis traditionnels de la place, un nombre croissant d’électeurs se dirige vers les extrêmes que représentent ces deux partis. Il est certain qu’en nombre d’électeurs, ces deux partis ne vont pas attirer grand monde, mais si l’on ajoute à l’équation les taux d’abstention record auxquels on s’attend, il est à craindre que les pourcentages que représenteront ces faibles nombres de voix deviendront conséquents. Quelle défaite et quelle honte pour la Tunisie que représenterait le retour de l’ancien régime et l’avènement des salafistes à l’ARP version 2019.

 

Il y a quelques années, on considérait Abir Moussi et son mouvement politique comme un épiphénomène qui faisait sourire les leaders politiques, particulièrement ceux de Nidaa Tounes et d’Ennahdha. Toutefois, ses bons résultats aux municipales et sa montée accrue dans les sondages font tiquer de plus en plus ceux-là même qui en souriaient. La recette de Abir Moussi est simple : donner l’impression d’avoir des principes inébranlables et de faire de la politique avec honnêteté et désintéressement. Il est vrai qu’une partie de l’opinion publique admire le fait que Abir Moussi ait toujours clamé haut et fort son allégeance à l’ancien régime. D’ailleurs, les fous du CPR et affiliés ont participé à construire sa légende en l’agressant verbalement et physiquement. Elle peut aujourd’hui se parer du drap d’héroïne qui a tenu bon envers et contre tout. Mais il ne faut pas se leurrer, ni Abir Moussi ni son parti ne peuvent être une alternative viable pour une Tunisie en manque de solutions et d’innovations. Le « avant c’était mieux » n’est pas un projet politique et n’en sera jamais un.

De l’autre côté, Hezb Ettahrir ne s’embarrasse pas de l’incohérence entre réfuter l’ensemble du système démocratique et militer pour un califat, et puis participer à des élections. Ce parti, qui a toujours une existence légale et qui est très actif notamment sur les réseaux sociaux, fait son beurre sur la nécessité de protéger l’islam des attaques incessantes qui le visent. Il considère que la fermeture de l’immondice de Regueb est une attaque contre l’islam. Il considère aussi que parler d’égalité successorale est assimilable à une déclaration de guerre envers l’ensemble des musulmans. Comme d’habitude, on retrouve les mêmes idiots utiles, pseudo-révolutionnistes, pour les aider à faire du bruit autour de ce genre de questions. Malheureusement, un pan de plus en plus large de la population adopte les mêmes croyances et devient, de fait, un électeur potentiel.

       

En temps de crise, les ressorts traditionnels sont le repli sur soi et la volonté de revenir à des temps plus cléments. Tous les partis extrémistes de par le monde et de par les époques ont joué sur ces réflexes. L’insécurité que ressent une partie de l’opinion publique trouve un soulagement lorsqu’on lui vend que c’était mieux sous Ben Ali ou qu’on lui offre le refuge par excellence qui est la religion. Pendant ce temps-là, les autres partis s’étripent et ne respectent même pas les plus basiques des lois comme l’obligation de tenir un congrès ou de déclarer à l’Inlucc les noms de leurs dirigeants. C’est par ce genre de pratiques qu’ils font le lit de ceux qui prétendent faire de la politique autrement. Seulement, s’ils gagnent, il n’y aura plus de politique tout court.

Par Marouen Achouri
06/03/2019 | 15:59
4 min
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Commentaires (6)

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Wissem
| 13-03-2019 12:35
C'est une militante qui défend une Tunisie moderne en s'opposant à l'égalité homme/femme dans l'héritage ? HHHHHHHHH !!!!!

toutou
| 13-03-2019 12:21
Si Marouen, vous voyez venir des projets innovateurs de ces bandes d'arrivistes incompétents, vous avez de l'espoir? Il ne serait pas mieux de revenir pour mieux avancer.

welles
| 07-03-2019 18:09
Encore , une fois , monsieur Achouri s'attaque à Madame Abir et son parti; d'abord il fait un amalgame et parallèle extrêmement manipulateur entre le salafisme et le PDL , comment peut-on comparer le PDL au parti terroriste de Hesb Ettahrir !! Ensuite il traite Madame Abir de femme du passé qui manque de solutions innovantes; mais pour innover, encore faut-il d'abord se débarrasser des obscurantistes qui défendent un système moyenâgeux et elle est la seule à affronter avec courage le parti des "Frères Musulmans"
Votre haine du RCD ,monsieur Achouri, aveugle votre jugement sur la situation d'aujourd'hui et vous empêche de voir en cette femme courageuse, je répète, une résistante contre le parti archaïque de Ghannouchi ; c'est une militante qui défend une Tunisie moderne . Un peu de clairvoyance et d'objectivité journalistique ne peuvent qu'honorer votre article tendancieux.

Khaled
| 06-03-2019 22:29
Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres
Antonio Grammsci - 1891/1937

Ali Baba au Rhum
| 06-03-2019 20:44
je trouve quand même le fait situer Abir Moussi en tant que pôle opposé au Hezb Ettahrir, un peu exagéré, même si elle prétend éliminer l'Hydre islamiste de la vie politique du pays..

SAM53
| 06-03-2019 20:22
Mr Achouri vous avez honte pour le retour de l'ancien régime et que pensez vous du nouveau régime des islamistes et arrivistes tels que kotti,toubel ...etc