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Interview Béji Caïd Essebsi : C'est grâce à mon âge que j'y arriverai !
21/11/2014 | 1
min
Interview Béji Caïd Essebsi : C'est grâce à mon âge que j'y arriverai !
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C’est avec Béji Caïd Essebsi que nous avons effectué la dernière interview d’une série, accordée à Business News par différents candidats à la présidentielle. Le candidat de Nidaa Tounes nous a reçu à l’hôtel Paris. Entouré de quelques membres de sa cellule communication, Béji Caïd Essebsi, dans l’ambiance feutrée de sa suite au Lac, a répondu à nos questions. Interview.


A votre candidature on opposait le facteur âge, à votre campagne on oppose le facteur « taghaouel » (omnipotence). Que répondez-vous aux deux contre-arguments qu’on oppose à votre présence sur la scène politique?

Je n’ai pas commencé ma vie politique quand j’ai annoncé mon intention de me présenter à la présidentielle, mais depuis les années 50. Ce n’est pas au hasard que j’ai choisi pour Nidaa, à son lancement, le logo « La patrie avant le parti ». A mon âge, on ne peut pas mentir. Nous sommes ici pour servir la Tunisie. Vous savez pourquoi ? Parce que nous ne savons rien faire d’autre ! Ce n’est pas à mon âge que je vais appliquer le « taghaouel ». On ne devient pas ainsi à cet âge. On l’est ou on ne l’est pas et mon parcours politique est témoin que je ne le suis guère.

J’ai quitté la scène politique, pendant 20 ans. J’avais vu qu’avec Ben Ali, je ne pouvais pas agir ; je me suis alors retiré. Depuis 1991, j’ai fait d’autres choses et j’ai réussi. Quand on a fait appel à moi parce que le pays était en crise très profonde. J’ai accepté mais seulement pour 4 mois. Cela avait été prolongé à cause des élections et j’ai quitté, ensuite, sans que la loi ne m’y oblige. Nous avons mis en place un décret pour convoquer le corps électoral afin de rédiger une Constitution dans une période d’un an c’était cela la matrice du gouvernement en place à l’époque. Nous n’avions aucune obligation de céder notre place à d’autres. J’ai cependant estimé qu’ayant pris un engagement public de quitter, une fois les élections mises en place, élections auxquelles j’avais fixé la date, le jour même de mon départ j’avais exprimé ma décision de me retirer. J’avais rencontré Hamadi Jebali, j’ai même donné une réception pour accueillir les arrivants. C’est bien celui qu’on accuse de « taghaouel » ? J’aurais pu à l’époque les mettre tous en marge et continuer là où j’étais. Ceci dit, je savais ce que je faisais et ce choix n’a pas été fait par inexpérience. Ce n’est pas maintenant que je vais devenir omnipotent alors que nous sommes sur la voie de l’élection, c'est-à-dire le verdict du peuple ; verdict à respecter, évidemment.

Il faut dire que le peuple nous a donné une primauté et non une majorité. Et notre peuple n’est pas bête, comme certains le pensent. Il est sage et fin. Il nous a donné 17 sièges pour que nous mettions en place le nouveau gouvernement et pour que nous menions le pays ; mais pas seuls ! Il a donné à Ennahdha 69 places. Je vous précise et le message est intelligible : Ces places ont été accordées à Ghannouchi parce que c’est lui qui a fait la campagne d’Ennahdha, comme moi, j’ai fait la campagne de Nidaa Tounes. J’ai tenu 10 meetings et chaque meeting a fait 10.000 présents voire plus. C’est cela donc le message ! Nous ne pouvons faire preuve d’omnipotence et ceux qui le disent n’ont pas compris ou ne sont pas à la hauteur.
Pour ma part, j’étais régi par plusieurs contraintes et, actuellement, il ne m’en reste que deux : nous avons la Constitution et je m’appliquerai à faire respecter la légalité et nous avons le verdict du peuple que je ne manquerai jamais d’honorer. Si le peuple me demande de quitter la scène et de rentrer chez moi, je déclarerai, volontiers, que je retournerai chez moi rempli de joie.

Le « taghaouel » est dans la tête de ceux que nous avons choisis pour un an et qui en sont restés trois et cela est un complot contre la légalité. Ensuite nous les avons choisis pour rédiger la Constitution et ils ont fini par dire : non, nous voulons gouverner. Ca c’est l’omnipotence ! Ils avaient mal dirigé le pays parce qu’ils ne sont pas prêts pour cela et quand le peuple leur a rappelé cette vérité, il était dans son droit de leur attribuer un zéro pour leur copie. Ils ont eu entre zéro et un siège. Suis-je derrière cela ? Vont-ils dire que les élections sont truquées ? Ils ne veulent pas accepter le verdict du peuple, et c’est cela l’omnipotence ! L’un a dit que le peuple va regretter ses choix et l’autre a déclaré avoir peur pour l’avenir de la Tunisie. Pourquoi n’a-t-il pas eu peur pour la Tunisie, justement, depuis trois ans, alors qu’il se targuait de commander seul ? Le « taghouel » est dans la tête de ceux qui ne croient pas en la Tunisie ; car la Tunisie n’admet pas pareille pratique. Je suis peut-être un « ghoul » mais dans le bon sens. La Tunisie ne supporte pas l’omnipotence et celui qui s’en croit capable, qu’il sache qu’il ne tiendra pas.

Le candidat Marzouki est-il à craindre ?


Bien entendu, il est à craindre. Parce qu’il fout la pagaille ! Il est en train d’inviter des Salafistes, des membres des LPR, des extrémistes religieux. Vous nous imaginez avec un « zigomar », ministre de la Justice et untel devenir ministre de l’Intérieur ? Réfléchissons un instant qui sont les figures marquantes aux côtés de Marzouki ? Ces bandits vont diriger la Tunisie ?
Parce que je connais l’histoire de mon pays j’avais déclaré, une fois, que la révolution n’est qu’un moment dans l’Histoire de la Tunisie. Comme un arbre « 4 saisons » : il produit des fruits différents mais qui se nourrissent tous du même tronc. Si on coupe une des branches, l’arbre peut mourir, ses fruits comme ses feuilles. Si on coupe la révolution, ce moment important de l’Histoire de la Tunisie, elle pourra prendre fin et mourir. C’est ce que fait Moncef Marzouki. Il hypothèque son avenir, enfin lui, il n’en a pas, mais hypothèque plutôt l’avenir de la Tunisie.

Ennahdha ne vous a pas soutenu pour les prochaines élections. De quel œil voyez-vous ce choix d’Ennahdha?


Tous les Nahdhaouis soutiennent Moncef Marzouki. Il ne peut pas passer ainsi de 11% à 22% ! Je suis sûr qu’il y a une dichotomie (remarquez que je parle de dichotomie et non pas de rupture) entre la direction d’Ennahdha et ses cadres : Ghannouchi et son cercle, et ils ne sont pas nombreux, ont compris qu’il fallait rester éloignés de ce type de prise de position. Le reste n’a pas compris les impératifs de la conjoncture actuelle. Ils sont pour la plupart avec Moncef Marzouki. Ils pensent qu’ils ont fait le bon choix mais ils se trompent. Le seul à avoir tout compris c’est Rached Ghannouchi. Même si celui-ci aurait dû voter pour lui-même, mais lui ne vote en réalité pour personne. Parce qu’il a compris qu’ils avaient fait une erreur capitale en prenant les rênes du pouvoir le 23 octobre et ont enchaîné, ainsi, les erreurs.
Mais les islamistes n’ont pas vraiment perdu les élections. Ils ont même capitalisé leurs gains faits par le passé et se sont mis en position d’attente, ayant compris que le moment n’était pas propice à une deuxième épreuve de pouvoir. Les grandes positions d’attente, quand elles sont menées par des personnes ayant une longueur d’avance sur les autres, sont toujours mal comprises. Ghannouchi n’a pas été suivi par ses troupes et ça sera le grand malheur d’Ennahdha, parce qu’ils se sont attachés à des illusions extérieures et à des doctrines dépassées. C’est valable pour les Islamistes comme pour certains partis de Gauche. Le Communisme est dépassé et il reste pourtant en vie dans la tête de certains qui y croient comme mode de gouverner. Diviser, cependant, la pauvreté n’est pas une idée judicieuse, car nous en avons tellement que nous serons tous servis.

En cas de victoire à la présidentielle, qui présidera Nidaa ? Est-ce Taïeb Baccouche jusqu’au congrès (prévu pour le 17 février, nous dit-on) ?

Pour moi, les personnes importent peu. En ce qui concerne l’organisation interne de Nidaa, il y aura un Congrès aux alentours de cette date. J’estime que le parti n’est pas une fin en soi et d’ailleurs j’ai structuré ce parti, dès le départ, sur des bases à la solidité desquelles personne n’avait cru à l’époque. Les syndicalistes, quoiqu’ils soient ancrés dans leur archaïsme, les Destouriens aussi, d’ailleurs, comptent parmi eux des génies qui, comme Farhat Hached, sont assez visionnaires pour voir que leur réflexions et leur actions n’ont pas d’avenir si elles ne s’inscrivent pas dans la continuité de l’intérêt de la Nation, en tenant compte des nécessités de chaque époque. Nous avons dans Nidaa des gens de Gauche que j’ai avertis, dès le départ, que pour rencontrer les gens de droite, il faut qu’ils aillent davantage vers le Centre. Et nous avons pris aussi des indépendants parmi nous.

C’était ma conception dès le départ ; certains n’y avaient pas cru, mais ils ont fini par être convaincus. Quand nous avons eu, au sein de Nidaa, des voix dissidentes, je demandais à ce qu’on opte pour le silence au lieu des affrontements. Certains pouvaient y voir un signe de faiblesse, mais cela s’inscrivait dans une perspective d’avenir. Nous avons ainsi pu créer un parti qui rassemble au lieu d’en avoir une quinzaine (et chacun de ceux qui ont rallié Nidaa pouvait aisément en créer), ce qui nous aurait ramenés vers une situation de rupture.
Ce parti peut-il changer, quand je ne serai pas là ? Si je ne pensais qu’au parti, j’aurais préféré ne pas être élu président, mais je pense à la Tunisie. J’espère toutefois être encore présent pour que soit tenu le Congrès de Nidaa et, à partir de là, se dégagera une direction cohérente parce que la direction actuelle ne l’est aucunement. En effet, le composite de Nidaa est varié, comme je l’ai expliqué, avec une représentativité maximale de différentes franges politiques.

Oui, mais actuellement, vous gouvernez seul le parti, qu’en sera-t-il après votre départ ?

Ceci est faux ! Jamais je n’ai gouverné seul, ni même laissé Bourguiba gouverner seul. Je l’avais toujours averti en cas d’écart par rapport à cela et c’est pour cette raison qu’il me respectait. Je le conseillais sans lui dicter un comportement. Il y en a qui, en conseillant quelqu’un, s’obstinent pour que leur conseil soit suivi à la lettre. Quant à moi, quand j’ai une consigne je la dis poliment mais efficacement. Pour Nidaa, je ne me fais pas de soucis. Je participerai à ce congrès pour maintenir cet élan, parce que les résultats sont importants.
Je dirai à ceux qui étaient réfractaires à certains choix, vous n’étiez pas d’accord, voilà que vous êtes au pouvoir ! Mais gardez-le et essayez de le faire progresser ! Parce que si nous agissons pour nous-mêmes et que nous composons un gouvernement à partir de nous-mêmes, jamais nous ne pourrons garantir la survie de notre mouvement. Pour tout cela, il faut une force de caractère et il faut aussi une vision tenant compte de l’intérêt général. Il y a quelques-uns qui réfléchissent dans ce sens, dans ce parti que je préside pendant deux ans. Beaucoup de personnes essaient de nous rejoindre, mais derrière cette requête il y a, dans bien des cas, un profit escompté. Ces profils-là ne nous intéressent pas. Nidaa est dans une meilleure santé qu’on le dit. Sa continuité, au cas où je sois élu président, n’est pas une affaire facile, mais je vais m’y employer.

Nidaa a gagné une certaine aisance dans le cadre des législatives. Ne pensez-vous pas qu’une victoire, également à la présidentielle, sera une épreuve de taille pour un parti jeune et dont la structuration est encore en cours?

Ceci est vrai. Si nous allons vers le pouvoir pour notre satisfaction personnelle, ceci arrivera. Mais si nous exerçons le pouvoir dans l’intérêt de la Tunisie, ça n’arrivera pas. Quant à Ennahdha, comme je vous l’ai déjà précisé (et suivez mon regard !), j’ai deux contraintes : le respect de la Constitution et le respect de la décision du peuple et le peuple ne m’a pas donné une majorité absolue. J’ai toujours dit que, même avec une majorité absolue je ne gouvernerai pas tout seul. Ca ne serait pas dans l’intérêt de Nidaa Tounes, ni dans l’intérêt de la Tunisie.

Votre porte est, donc, ouverte ?


Il faut savoir à qui d’abord ! Ma porte est ouverte à des personnes, mais pas à des partis, car les partis ne raisonnent pas de la même manière que moi. En revanche, il se trouve surement dans tous les partis, des personnes qui ont une vision pour l’avenir de leur pays. Je ne crois pas aux idéologies, ni à la rigidité des appartenances. Je suis l’élève de Habib Bourguiba (et non son héritier). Je suis le produit de son école. Alors comme lui, choisissons la politique des étapes. Je suis partisan de cette politique, pas celle de « l’étapisme » dont parlent certains penseurs français, c’est un même processus qui se répète et où, à chaque étape, nous préparons celle qui va suivre. Si on estime que l’étape à laquelle on parvient est une fin en soi, c’est qu’on n’a rien compris à la politique de Bourguiba.
Pour le moment, personne n’a intérêt à cristalliser les situations. Il faut que l’on se dise que nous vivons ensemble et tenir, de ce fait, compte de la diversité. Ceci ne veut en aucun cas dire que nous partagerons tout. Comme le dit le dicton arabe « C’est à la taille de la couverture que l’on tend les jambes ». Quoiqu’il en soit, nous n’irons pas vers des situations conflictuelles. Ca n’est ni dans leur intérêt ni dans le nôtre. Face à une porte qui grince, il y en a qui graissent à outrance et il y en a qui huilent goutte après goutte. Je suis de ces derniers, croyant à la modération dans les démarches pour trouver de réelles solutions.

Vous êtes assez populaire et la popularité revêt, des fois, des formes non maîtrisées de la communication. Ne craignez-vous pas les laudateurs et leur effet sur votre image ?

Toutes les images se ternissent par le temps. Je ne vais donc pas être téméraire face à cela. J’écoute les avis contraires comme ceux des laudateurs. Et de ces derniers, nous trouverons toujours. Mais ceci n’est pas important, quand on est imprégné du destin de son pays, comme je l’ai été au début de ma carrière politique, par accident, et comme je le suis, désormais, par choix. J’ai commencé par gagner une bataille contre moi-même et, à partir de là, j’ai compris qu’envers les autres, il fallait être compréhensif et admettre les différences de chacun. J’écoute tout le monde et je n’ai pas de rancune pour celui qui m’attaque, comme pour celui qui me glorifie, car je pense que les deux ont un effet néfaste. J’ai viré ma cuti, comme on dit !

Votre parti communique souvent sur des rencontres que vous faîtes avec nombre d’ambassadeurs. Pourquoi ces rencontres et pourquoi vous et pas d’autres candidats?

Les gens s’inquiètent pour l’avenir de la Tunisie. Ils me demandent mon avis à tout hasard. Celui qui me dit qu’il me voit déjà président pour justifier sa visite, je ne le croirai pas. Je sais aussi résister aux compliments. Si je réglais ma politique sur l’avis des gens qui me visitent…
Il n’y a pas une personne qui demande de me rencontrer et que je refoule. Autour de moi, on me dit, souvent, que je perds, ainsi, mon temps, mais qu’importe ! L’intérêt se trouve des fois là où on est persuadé qu’il n’y en a point. J’ai profité de l’expérience de tous. J’ai reçu des délégations diplomatiques, avant même que je ne me présente à l’élection présidentielle. Ces visites peuvent sembler, en cette période, nombreuses, mais c’est surtout parce que mon planning chargé m’impose des fois de les grouper. Je les reçois les unes après les autres, une demi heure chacune. Et quelque part, ça m’a servi, car, en cette période où on me donne souvent pour mort ou malade, ça sert à quelque chose d’être vu.

La Libye, la Syrie et l'Égypte, comment voyez-vous nos relations avec ces pays qui connaissent des changements politiques plus ou moins houleux ?

La Tunisie est un petit pays dont la situation géographique a des particularités. C’est un pays qui n’est pas sorti du sous-développement, ni même de la période coloniale à vrai dire ! En France, on nous traite encore comme des colonisés. Nous ne pouvons, de ce fait, pas faire preuve d’une politique de grande puissance. Il faut tenir compte de tous ces facteurs, savoir où mettre les pieds et ne pas agir comme M. Obama ou M. Poutine, alors qu’eux-mêmes ils tiennent compte de cette délicatesse. Oui, la Tunisie a 3 mille ans d’histoire, mais l’Egypte, par exemple, en a 5 mille. Elle est un grand pays, dispose d’une situation géographique importante et d’un peuple grand, en nombre. Nous n’allons, tout de même, pas imposer une certaine politique à l’Egypte. Nous devons revoir notre politique étrangère. En ce moment, personne ne nous écoute plus ! Est-ce parce que nous avons fait une révolution que l’on va s’insurger sur tout ?

Nous devons avoir de bonnes relations avec tous les pays. Je ne sais pas comment vont évoluer nos relations avec la Syrie, mais renvoyer l’ambassadeur syrien était une erreur monumentale. On ne déclare pas comme ça un ambassadeur persona non grata s’il n’a pas porté atteinte à votre pays. C’est peut-être pour des raisons idéologiques que cette décision avait été prise, en tenant uniquement compte de l’idée des droits de l’Homme. Mais qu’on applique déjà les droits de l’Homme chez nous avant de sanctionner, à ce titre, les autres pays.

Quant à la Libye, je peux vous dire qu’elle est un pays vital pour la Tunisie. Nous l’avons beaucoup aidée, pendant sa révolution. Il y en a qui disent que c’est, à cause de la Libye, que des armes ont été rentrées en Tunisie, illicitement. Mais ce sont, là, des paroles de pauvres diables ! Notre attitude par rapport à la Libye dans le cadre de l’aide que nous lui avons fournie a été stratégique et nous sommes, à coup sûr, pour quelque chose dans la réussite de son parcours. Sans nous, peut-être que la Libye aurait été encore en guerre. Mais en ce moment, les choses sont compliquées, il n’y a plus d’Etat en Libye, mais des groupements et des groupements armés ! On me reproche d’avoir permis que des armes parviennent en Libye, mais ce pays a, en matière d’armes, de quoi libérer l’Afrique.

Quoiqu’il en soit, nous ne devons pas nous immiscer dans les affaires libyennes, car cela nous amènerait à défendre une partie au détriment d’une autre. Nous pouvons ainsi nuire aux relations avec le seul pays constituant notre bouffée d’air sur le plan économique. Il y en a qui dénoncent la contrebande. Mais cela fait vivre la Tunisie. Même Ben Ali n’avait pas touché à ce « secteur ». Si, par une politique mal inspirée, nous nous mêlions des affaires libyennes, nous perdrons ce pays et nous y perdrons beaucoup. Des Libyens viennent me voir pour me demander de l’aide encore, je leur réponds toujours que je ne peux les aider que par ma non-ingérence. Dans le cadre d’un programme régional complet, la Tunisie ne serait pas absente évidemment.

Vous président, quelle sera la destination de votre première visite officielle à l'étranger ? (Pays arabe et pays occidental)


Je ne pense pas venir à la tête de l’Etat pour commencer par voyager. Je vais d’abord résoudre les problèmes que nous avons ici. Auparavant, d’autres nécessités imposaient pareils voyages, mais, pour la proche période à venir, on commencera par rester en Tunisie. Si des gens viennent nous voir, on leur rendra évidemment la visite. Quand j’étais premier ministre provisoire j’ai appliqué cette symbolique de la première visite. Mehdi Jomâa m’a demandé conseil, puis a fait la même chose que moi, en se rendant d’abord en Algérie. En parlant de Mehdi Jomâa, j’échange beaucoup avec lui et cet homme, je pense que s’il n’existait pas, il aurait fallu l’inventer. Il est arrivé dans des circonstances extrêmement difficiles. Je n’avais pas voté pour lui. Mais il est venu me voir et quand nous avions discuté, j’ai trouvé en lui un homme de bonne volonté. Pour le juger, on doit tenir compte des difficultés avec lesquelles il part et des limites qui lui sont imparties.

Si vous êtes élu président, voyez-vous Mehdi Jomâa dans votre équipe?

Je ne vois personne, je ne suis pas voyant et les qualités de visionnaires s’appliquent uniquement à la stratégie. La première personne que Mehdi Jomâa a rencontrée, c’était moi. Il est venu me voir à mon domicile, je l’avais conseillé et il a profité de mes conseils. Je l’ai toujours soutenu et je le soutiens encore. Beaucoup peuvent figurer dans mon équipe, parce que mon équipe est celle de la Tunisie. Car il n’y a pas d’équipe valable pour une durée indéterminée, je dirais que, dans l’équipe du moment nécessaire à la Tunisie, tout le monde peut figurer !

26 concurrents, quel regard portez-vous sur leurs "personnages", leurs idées et leurs candidatures?


Que Dieu soit avec eux tous ! Il y en a qui sont venus me voir dans le cadre de visites de courtoisie. Ils étaient venus m’informer de leur intention de se porter candidats. Je leur demandais les raisons d’un tel choix et ils me répondaient avoir une valeur ajoutée à ramener à la Tunisie. Je les ai donc encouragés à aller de l’avant. Il n’y en a pas un que j’ai dissuadé. Mustapha Kamel Nabli, Mondher Zenaïdi, Abderrahim Zouari, je les ai rencontrés et je les ai encouragés et, même après, je n’ai jamais demandé à un candidat de se désister, bien au contraire. Mais il y a, parmi les candidats à la présidentielle, ceux qui ne sont pas conscients des impératifs de la conjoncture actuelle.
Si c’est pour être président, tout le monde peut alors candidater. La présidence est une étape pour faire évoluer les choses. Pour arriver à cet objectif, il faut être conscient qu’on ne peut pas le faire tout seul et qu’il faut mobiliser le maximum de bonne volonté pour faire sortir la Tunisie de l’ornière dans laquelle elle se trouve. Je ne vais pas critiquer les autres candidats, surtout que nous sommes, désormais, des concurrents. Je laisse à chacun sa chance et j’estime que le peuple est suffisamment averti pour faire le bon choix. Il vaut mieux faire confiance à son peuple que de faire confiance à Madame Soleil !

On vous décrit déjà comme un président qui exercera une omnipotence écrasante. Une fois à Carthage quel type de président vous voyez-vous être?

L’omnipotence est le propre du parti unique. Moi, je me suis depuis longtemps détaché de l’idée du parti unique. Je vais faire l’impossible pour réunir tous les Tunisiens et offrir à chacun une ouverture pour qu’à travers ses potentialités, il œuvre pour son pays. Je ne m’en sortirai pas en étant un tyran. J’étais le meilleur en mathématiques, je sais calculer, Bourguiba, le pauvre, ne savait pas compter, mais moi je sais calculer ! C’est une idée « congénitale », il faut faire appel aux potentialités de chacun : chacun en a, il suffit de savoir les dénicher. Une personne autre que moi ne pourrait pas le faire, mais moi je pourrai. C’est peut-être à cause de mon âge, voire grâce à mon âge que j’y arriverai !

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