Ce sont des scènes de flagorneries comme on en a connu avant 2011 et qu’on pensait ne plus revivre. Tant pis pour nous, cela était sans compter sur le zèle poussé à l’extrême par les responsables locaux de Sousse. Heureux qu’ils étaient d’accueillir le président de la République, ils ont revisité l’art du cirage de pompes et se sont, disons-le, surpassés. Il faut dire qu’en matière de basses flatteries et autres courbettes, certains Tunisiens excellent. Et puis c’est dommage qu’un tel talent et un tel savoir-faire soient sacrifiés sur l’autel de cette satanée révolution et les valeurs de démocratie qu’elle a charrié. L’organisation de cette visite a nécessité des tonnes et des tonnes de farine, fallait bien que la pâte prenne du corps.
Les premières manifestations de « lèche-bottisme », on les a constatées à travers cette opération visant à repeindre tous les palmiers qui se trouvent sur le chemin du président. L’instigateur de cette initiative, motivé et déterminé à mener à bien sa mission, n’y est pas allé de main morte ; en plus des arbres, ce sont les voitures des riverains qui ont dû subir un relooking à coups d’éclaboussures de peinture blanche. Du grand art en somme. Mais ce n’est pas fini. Tous les carrefours, les rues, les petites ruelles et les établissements publics de la ville ont été parés de banderoles vantant les mérites et faisant les louanges de l’illustre visiteur. Que de bons souvenirs qui remontent à la surface, les nostalgiques y trouveront leur compte !
Il ne manquait plus que le tabbel et le zakkar et la troupe folklorique pour donner du cachet aux festivités. Toutefois, la mascarade a atteint des summums inespérés lorsque des élèves ont été emmenés sur place pour applaudir le passage du chef de l’Etat. Des enfants censés être en cours à l’heure de la visite. Ce n’était vraisemblablement pas de l’avis des directeurs d’écoles, déterminés eux aussi à participer à la parade.
Certains parents ayant déposé leur progéniture à l’école le matin, ont été fortement surpris de les voir passer en direct sur les chaînes télévisées, tous contents, en pleine rue, brandissant de jolis petits drapeaux et hurlant à tue-tête vive le président. Mais qui a eu la bonne idée d’interrompre les cours et d’embarquer des élèves dans ce cirque ? Des élèves réquisitionnés à des fins purement politiques, menés en troupeaux par leurs enseignants qui, au lieu de poursuivre les leçons, ont choisi d’en donner une autre dans l’art si prisé des courbettes.
« L’Etat garantit la neutralité des institutions éducatives de l’exploitation partisane », dispose l’article 16 de la meilleure constitution au monde, violée en toute impunité par le personnel éducatif et administratif de ces écoles. Le délégué régional de l’éducation en rajoutera une couche en affirmant que cette action est tout bonnement spontanée et n’était pas dans le programme. Ce sont les directeurs de trois établissements qui avaient demandé l’autorisation de libérer les enfants et de les emmener applaudir le cortège présidentiel, ça partait d’une bonne intention, bien évidemment. C’est aussi un pur hasard que des petits drapeaux se sont retrouvés comme par enchantement entre les mains des enfants. Tout cela exhale la spontanéité à ne pas s’y méprendre.
Qu’en est-il des parents qui avaient déposé leurs enfants en toute confiance ? Ont-ils été informés par la petite excursion ? Et si jamais un malheur était arrivé à l’un des gosses, qui en porterait la responsabilité ? Le directeur d’école, le délégué de l’éducation, le gouverneur de Sousse, le ministre de l’Education ou peut-être la présidence de la République ?
Tout ce folklore autour de la visite de Béji Caïd Essebsi a finalement desservi la finalité de son déplacement et a eu un impact négatif dans l’opinion publique. C’est que les vieilles habitudes ont la peau dure et il est difficile de s’en délester après seulement quelques années. Toute l’énergie dépensée par les responsables régionaux pour organiser ces festivités, n’aurait-elle pas mieux servi pour anticiper l’effondrement d’un immeuble et la mort de six personnes ? Mais à chacun ses priorités !
Commentaires (13)
CommenterVieilles habitudes, où êtes-vous?
Tout va bien en Tunisie
Quel bel article de Presse
Encore heureux
BINDIRI YA BINDIRI'!
Probablement, il lui faut des décennies pour espérer s'affranchir de ces vieux démons.
Tant que la mentalité du tunisien est toujours bien rouillée rien ne changera et toute la société continuera, de gré, à avancer à reculant.
Quel gâchis pour un pays qui a la chance d'être situé aux portes de l'Europe, ces vieilles démocraties qui nous épatent tant et que nous recopions à volonté hélas surtout en usant du superficiel et ce.
Le fait de choisir et d'élire aveuglement un vieillard, un vieux serviteur de la dictature, nous prouve que la maturité politique et la culture de la démocratie utile n'ont pas encore » virussé » positivement notre conscience individuelle et collective.
En réalité, le citoyen tunisien n'aime pas changer ses « bonnes habitudes » bien ancrées dans son conscient et héritées du temps de « SIDI' » notamment l'art de se courber l'échine à toute occasion.
Triste de on pays.
Les Tunisiens aiment ceux qui volent leurs libertés et dignité
Ils ont aussi
neutralité !
Les "villages Potemkine" de BCE
Vous avez compris, nos "Potemkine" ont fait la même chose pour BCE pour son voyage à Sousse et ce sera pareil pour chaque région visitée par notre président. Nous attendons le prochain "Village Potemkine" de BCE.
Usages ancestraux qui remontent dans la nuit des temps
souvenirs...
ça me rappelle un voyage de De Gaule dans je ne sais plus quelle colonie Française de l'époque ( parce qu'il faut savoir que la France a été un pays colonialiste, mais c'est une autre histoire)où les indigènes avaient été "conviés" assez énergiquement et pas toujours de leur plein gré, à applaudir et crier leur enthousiasme.
Ils avaient comme instruction de crier vive De Gaule à pleins poumons... et ils criaient "vive De Gaule à pleins poumons".
Rigolo non ? Si quelqu'un se rappelle où c'était, il est le bienvenu pour me rafraichir la mémoire. Je crois que c'était en Algérie, je ne saurais le jurer, mais ça n'a pas d'importance, c'est l'anecdote que je trouve amusante.