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Chroniques
Faut-il accroître l’investissement ou augmenter les salaires ?
05/07/2018 | 17:53
4 min

 

Par Houcine Ben Achour

 

Les résultats des différents examens et concours tiennent, en ce moment et non sans raison, le devant de l’actualité. Les performances scolaires de nos chérubins sont une préoccupation majeure dans la mesure où, demain, ils auront la lourde mais aussi exaltante responsabilité de la destinée du pays. Malheureusement, cette année 2018 est loin de devoir être inscrite en haut de l’échelle de la réussite. A preuve, les résultats du concours de fin du cycle de l’enseignement de base. Un peu moins de 1 400 élèves sur près de 25 000 inscrits ont réussi le concours de la neuvième année de l’enseignement de base.  Pourtant, le ministère de l’Education a réservé environ 3 150 places dans les différents lycées pilotes répartis dans le pays. Un taux de réussite qui dépasse à peine 5% des inscrits au concours mais, pire encore, car ce taux dépasse à peine 1% du total des élèves de neuvième au nombre de 125 000 environ. Tel est le nombre de notre primo-élite. Combien en restera-t-il  à la fin du cursus non pas seulement secondaire, mais supérieur ? Le fait d’imaginer une réponse donne déjà froid dans le dos. En tout cas, cela suffit amplement à décréter l’urgence absolue de réforme du système éducatif du pays et de réorienter les moyens mis à la disposition du secteur de l’éducation.

 

La réforme ne devrait pas se réduire à une refonte des contenus et des programmes mais englober la manière et les outils idoines pour les dispenser. Quant aux moyens, il suffit d’établir un parallèle entre l’évolution du budget des rémunérations et celle du budget d’investissement du ministère de l’Education pour être édifié. En effet, entre 2011 et 2017, le budget des rémunérations du personnel de l’éducation nationale est passé de 3 600 MD à 5 900 MD. Dans le même temps, le budget d’investissement de l’Etat dans l’éducation est passé de 455 MD en 2011 à … 310 MD environ en 2017, faisant chuter de plus de moitié un ratio déjà faible d’investissement par rapport aux rémunérations qui passe de 12,5% à un peu plus de 5%. N’est-il pas temps de corriger cette épouvantable distorsion ? N’est-il pas temps que les syndicats des enseignants de l’éducation nationale prennent conscience que si le niveau de nos élèves est aussi déliquescent c’est en grande partie en raison des choix qu’ils ont imposé : améliorer leur niveau de vie au dépend de l’amélioration des conditions d’études des écoliers et des collégiens de ce pays, augmenter leur salaires au dépens de l’amélioration des infrastructures éducationnelles du pays. De ce point de vue, ils sont disqualifiés pour dénoncer la dégradation des structures éducatives du pays.

 

Cette effroyable asymétrie entre budget des rémunérations et budget d’investissement n’est pas l’apanage du seul secteur de l’éducation nationale. L’enseignement supérieur n’est pas en reste. Le ratio investissement/salaires dans l’enseignement supérieur est passé de 17% en 2011 à 6% en 2017. En matière de santé publique, ce ratio est heureusement demeuré stable quoique très faible autour de 10%. Cela n’a pas empêché la fuite de nos cadres médicaux à l’étranger dont les répercussions se feront sentir dans un très proche avenir.

Plus généralement, le ratio investissements/rémunérations du budget général de l’Etat n’a cessé de se dégrader, perdant la moitié de sa valeur entre 2011 et 2017.

 

Cela étant, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’un nouveau round de négociations sur les salaires dans la fonction publique et même dans le secteur privé. Il est manifestement curieux que le gouvernement s’engage dans un tel processus alors que, à la lecture de l’état d’exécution du budget à fin mai 2018, il n’a aucune marge budgétaire susceptible de lui permettre de répondre positivement à toute augmentation de salaires dans la fonction publique. Le Conseil d’administration du FMI qui se réunit demain dans le cadre de la 3e revue du programme devant permettre le décaissement d’une nouvelle tranche du crédit élargi ne va pas occulter le sujet, pouvant  rappeler les autorités tunisiennes à ses propres obligations, inscrites dans le Mémorandum de politique économique et financière au sein duquel elles s’engagent à un gel des salaires dans l’administration et la fonction publique durant les années 2018 et 2019.   

 

Il est d’autant curieux que l’Utica, la centrale patronale historique, se soit elle aussi engagée dans un processus de négociations de même nature alors que les chefs d’entreprises ne cessent de plaindre des charges de plus en plus lourdes que subissent les entreprises ; charges fiscales, sociales et financières avec le récent relèvement du taux d’intérêt directeur de la Banque centrale. Certains mêmes allant jusqu’à menacer de tomber dans l’informalité.

 

Aujourd’hui, le choix est crucial entre augmenter les salaires ou accroître l’investissement. Entre sauvegarder le pouvoir d’achat ou ouvrir de nouvelles perspectives de création d’emploi. 

05/07/2018 | 17:53
4 min
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Commentaires (6)

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lechef
| 06-07-2018 08:41
honnêtement, Il est très intéressant de lire parfois des commentaires très développés et objectifs, des commentaires qui analysent une situation bien définie avec quelques solutions qui pourraient servir l'amélioration de notre situation, loin de tout ce qui est partisan.
En fait, ce qui est demandé.
De mon côté, ce ' système de gangrène de situation ' qui n'a cessé de corroder les citoyens par la cherté de la vie et qui est instauré depuis une vingtaine d'année par les gouvernements avant 2011 , a permis à la détérioration des conditions de vie du citoyen.
En réalité, les taux d' augmentations salariales n'ont jamais été égales à ceux d'inflation, d'où le dégringolade jusqu'à aujourd'hui pour nous trouver dans des conditions extrêmement difficiles.
La question posée : faut-il alors continuer l'adoption de ce système qui a montré ses limites avec des conséquences désastreuses ou faut-il le changer
Tout d'abord, un système qui n'a pas fait ses preuves devrait être arrêté de suite .
Etant de formation scientifique, je manipule convenablement les chiffres et j'ai fait part de ces remarques auprès de mes collaborateurs depuis belle lurettes . A l'époque, les gens ne prenaient pas au sérieux ce désastre puisqu'ils ne contemplent que le côté de l'augmentation salariale sans la comparer au taux d'inflation qui est déterminant pour faire le bilan.
Dans une étape ultérieure, je participerai avec mon point de vue sur quelques solutions- souvent difficiles pour un système défaillant qui a trop duré - qui pourraient.être adoptées.

Ali Baba au Rhum
| 06-07-2018 01:57
Investissement versus rémunération? il n' y a pas d'investissements publics pour la bonne raison que la majeure partie des revenus de l'Etat lui sert à s'acquitter de ses dettes; pour ce qui est du secteur privé il crée de la richesse , certes , mais pour les actionnaires , et généralement les bénéfices sont placés dans le marché spéculatif, qui est rentable ( bourse des valeurs ) sans générer de l'emploi. En fin de compte, il est faux de penser que la diminution ou le gel des salaires dans le secteur public accroisse automatiquement l'investissement qui créera la richesse. Cela dépendra toujours de la politique économique de l'Etat , qui en ce moment, n'encourage sûrement pas le crédit . Simplement en cette période de crise économique et de désinvestissement, l'augmentation des salaires ne peut génèrer que l'inflation.

DHEJ
| 05-07-2018 21:01
L'argent

khaloucha
| 05-07-2018 20:51
Mr Houcine Ben Achour en lisant votre article ;je viens de découvrir votre génie concernant la cause de la crise de l enseignement qui est le salaire des enseignants et pour vous aider dans votre raisonnement génial :je propose qu on ne paye plus les enseignants et comme ça on aura beaucoup d élèves génies comme vous!!!!

1/3i
| 05-07-2018 20:37
Je suis arrivé en Tunisie en 2000: le SMIC était à 125 euros.

aujourdui, avec la chute du dinars, il est toujours de 125 à 140 euros.

Les augmentations de salaires sont en moyenne de 6% par an, alors que l'inflation officielle est légèrement supérieurs chaque année.

Il est toujours intéressant de lire de la part de personnes qui gagent excessivement bien leur vie qu'augmenter les salaires n'est pas une urgence.

voyez vous, le 1er mai j'ai fait, comme toutes les années les augmentations annuelle de salaires entre 6% (pour les non méritants), à 12 % pour les meilleures (au féminin, les hommes ne voulant plus travailler, je n'ai plus d'hommes à l'usine)

TATA
| 05-07-2018 18:47
Vous écrivez:"Il est d'autant curieux que l'Utica, la centrale patronale historique, se soit elle aussi engagée dans un processus de négociations de même nature alors que les chefs d'entreprises ne cessent de plaindre des charges de plus en plus lourdes que subissent les entreprises ; charges fiscales, sociales et financières avec le récent relèvement du taux d'intérêt directeur de la Banque centrale. Certains mêmes allant jusqu'à menacer de tomber dans l'informalité."

==>
Je vous rappelle qu'il y a aussi des entreprises tunisiennes qui font d'énormes bénéfices et qui refusent d'accorder le 1/10000 de leur gain à leur salariés. Oui, nos entreprises nous parlent souvent de distributions de dividendes mais elles ne récompensent/motivent jamais les salariés par des primes de partage des profits!


Je m'explique:
au lieu de distribuer un dividende de 0,920 dinars par action, on pourrait distribuer un dividende de seulement 0.9 dinar afin de pouvoir accorder ainsi une prime de partage des profits à l'intention des salariés et ceci sans parler d'augmentation salariale! Il est temps de récompenser/motiver les salariés tunisiens par des primes de partage des profits si les augmentations salariales ne sont pas possibles pour le moment!

Je donne des exemples de quelques entreprises allemandes qui appliquent le dispositif de la prime de partage des profits:

BMW verse une prime à ses salariés de 7630 euros
https://www.francetvinfo.fr/economie/automobile/crise-automobile/video-bmw-verse-une-prime-a-ses-salaries-apres-d-excellents-resultats_282953.html


Daimler verse une prime à ses salariés de 5400 euros
https://fr.motor1.com/news/135235/employes-daimler-recompenses/


Porsche verse une prime de 9.111 euros à ses salariés
https://www.lesechos.fr/23/03/2017/lesechos.fr/0211903649206_porsche-verse-une-prime-de----9-111-euros-a-ses-salaries.htm


Je résume: Si les augmentations salariales sont impossibles pour le moment, il faut du moins accorder des primes de partage des profits!

Très Cordialement