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Vous n'aurez plus de secret « bancaire » pour le fisc !
04/11/2016 | 19:58
6 min
Vous n'aurez plus de secret « bancaire » pour le fisc !

 

Le projet de la Loi de finances 2017 n’a pas fini de susciter la polémique. Certains diront d’ailleurs que c’est la preuve ultime de sa pertinence ; une loi qui dérange, qui fait pression, pourrait être perçue comme efficace, réformatrice et annonciatrice d’un changement tant attendu.

Oui, le projet de la LF 2017 veut bousculer les codes et en finir avec la corruption, c’est du moins le leitmotiv affiché par gouvernement de Youssef Chahed. Toutefois, les polémiques qu’il suscite semblent inextricables, tant les arguments avancés par ceux qui le soutiennent sont aussi recevables que ceux clamés par ses détracteurs.

 

Nous avons dans de nombreux articles traité de plusieurs points épineux relatifs à ce projet de loi, et notamment ceux se rapportant aux nouvelles mesures fiscales concernant les professions libérales et plus particulièrement les avocats et les médecins. Dans ce papier nous allons dresser un bilan de la situation pour ce qui est d’un autre sujet de discorde, à savoir la levée du secret bancaire.

 

Le secret bancaire, voici un secret que tout un chacun se veut de garder précieusement. Livrer, volontairement ou pas, ce que l’on possède sur son compte est souvent vécu comme une mise à nu, une violation presque intime et de ce fait « illégale ».

C’est d’ailleurs pour cela, que la levée du secret bancaire, votée par l’ARP en 2015, en vertu de la Loi de finances complémentaire 2014, a été conditionnée par le recours à la justice.

C’est ce recours que le gouvernement tente de supprimer dans le projet de Loi de finances 2017, conférant ainsi le plein pouvoir aux agents du fisc pour lever le secret bancaire, sur la base de soupçons et d’une simple demande écrite. 

Une tentative qui a fortement déplu, notamment à la centrale patronale, qui estime que cette mesure, si toutefois elle vise à lutter contre l’évasion fiscale et la corruption, n’offre aucune garantie aux hommes d’affaires pour préserver leurs intérêts.

 

Un signe de faiblesse de l’Etat

 

Dans une note publiée hier, l’UTICA a estimé que le retour du « spectre » de la fin du secret bancaire, sans garantie, est un signe de faiblesse de l’Etat.  

« Les dispositions votées il ya deux ans, après moult négociations avec l’administration fiscale, constituaient un équilibre, difficilement atteint entre les différents points de vue, par l’introduction du recours au juge. Aujourd’hui, la nouvelle proposition de l’Administration, est de supprimer le passage par le juge et conférerait  aux services fiscaux, seuls et à eux seuls, le pouvoir  d’exiger dans les 10 jours la levée du secret bancaire de n’importe quel contribuable, le prétexte étant que la Tunisie a signé des conventions internationales. Soit. Si ces conventions sont en contradictions avec notre législation, il est possible de donner dans ce cas, dérogation et de passer par le juge en procédure d’urgence, ou de prévoir cette exception, en se fondant sur la demande de la partie étrangère, sans chercher prétexte à généralisation » a souligné la centrale patronale. Et d’ajouter que « si tous ces éléments ne sont pas pris en compte, ils sont susceptibles d’accroitre les sources  de dérives corruptrices. C’est sans doute par là qu’il convient de commencer avant de penser à réformer pour initier le retour de la confiance, et permettre la libération du formidable potentiel que recèle l’initiative privée et l’entreprenariat ».

 

Une porte ouverte à plusieurs formes de corruption…

 

Un point de vue partagé par le président du bloc parlementaire d’Ennahdha, Noureddine Bhiri qui a affirmé qu’il est, lui-même, pour la levée du secret bancaire sous condition qu’elle soit exécutée suite à une décision judiciaire. « Plusieurs députés et organisations nationales sont favorables à la levée du secret bancaire. Cependant, certains revendiquent une décision judiciaire préalable, d’autres une simple demande administrative », a-t-il expliqué lors de son passage à l’émission Houna Alaan diffusée sur Attessia Tv.

Et d’ajouter, que la levée du secret bancaire sans ordre judiciaire peut laisser la porte ouverte à plusieurs formes de corruption, notamment au niveau de l’administration, outre les possibilités de chantage pour diverses raisons, idéologiques ou politiques.

 

Verser dans la dictature fiscale !

 

Le dirigeant à Nidaa Tounes, Ridha Belhaj, est lui aussi, revenu sur la question dans un post publié sur les réseaux sociaux.

« Il faut rappeler que le secret bancaire est un droit qui ne doit être levé que dans le cadre de la justice. Ainsi le secret bancaire a été relativement levé depuis la parution du code fiscal en 2002 qui stipulait que l’administration pouvait avoir accès aux numéros de comptes, sans leur contenu, ouverts par tout contribuable. Cela donnait la possibilité d’obtenir le droit d’accéder au contenu du compte en confrontant l’assujetti à l’impôt au numéro de compte » a expliqué M. Belhaj.

« La levée du secret bancaire a donc été soumise a des conditions qui confèrent à l’administration le droit d’accéder aux comptes et aux contribuables la garantie que ce droit ne se transforme pas en abus. Il convient de noter que la Loi de finances 2016 a élargi le champ d'application du droit d’accès aux comptes ouverts auprès d'institutions financières et l’a soumis à une autorisation judiciaire préalable » a-t-il ajouté.  

« Le projet de Loi de finances 2017, dans ses articles 36 et 37 confère à l’administration des prérogatives illimitées pour accéder aux comptes ouverts dans toutes les institutions financières, sans conditions. Ceci est une violation manifeste des droits du contribuable, garantis par l’article 10 de la constitution. Le pouvoir exécutif ne peut pas justifier la lutte contre l’évasion fiscale pour acquérir des moyens de contrôle extraordinaires et inconstitutionnels et verser dans la dictature fiscale » a estimé le dirigeant de Nidaa Tounes.   

 

 

Des propos qui peuvent sembler pleins de sens, certes, mais auxquels les pros-Loi de finances 2017 répondent que si les droits accordés aux contribuables étaient garantis par une décision de justice, cela n’était en aucun cas, garant des droits de l’administration qui pouvait se heurter à des procédures administratives longues et compliquées. Aussi, ils clament que si l’administration a le doit, sous conditions, d’avoir accès aux comptes des contribuables, rien ne va réellement changer ou du moins déranger ceux qui n’ont rien à se reprocher.

La lutte contre la corruption devra irrévocablement passer par la levée du secret bancaire, estiment les défenseurs du projet de Loi de finances 2017, quitte à ce qu’il y ait une aggravation du problème de liquidités que rencontrent les banques tunisiennes et une fuite vers les transactions en cash. Au moins, cela catalysera le phénomène et dressera les bases d’une réforme de fond où il ne sera plus question de demi-mesures qui servent, en fin de compte, les intérêts des fraudeurs.

 

Un débat qui rappelle ceux liés aux droits de l’Homme et à la torture dans un contexte de lutte contre le terrorisme par exemple. Peut-on torturer un terroriste pour en extirper des informations quitte à violer ses droits les plus élémentaires ? La formule peut paraitre alléchante mais non moins répréhensible. Tel est le cas pour la levée du secret bancaire, car oui, cela va sans doute permettre de lutter plus efficacement contre la fraude, mais peut-on néanmoins en arriver à violer les droits les plus élémentaires des contribuables ? Telle est toute la question…  

 


Myriam Ben Zineb

04/11/2016 | 19:58
6 min
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Commentaires (15)

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Aymen
| 07-11-2016 22:20
@Benje Oui ma femme experte comptable a son propre compte bancaire et le gère toute seule comme une grande! et je ne suis pas du genre curieux, il y a le respect entre nous et élève très bien notre fille malgré son boulot
Revenons au secret bancaire, c'est un droit! si on dérobe les comptes avec le chantage et l'infiltration très facile des agents bancaire ça va devenir la cata!

@ceux que disent que la loi oblige à payer en chèque pour toute somme supérieur à 2000DT et croient que cette loi est efficace: c'est facile de diviser une facture de 7000DT en trois BL/Facture donc c'est contournable et ça n'encourage pas la transparence!

Justement, nos politiciens et leurs conseillères non pas d'expérience technique et du champs, pour cela ils ne savent pas la psychologie des gérants et chefs d'entreprise en Tunisie. Le gérant en tunisie, même en faisant tout sur les règles, il doit rester toujours vigilant et méfiant de voir un agent fiscale ou du ministre de commerce lui sort une histoire de nulle part! et des fois il faut s'aligner avec eux sur un pourboire sinon vont t'emmerder avec des invitations qui te lui perd des journées de boulot pour rien! en recalant les rdv chaque fois sous prétexte qu'ils sont sur d'autres dossiers plus graves.
C'est cette peur qui décourage l'investissement dans un pays instable avec des politiciens des fois autoritaires d'autre hasardeux et des fois très négligente...

il faut laisser les chefs d'entreprises travailler en sérénité et confiance dans une ambiance donnant/donnant, et pour les nulles en économies d'États, Que les Etats qui se respecte et non gouvernés par des socialistes savent et suivent de près des niches fiscaux sans réagir et avec un laisser faire pour encourager la création d'emploi car c'est la seule méthode pour relancer une économie en crise et réduire les déficits de l'état, une fois la crise passe l'état recommence à tracter ces niches avec intelligence et diplomatie pour ne pas replonger le pays dans une nouvelle crise de chômage et déficits...

Seuls les chefs d'entreprises et l'industrie locale qui peuvent sauver un pays en crise économique, si l'état fait la guerre fiscale c'est tout un pays qui sera plonger dans une crise sans fin!

zohra
| 05-11-2016 21:49
Bonjour,

C'est terrible de telle mentalité, vous cachez tout à votre femme ? bon ça fait parti de votre vie privée.

C'est une excellente loi pour nuir à la corruption
Vous savez en France par exemple tout est clair est net sur le relevé des comptes, le banquier connaît tout sur la vie de ses clients.
Vous savez les conseillers que je déteste, bientôt ils vont commander nos vies. Ils se mêlent de tout.

Salutations

Benje
| 05-11-2016 18:06
@banquesAymen
Vous êtes speciale monsieur car il y a solidarité bancaire entre époux sans oublier la franchise et le respect !
Mais si votre épouse a des revenus et un compte bancaire accepteriez vous qu'elle refuse l'accès !
Sans doute que non . Qu'elle mentalité machiste !
Il ne faut pas confondre l'intérêt du fisc pour les comptes ce n'est pas le montant qu'il y a dessus mais le mouvement d'argent notamment les revenus camouflés. Non la levée du secret bancaire n'engendrera pas l'utilisation massive de l'argent liquide car le payement en chèque edt obligatoire au dessus d'une somme de 2000 dinars
Enfin il faut distinguer entre le compte personnel et le compte de son entreprise qui est le plus concerné par le contrôle fiscal

Mehdi
| 05-11-2016 17:24
L'état tunisien est sur une pente , pour payer ses deficits et ses milliers de fonctionnaires il s'en prend maitenant aux épargnants locaux les risques sont énormes arret de l'economie bancarisé fuite ver l'informel, paiement en liquide, alors k c le contraire du but recherché
Il faudrait plutôt donner confiance , amnistier pour effacer le passé et puis écrire les nouveaux chapitres .

DHEJ
| 05-11-2016 16:54
Ce ne sont pas des smigards qui la dirigent! Elle est source du Commerce du sous Développement Économique!

Aymen
| 05-11-2016 15:29
Personnellement je ne veux pas que ma femme sache combien j'ai dans mon compte, combien je dépense, combien je gagne... alors pour quelqu'un de l'administration fiscale ça va me dérober!
Mon compte au banque c'est comme mon coffre à la maison en payant à la banque des frais... donc même l'état n'a pas droit de savoir ce que j'ai dans mon coffre sans mon autorisation!
cette loi va inciter les gens à ne pas mettre du cash dans leurs comptes et réduire l'utilisation des chèques et transferts bancaire. de ce fait, les banques seront en manque de liquidité et seront obligés de s'emprunter encore du banque centrale (le taux du TMM va augmenter, donc les simples citoyens seront aussi infectés par cette loi)
cette loi aura des effets très négatives sur l'économie du pays!

Il faut explique à nos chers politiciens que semer la peur au chefs d'entreprise (secret bancaire, police fiscale,...) n'encouragera pas les gens à s'investir et créer l'emploi. Quand l'état me fait la guerre de partout pour je dois me casser la tête à batir d'autres usines, le plus simple c'est d'aller acheter quelques appartements et prendre les loyers en espece chaque fin de mois et je suis tranquille!

Les touristes ont désertés la tunisie par peur sur leurs vies, les chefs d'entreprises feront du même et vont déserter l'économie par peur sur leurs économies.(sans parler des investisseurs étrangers!)
Il faut instaurer une atmosphère de confiance qui encourage l'investissement et la création d'entreprise pour espérer redresser la barre.
Cette loi de finance elle pourrait remplir un peu les poches de l'état pour l'année 2017 mais ses effets destructives sur l'économie du pays seront catastrophique et à ressentir pour une dizaine d'année!
Je suis du milieu, et ces deux mois les chefs d'entreprises ne parlent que de cette loi de finance et on parle plus d'opportunité des projets ni comment se développer... juste parler de la prudence et tout monde a peur de la matraque fiscale abusive!

TBS
| 05-11-2016 12:59
Pour une fois que la Tunisie emet une loi fiscla qui nous rapproche un peu d'une egalite devant le fisc, on voit (encore une fois fois) des manoeuvres de toutes parts pour y echapper et continuer (avocats, professions liberales, hommes d'affaires ...). J'espere que la societe civile saura cette fois ci se mobiliser pour defendre ce principe de justice fiscale et suivre l'exemple d'autres pays. On est tellement loin de ce principe et la corruption est a un tel point que tergiverser encore continuera a rendre impossible le redressement du pays.

Kays
| 05-11-2016 12:57
Faute comme souvent avec smartphone "premier temps" et non "tant"

Insan
| 05-11-2016 12:18
La phrase suivante de l'article est le nerf de la guerre.
"Une tentative qui a fortement déplu, notamment à la centrale patronale, qui estime que cette mesure, si toutefois elle vise à lutter contre l'évasion fiscale et la corruption, n'offre aucune garantie aux hommes d'affaires pour préserver leurs intérêts."

L'UTICA défendra toujours et son rôle le droit aux patrons de faire évader leur argent sans que personne ne tilte. Si les patrons n'ont rien à se reprocher, pourquoi sont-ils contre la levée du secret bancaire sans passage par la justice. Ils prétendent (avec Lebhiri de En nahdha la propre) que cela va générer d'autres firmes de corruption, ce qui veut dire que l'on achètera les inspecteurs du fisc contre leur silence. Ceci est un argument de foutaise parce que l'on peut aussi acheter les juges. La solution est de mettre en place un haut comité contre la corruption avec un composition de gens compétents et irreprochables. Je ne sais pas si le giuvernements a ou non un projet dans ce sens!

Kays
| 05-11-2016 11:58
Alors que des milliards circulent dans le secteur informel et que les banques ont cruellement besoin de liquidités pour financer la reprise économique ce type de loi affaiblira encore plus les banques qui susciteront encore plus la méfiance du citoyen. Non il faut des mesures pour inciter les citoyens à mettre leur argent en banque dans un premier tant. La moralité oui mais l'efficacité et la stratégie tout d'abord. En revanche le recouvrement fiscal doit être repensé ainsi que le système fiscal dans sa totalité afin d'être plus lisible et simplifié. L'impôt doit être allégé mais payé par tous plutôt que lourd et payé par personne.