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Chroniques
Le mégot de trop
Par Inès Oueslati
07/04/2015 | 15:59
5 min
Le mégot de trop

 

Suivant l’exemple de notre chef du gouvernement, j’ai décidé de ne pas me soucier des soubresauts diplomatiques, d’oublier la tournure mercantile que prend l’enseignement en Tunisie, de ne pas tenir compte de la visite de BCE à Paris, de ne pas remarquer et faire remarquer que c’est le secrétaire d'Etat aux affaires européennes qui l’a accueilli: J’ai décidé de me concentrer sur un détail. Parce qu’il faut un point de départ à toute réflexion bien ordonnée, celle-ci commencera par une anecdote qui n’est pas passée inaperçue. C’est le chef du gouvernement qui arrive à l’aéroport de Monastir et qui, entouré de plusieurs personnes l’accompagnant dans sa visite à la région du Sahel, fond en argumentaires, en jeux de main et en invectives. Le détail n’est pas de taille et pour cause, un mégot de cigarette par terre et c’est la colère de notre chef du gouvernement qui se déchaîne.

 

Beaucoup ont vu, dans cet épisode pour le moins insolite, une certaine exagération. « Il faut un minimum de confort pour pratiquer la vertu», écrivait Saint Thomas d’Aquin et rappelait BCE, ce matin même à Paris. Doit-on occulter les détails ou ne doit-on voir qu’eux ? Habib Essid semble ne pas avoir réfléchi longtemps avant de réagir et a l’air de privilégier la politique du détail à celle globale ne considérant que l’ensemble de nos malaises et les abordant comme un fait tant ils paraissent insurmontables. Des mois après son accession à un des plus importants postes de décision, M.Essid n’a toujours pas convaincu tous les Tunisiens de son rendement, de sa démarche, de sa position. Notre chef du gouvernement serait donc un perfectionniste, mais un perfectionniste perfectible.

 

Le mégot aperçu sur le sol à l’aéroport, est-il le seul « signe visible » de saleté que M. Essid a vu dans cette Tunisie qui suffoque ? Nos rues sont jalonnées de tas d’ordure dont les tailles diffèrent mais dont le rendu reste similaire : la propreté en Tunisie est mise à mal. Nous ne sommes pas les seuls à le remarquer. Le peu de touristes qui croient encore en la Tunisie, par amour ou par économie, le constatent également.

 

Dans nos rues, par temps de vent, c’est le bal aérien des sacs en plastique qui nous accompagne au quotidien. En temps de chaleur, ce sont les effluves nauséabonds qui effleurent notre mémoire collective dans laquelle Tunisie rimait avec jasmin. Adieu clichés, de toutes les façons, le jasmin, depuis qu’on l’a juxtaposé aux révoltions, a perdu de son parfum. Et pourquoi la voudrait-on encore verte cette Tunisie ? Cette expression désuète n’a plus lieu d’être. Verte, la couleur de notre colère à la vue de ce que le pays devient.

 

Etait-ce important de se soucier des rues, des fleurs, des poubelles alors que le pays était touché par un autre mal ? C’était un détail que les adeptes de la politique globale ne regardaient point. Que nos mers soient polluées et que nous courions un risque sanitaire à nous rendre à certaines plages, est un fait d’une importance mineure. Nos responsables sont pris ailleurs, alors cessons nos lamentations et concentrons-nous sur l’essentiel.

 

L’essentiel est de continuer à respirer alors, que l’air soit frais ou pas, c’est un luxe. Mais parce qu’il faut bien un début à tout, la réaction au sujet d’un mégot jeté à même le sol n’est pas du luxe pour celui que la misère guette. Une campagne de propreté a été lancée cette semaine, peu de temps après la fin d’une autre, aussi inefficace que ponctuelle. Cet intérêt pour la propreté occasionnelle, cette propreté qu’on célèbre comme un événement national a débuté hier par l’anecdote de Habib Essid. Cela se poursuivra pendant quelques jours, jusqu’à ce que la conscience politique et celle citoyenne s’engourdissent de nouveau.

 

Le détail d’hier nous a bien interpellés. On aurait bien crié à l’adresse de M.Essid, s’il avait les oreilles découvertes pour nous écouter, que nos rues sont sales et que le plus grave, c’est que nos enfants ne le voient plus, car l’habitude anesthésie leur regard. Nous aurions bien hurlé que nos arbres défeuillés sont ornés de sacs en plastique, que nos rues, tous quartiers confondus, sont assaillies par des hordes de chiens errants, qu’elles sont plongées dans le noir dès que la nuit tombe car l’électricité publique est coupée dans de nombreux quartiers de la capitale et des provinces. Nous aurions bien crié qu’on nous faisait manger de la viande d’âne, qu’on nous gavait de produits chimiques en tous genres sans qu’un contrôle sérieux ne se fasse, sans qu’une législation déterminée ne soit mise en place et ne soit appliquée auprès des industriels des produits alimentaires, des éleveurs de poulets et de poissons et des agriculteurs.

 

De toutes les façons cela n’est plus un détail car tout se pollue ici, même l’esprit. Un œil jeté sur les lectures proposées aux enfants tunisiens sans qu’aucun contrôle ne soit proposé suffira pour attirer l’attention sur ces détails. Il avait bien raison M.Essid de se mettre en colère. En colère, nous le sommes tous les jours et c’est le jour où nous cesserons de l’être que nous aurons compris, avec un retard fatidique, ce qu’est « un détail qui tue ».

 

Nous nous accrocherons donc comme M.Essid aux détails, ceux qui pourraient nous faire revivre dans un pays digne d’accueillir des étrangers, touristes et investisseurs, et de refléter véritablement la nature de ce que nous sommes. Cette importance accordée aux détails de la part d’un dirigeant fera peut-être qu’aux yeux de responsables départementaux, locaux, municipaux, les détails soient perçus autrement. Le prisme de la sanction sera utile s’il est le seul moyen d’éveiller ou de faire naître des consciences à ceux qui n’en ont plus, ils n’en seraient que plus sensibles aux détails !

Par Inès Oueslati
07/04/2015 | 15:59
5 min
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Commentaires (32) Commenter
mauvaise volonte
sof
| 14-04-2015 15:32
le probleme de la salete provient d une education d une habitude c est un heritage de generation et d insouciance des gouvernements depuis l independance
l egoisme des gens est le socle de ce paysage desolant frappnt a chaque entree au pays
si on exclut les institutions qui embauche des femmes de menages en tunisie y a que deux endroits ou ca peut reser propre apr une volonte (les proprietes personnelles par ses habitants ) et les mosquees par les pratriquants respectueux ...
rien à voir
pit
| 14-04-2015 14:05
quelqu'un pourrait m'indiquer s'il existe un organisme ou un endroit qui récupère les piles usagées. Avant cela existait dans les Monoprix ... mais comme les espaces non fumeurs, ça a disparu après la "révolution" !
Humour
Moncef BEN HASSINE
| 13-04-2015 00:50
Ne pas publier, merci.

C'est juste pour dire toutes mes excuses pour les tonalités humoristiques précédemment utilisées. La réaction de Madame YAHIAOUI me servira de leçon. Je ne saurais plus me le permettre. Juste vous demander d'accepter mes excuses.

Moncef BEN HASSINE
zid el maa zid ed9i9...
j.trad
| 10-04-2015 10:20
c'est bon pour faire des crêpes ,pas khoubz tabouna ,bref:le Mégot de cigarette ,c'est une allusion à la corruption morale ,pas un problème de saleté ,certains savent que les femmes dites démocrates ,s'affichaient par des cigarettes pour protester contre la ségrégation (hommes supérieurs aux femmes) dans le contexte d'aujourd'hui c'est plutôt allusion au protestation contre nature :l'homo-sexualité),le mégot de cigarette est plein d'astuces ,il émet plusieurs message,il arrivmême à stimuler des colères !!!oui un mégot n'est pas une bien petite chose,il n'est pas aussi insignifiant,un mégot est un habile agitateur dans une Corrida !
Zid el maa zid edda9i9 ...
j.trad
| 10-04-2015 09:22
drôle
Errata
Dr. Jamel Tazarki
| 10-04-2015 07:54
Il faut qu'elle soit

S'il n'y avait qu'un seul chien

où les gens
qui se reconnait:

J'insiste que si 20% des Suisses ou des Allemands refusent de ramasser les déjections canines de leurs chiens, ceci n'est pas suffisant afin de conclure que tous les Suisses ou tous les Allemands sont sales.

Dr. Jamel Tazarki


http://www.go4tunisia.de/PDF/Pronostics_excerpt.pdf

http://www.go4tunisia.de/PDF/intelligence_artificielle.pdf

Pour Mouna:
https://www.youtube.com/watch?v=Onr5nfXIQ-w&list=RDnUE80DTNxK4&index=15
@je dis la vérité
Dr. Jamel Tazarki
| 09-04-2015 21:56
Très Cher Compatriote,
Pour montrer qu'une propriété n'est pas vraie, il suffit de trouver un contre-exemple pour lequel la propriété n'est pas vraie. Par exemple pour montrer que les grandes villes tunisiennes ne sont pas toutes sales il suffit de trouver un contre-exemple qui est celui du PORT EL KANTAOUI ou de Sidi Bousaid.


Par contre pour démontrer qu'une propriété est vraie, il ne suffit pas de trouver un ou plusieurs exemples pour lesquels la propriété est vraie. Elle faut qu'elle soit toujours vraie'


Vous écrivez ci-dessous : "Le monsieur, [..], ouvre la portière de sa voiture, vide tranquillement et avec soin, le cendrier plein de mégots, sur la chaussée, ['] Si cela s'était produit en Suisse, cet incident aurait fait le tour du pays. C'est scandaleux..."

Votre exemple ne dit rien sur les Tunisiens s'ils sont propres ou sales. C'est seulement un contre-exemple pour dire qu'il existe certains tunisiens qui ne sont pas propres.

20% des Suisses refusent de ramasser les déjections canines de leurs chiens (les excréments). En Suisse, qui n'a jamais éclaté de devoir nettoyer ses chaussures avant de rentrer chez lui car il a marché sur une crotte de chien? Qui n'a pas grogné d'être rentré dans sa voiture et d'avoir mis des restes de crottes de chien sur le tapis ? Franchement, je préfère les mégots et les sacs en plastiques de nos villes tunisiennes que les mauvaises odeurs persistantes des crottes de chiens.

Que je sois bien clair, Je ne suis pas contre les chiens, mais je suis contre l'acte incivique de laisser les crottes de chiens dans des endroits inappropriés. S'il n'y aurait qu'un seul chien dans une grande ville allemande, personne ne remarquerait le problème'. mais il y a des millions de chiens.

A côté de chez moi en Allemagne il y a un grand parc ou les gens n'osent plus se mettre en maillot de bain au soleil de peur de s'allonger sur une crotte de chien. Une ville comme Paris doit gérer 17 tonnes de déjections par jour. La capitale Allemande Berlin gère 15 tonnes de déjections par jour'

Pour moi, c'est fini les picnics sur les espaces verts'

J'étais récemment à Madrid afin de donner un séminaire de trois jours de pronostics statistiques (stochastic demand forecast and inventory management in a supply chain system). J'étais dans un hôtel au beau milieu de La vieille (ancienne) ville. Ce qui m'a surpris le plus est l'absence des poubelles dans les petites ruelles de l'ancienne ville. Les matins (en particulier les weekends), les rues du centre de Madrid sont des vraies poubelles (géantes). Mais quotidiennement et de bonne heure, il y a des camions de jet d'eau et d'aspiration des saletés qui aspirent et nettoient la ville en au maximum deux heures de temps. Il s'agit d'un matériel d'aspiration très puissant, monté sur un châssis de camion permettant d'aspirer tous les déchets. Cependant il ne peut (heureusement) aspirer que des matériaux non liés. C'est pareil en Allemagne, Il faut aller voir le centre des villes allemandes après le jour de l'an ou les festivals de rue. C'est même encore plus pire qu'en Tunisie. Seulement, les Allemands ont les moyens et le matériel indispensable afin de nettoyer leurs villes en quelques heures!

Il faut arrêter de discriminer les Tunisiens. Il faut arrêter de vouloir changer les Tunisiens. Il faut arrêter de vouloir nous formater. Il faut plutôt apprendre à tirer parti et profit de ce que nous sommes, sans nous entrainer dans une lutte inutile avec nous-même. Il faut savoir apprécier ce que nous avons et ce que l'on est. Les saletés dans nos villes et villages sont la conséquence du manque de moyens afin de se procurer le matériel indispensable pour leur nettoyage.

Tunisiens, restez comme vous-êtes! Je vous trouve extraordinaire!

Cordialement
Jamel

Pour Mouna qui se connait:
https://www.youtube.com/watch?v=ShXOewHjB_o
Incapacité
TunObserver
| 09-04-2015 12:20
Lorsqu'on est incapable de résoudre les problèmes essentiels on s'applique à faire du cinéma , pauvre Tunisie , la bonne personne n'est pas encore en place pour sauver notre pays .
@je dis la vérité| 08-04-2015 14:46
Zarbout
| 08-04-2015 15:16
Ca se voit que vous venez de passer vos vacances à Sylt, Mr. Propre!
Un jour, j'avais écrit.....
je dis la vérité
| 08-04-2015 14:46
La révolution bouazizienne, a gratifié le peuple tunisien de très beaux cadeaux, à savoir, la saleté, le terrorisme et la misère sociale.

Pour cette fois-ci, je n'évoquerai que le problème insoluble de la saleté, qui a fait le tour du monde.

A la fin des années cinquante et pendant les années soixante, le régime de Bourguiba avait mis les bouchées doubles, pour combattre l'insalubrité et les maladies infectieuses.L'hygiène publique était une priorité des priorités. Bourguiba, le "combattant suprême", voulait que cette nation sorte de l'arriération. On distribuait des vêtements, des vivres et du savon dans les villages les plus reculés. La population comptait à l'époque trois millions et demi d'habitants.

La population plus urbanisée, sous Ben Ali, a acquis quelques bons réflexes. Ne plus jeter des ordures partout. Les ramassages d'ordures ménagères par les services municipaux étaient réguliers. Nos rues étaient à peu près propres. Les abords des hôtels touristiques assez bien entretenus. Nous autres, citoyens, nous considérions que c'était encore insuffisant. Les pouvoirs publics étaient soucieux de l'hygiène publique. Des campagnes publicitaires, sous forme de spots télévisuels, étaient actives.
Avec l'arrivée du soulèvement "bouazizien", les choses ont complètement changé. Les urbains, incrédules, ont fait connaissance, pendant le printemps de 2011, avec la grève spectaculaire des éboueurs.

Les chats de gouttière et les chiens de rue, n'en revenaient pas..... C'était une aubaine céleste pour ces animaux affamés. Les chats se servaient, sous les murs des meilleurs restaurants de Tunis. Une odeur pestilentielle se dégageait jour et nuit. Pour les passants, c'était une malédiction, cette révolution. Jamais, Tunis, depuis la nuit des temps n'avait connu cet énorme amoncellement d'ordures. Du jamais vu......

Aux abords des autoroutes, le spectacle était hideux : Gravats, boîtes de conserve de toutes sortes, sachets bien ficelés et éventrés par chiens et chats. Dégueulasse......Des cas de choléra, avaient été signalés çà et là, suivis de démentis des autorités sanitaires. L'hygiène publique était sur la balance......

Revenons aux ordures :
Le problème relève de l'enlèvement à temps des ordures et de la bonne éducation des citoyens. La ponctualité et le sérieux dans le travail, ce n'est pas dans le mental de beaucoup de nos compatriotes.

Mieux....Je vous raconte quelques anecdotes sur les incivilités de nos bons citoyens:

-A l'époque où il y avait un feu rouge au niveau du carrefour Soukra-Ariana, une voiture est à l'arrêt du feu rouge, juste devant la mienne. Le monsieur, certainement un cadre, ouvre la portière de sa voiture, vide tranquillement et avec soin, le cendrier plein de mégots, sur la chaussée, devant le regards médusé de tout le monde, ferme la portière et attend son tour pour redémarrer....

Si cela s'était produit en Suisse, cet incident aurait fait le tour du pays. C'est scandaleux...

Mieux :
-A la gare Centrale des chemins de fer de Tunis, un Monsieur cravaté, sort son paquet de cigarettes Marlboro. C'était par hasard, la dernière cigarette. Simple, pourquoi garder le paquet? Il y avait pourtant, une corbeille à papiers pas loin.
Non.....Le gentil Monsieur, jette distraitement le paquet très loin. Sans souci, et le comble, c'est qu'il y avait une femme de ménage qui venait juste de balayer l'endroit ou le petit emballage a attéri.
Personne n'a bronché, même pas la femme de ménage. C'est de l'éducation çà?

La responsabilité incombe aux parents, en premier et un tout petit peu aussi aux enseignants du primaire et du secondaire.
Je préfère m'arrêter ici, parce que le sujet est vaste.....
.....Les touristes venant de contrées éloignées, cherchent contact avec notre soleil et nos plages.....Ils se détournent de la population sur laquelle ils ont des empressions qu'ils gardent pour eux....

Ne vous affolez pas, chers compatriotes.Ce n'est qu'un amer constat.

La saleté, était le premier beau cadeau de la révolution tunisienne...C'est aujourd'hui notre quotidien.