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Chroniques
L’enlisement
31/05/2018 | 18:45
3 min

Par Houcine Ben Achour


Alors que l’économie tunisienne tente cahin-caha de sortir de l’eau, la crise politique actuelle risque de la faire replonger dans les profondeurs des difficultés. Cela ne s’est pas fait attendre d’ailleurs. L’Agence de rating Fitch n’a pas seulement confirmé la note de « B+ » sur le risque pays mais a aussi révisé les perspectives de ce risque de « stables » à « négatives ». En 8 ans, la dégringolade est vertigineuse. Le pays est passé du grade « Investment » affichant un triple « B » avec des perspectives « stables » à un indigne « B+ » et le pire serait à craindre. La Tunisie est ainsi passée d’un statut de pays crédible et sûr à un pays avec lequel il faudrait réfléchir par deux fois avant de lui faire crédit. Il y a deux mois, c’est l’agence de rating Moody’s qui  a dégradé la note souveraine de la Tunisie la faisant passer de « B1 » à « B2 » avec des perspectives « stables ». Si la notation de Moody’s avait été publiée ces jours-ci, l’agence n’aurait eu  aucun scrupule à estimer que les perspectives du risque Tunisie sont négatives. Voilà où nous en sommes.

 

Le document de Carthage 2 va-t-il nous faire émerger des flots ? Mais avant même de tenter une réponse, il convient de se poser une autre question : Hormis le fameux 64e point du document, qui a connaissance des 63 autres qui le précèdent ? Très peu. Quelques dizaines de personnes, au mieux. L’opinion publique était et est toujours en droit de savoir ce que stipule le texte du projet d’Accord de Carthage 2 pour juger de la nécessité ou non d’un remaniement ou d’un changement de gouvernement. Or, à ce jour elle en est totalement ignorante. Une fois de plus, on la laisse sans repère.

Qu’à cela ne tienne. Il semble bel et bien que l’Accord de Carthage 2 ressemble fort à son précédent. L’Accord initial contenait une soixantaine d’objectifs ou actions par le gouvernement d’Union nationale si l’on excepte les 7 points visant à soutenir l’efficacité du travail gouvernemental et à parachever la transition démocratique. L’Accord suspendu de Carthage 2 contiendrait sensiblement le même nombre, ce qui a fait dire à un membre de la commission d’experts chargé d’élaborer cette nouvelle feuille de route que « la mise en œuvre de ces points requiert 4 à 5 ans, alors qu’il ne reste au gouvernement en place que 20 mois d’exercice ».

Ainsi, on change de gouvernement pour que le prochain ait plus de temps nécessaire afin d'accomplir sa mission. L’expert en question est membre d’un parti partisan du départ de Youssef Chahed. Ainsi, ce parti demande des comptes à un gouvernement, installé depuis moins de 2 ans, pour exécuter un programme – Accord de Carthage 1 - qui en nécessite le double sinon beaucoup plus tout en étant d’accord pour fournir un délai de 4 à 5 ans à un nouveau gouvernement qui serait chargé de réaliser les objectifs et autres mesures contenus dans l’Accord de Carthage 2, sans lui demander entre temps des comptes. Il y a de quoi tomber à la renverse.

 

La digression ne doit pas nous dévier de l’essentiel qui est de savoir si, en dépit de sa mise en veilleuse, cet Accord de Carthage 2 tient compte du programme de réformes économiques que le pays a présenté, il y a deux ans, au FMI en contrepartie de son soutien financier de 2,8 milliards de dollars sur 4 ans.

A un moment où la Tunisie envisage de solliciter les milieux financiers internationaux pour un crédit de un milliard de dollars, ces derniers ne vont plus seulement se focaliser sur les résultats macroéconomiques du pays et les réformes économiques qu’il a entreprises mais de jauger aussi la stabilité politique qui y règne. Là aussi, ils veulent avoir une visibilité. De celle-ci dépendra tout le reste. Depuis février 2018, certains membres signataires de l’Accord de Carthage 1 ne semblent pas l’avoir compris. Jusqu’à quand ? Quel épouvantable dommage pour le pays de subir un tel enlisement.

 

31/05/2018 | 18:45
3 min
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Commentaires (3)

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TATA
| 02-06-2018 09:50
vous avez dit implicitement ce qui caractérise le plus nos politiciens, superficialité sans limite: "Le document de Carthage 2 va-t-il nous faire émerger des flots ? Mais avant même de tenter une réponse, il convient de se poser une autre question : Hormis le fameux 64e point du document, qui a connaissance des 63 autres qui le précèdent ? Très peu. Quelques dizaines de personnes, au mieux. L'opinion publique était et est toujours en droit de savoir ce que stipule le texte du projet d'Accord de Carthage 2 pour juger de la nécessité ou non d'un remaniement ou d'un changement de gouvernement. Or, à ce jour elle en est totalement ignorante. Une fois de plus, on la laisse sans repère."


Oui la majorité de nos politiciens et la majorité des participants à l'Accord de Carthage ne se sont intéressés qu'au 64e point du document qui concerne le limogeage de YC, et ils n'ont jamais vraiment pris connaissance des 63 autres points. Ils ne s'intéressent qu'aux postes de pouvoir!

Oui la totalité de nos politiciens et la totalité des participants à l'Accord de Carthage 2 ont eu besoin seulement de 20 minutes afin de se mettre d'accord sur la totalité des 63 premiers points de l'Accord de Carthage qu'ils n'ont jamais vraiment lu (ils l'ont lu peut-être en diagonale) , par contre ça fait des semaines qu'ils se disputent et s'engueulent à cause du 64e point du document qui concerne le limogeage de YC!

Or les 63 premiers points de l'Accord de Carthage sont beaucoup plus importants que le 64e, oui il faut discuter d'abord soigneusement le programme formulé par les experts avant de faire tomber le gouvernement!


Si Houcine, merci pour vos intelligentes analyses! Oui, vous élevez le niveau des discussions sur Business News!

DHEJ
| 01-06-2018 10:22
Darcy ou Froud?


De toutes les manières pas à la constitution tunisienne dont le garant est le cimic de Carthage le BCE!

Un cimic qui tient-il au GAMIN!

Nephentes
| 31-05-2018 23:47
'Hormis le fameux 64e point du document, qui a connaissance des 63 autres qui le précèdent ?'

Voila la question à poser..

Mais rien ne perturbe ni intéresse notre placide troupeau , à part faire ripaille ramadanesque (?) vaille que vaille

Que les mécanismes de fonctionnement de notre économie soient toujours biaisés par une économie de rente scandaleuse et persistante, que le ratio d'endettement public pr habitant soit parmi les plus élevés du monde, que l'investissement productif dans l'industrie et les services chute depuis un semestre, peu importe

Il faut profiter du Ramadan béni pour roupiller le jour et se goinfrer la nuit

Et que le FMI se prépare à nous contraindre à un resserrement supplémentaire du crédit et à une hausse conséquente des taux d'intérêt pour tenter de juguler la dérive inflationniste ( + 8,3 % en Juin)
on s'en tape

L'enfer c'est pour les autres, la responsabilité aussi