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Centres de santé de base, il y a péril en la demeure !
30/01/2018 | 20:00
5 min
Centres de santé de base, il y a péril en la demeure !

Fuite des jeunes médecins, pénurie des médicaments pour des maladies chroniques, dégradation des services prodigués aux patients, délais d’attente trop longs pour les consultations…. La liste des maux qui rongent le secteur de la santé en Tunisie ne cesse de s’allonger de jour en jour. Placés à la première ligne de contact avec les patients, les centres de santé  de base n’échappent pas à ces problèmes. Pire, la situation y  est encore plus dégradée. Etat des lieux de la situation dans ces établissements de proximité.

 

« 30% des ambulances présentes dans les centres de santé de base ne fonctionnent pas, et 36% de ces structures ne disposent pas de réfrigérateurs pour garder au  frais les médicaments ! » les chiffres font froid dans le dos… Ils sont signés Rafik Halouani, président de l’association Mourakiboun.  Son organisation vient en effet de présenter, lors d’une conférence de presse tenue à l’hôtel Africa ce mardi 30 janvier 2018, les résultats d’une enquête sur terrain menée sur un intervalle d’un an (janvier 2017-2018) sur la situation des centres de santé de base en Tunisie.

En tout, l’association (grâce à l’aide de 1664 bénévoles)  dit avoir observé  près de 2060  structures de santé de proximité. A chaque visite, les observateurs de Mourakiboun étaient munis d’un questionnaire (sous forme d’une enquête de satisfaction)  portant sur 4 thèmes à savoir : l’observation de la situation générale du centre, de son infrastructure et du respect des règles d’hygiène ; le suivi du fonctionnement normal des consultations et des opérations d’accouchement, l’observation des vaccins et enfin le suivi du travail quotidien des infirmiers.

 

Les résultats présentés sont alarmants à plus d’un titre, 26% de centres de santé de base ne sont pas accessibles par les moyens de transport en commun, 34% d’entre eux ne disposent pas d’un accès spécifique aux personnes handicapées, 8% des centres ne disposent pas d’eau potable ( « dans certaines localités, on en est encore à ramener de l’eau sur les dos d’ânes, déplore Rafik Halouani »), 45 % des patients se plaignent du manque d’hygiène dans les toilettes (d’où le risque pour les patients, qui arrivent pour une pathologie, d’attraper une infection en fréquentant ces lieux communs, souligne une médecin présente dans la conférence), 71% des centres ne disposent pas de personnel dédié aux services de pharmacie, pénurie dans certains médicaments, notamment, ceux  qui soignent des maladies chroniques et la liste est longue…  « En tout, nous estimons que sur les quelques 2060 structures de santé, 100 doivent être fermées immédiatement », affirme Rafik Halouani.

« Il y a péril en la demeure, et des mesures d’urgence s’imposent », souligne de son côté un médecin retraité : « Pour une meilleure efficacité du système de la santé, ces points de contact directs avec les populations locales doivent être placés dans le haut de nos priorités », clame-t-il.

 

 

Pourtant, l’idée de créer les centres de santé de base était noble à la base. Ils permettent de garantir de part leur proximité avec les populations rurales le droit à la santé, droit fondamental et essentiel consacré dans les deux constitutions d’après indépendance ( 1959 et 2014). Aussi, ces centres de santé de base jouent un rôle fondamental « dans la protection maternelle et infantile, y compris la planification familiale, la prévention et le contrôle des maladies transmissibles et contagieuses, notamment par la vaccination, les prestations de médecine préscolaire, scolaire et universitaire, la diffusion, par l’éducation sanitaire, des règles d’hygiène et des règles relatives à la protection de l’environnement  et la collecte et l’exploitation des données statistiques sanitaires et épidémiologique » indique le ministère de la Santé dans son portail officiel.

 

En réalité, ces structures, sont victimes, comme tant d’autres en Tunisie, d’une certaine désinvolture et d’un laisser-aller de la part des responsables locaux et politiques. Des citoyens présents ce matin se plaignent d’ailleurs de retards et d’absences à répétition de la part des médecins et du personnel paramédical. Egalement, le manque de formation des infirmiers a été pointé du doigt  par les professionnels du secteur, un point sur lequel est parfaitement d’accord Souhaiel Alouini,  député et président de la commission de la Santé et des Affaires sociales à l’Assemblée des représentants du peuple : «  Il est impératif de former davantage le personnel paramédical »  a-t-il martelé.

 

Présente à la conférence, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Santé, Sonia Ben Cheikh a reconnu les difficultés existantes dans ce secteur «  toutefois, précise-t-elle, notre département travaille d’arrache pied pour résoudre ces problèmes ». Néanmoins, la secrétaire d’Etat a tenu à saluer les efforts effectués par l’association Mourakiboun dans la réalisation de cet état des lieux «  ce même projet a été initié par les services du ministère en 2008, mais il n’a jamais vu le jour. Le travail réalisé par Mourakiboun va énormément nous faciliter la tâche » a-t-elle déclaré.

 

 

Si les résultats présentés par cette étude sont accablants et incitent à une prise de conscience collective, il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain. Dans plusieurs localités reculées du pays, des  médecins et  paramédicaux réalisent de véritables prouesses médicales en dépit des  faibles moyens humains et logistiques mis à leur disposition. Pourtant, ils pourraient gagner des montants nettement supérieurs en se lançant dans le secteur privé, mais ces « gardiens du temple » ont choisi la Tunisie, et pour leur cas, ce n’est pas qu’un slogan politique…

                                                                                                                                                                                           

Nessim Ben Gharbia

 

 

 

 

30/01/2018 | 20:00
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