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Ben Ali est parti, pas sa politique
19/11/2015 | 19:59
5 min
Ben Ali est parti, pas sa politique

Moins de droits contre plus de sécurité. Voilà le deal qui est actuellement proposé au peuple français après les attaques sanglantes de Paris. Grâce au secrétaire général de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, la question a été importée en Tunisie. Les Etats-Unis ont été les précurseurs sur cette question à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Et avant tous les autres, Zine El Abidine Ben Ali…

 

Dans un long post Facebook, le secrétaire général de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, a exposé son point de vue quant à la manière avec laquelle la guerre contre le terrorisme devrait être menée. En substance, l’ancien conseiller présidentiel propose de doter l’Etat de moyens légaux plus larges pour faire face à l’ennemi que représente le terrorisme. « Nous nous trouvons face à un ennemi et non à un Etat […] ce qui revient à dire que la confrontation n’est pas entre un Etat et un citoyen, mais plutôt entre un Etat et un ennemi. D’où la nécessité de se rendre à cette évidence et de se doter des moyens indispensables à cette lutte » dit-il. Il prend également l’exemple de Vladimir Poutine, le président russe, qui veut mener la guerre contre Daech sur la base de l’article 51 de la charte des Nations-Unies qui consacre le droit à la légitime défense. En résumé, Mohsen Marzouk soutient la thèse qu’il est admissible de céder sur certaines libertés afin d’avoir plus de sécurité.

 

Cette équation qui consiste à échanger les droits contre la sécurité a dominé la Tunisie pendant près de 23 ans et a constitué la pierre angulaire du règne de Zine El Abidine Ben Ali. Sous prétexte qu’il existe une menace terroriste imminente, il faut donner plus de libertés aux forces de l’ordre et donc rogner sur les droits des citoyens. C’est ainsi qu’est né un Etat policier qui dispose à sa guise de ses citoyens. C’est ainsi que l’on a vu les arrestations abusives, les détentions sans chef d’accusation, les interrogatoires musclés et la torture.

 

L’expérience américaine à cet égard est intéressante à plus d’un titre. Le 11 septembre 2001 ont eu lieu les attentats contre le World Trade Center. Par la suite, le congrès des Etats-Unis a voté, le 26 octobre 2001 -un mois et demi après les attentats- une loi dénommée le Patriot Act, l’équivalent de la loi anti-terroriste. Cette loi a été reconduite en 2006.

Le Patriot Act a considérablement renforcé les capacités des différentes agences de sécurité américaines ainsi que celles de l’armée américaine dans leur lutte contre le terrorisme. Il a également mis à la disposition de ces organes un arsenal juridique conséquent qui a été fortement décrié et qui a donné son caractère liberticide à cette loi. Ainsi, ce texte crée des statuts « exceptionnels » échappant à la réglementation connue aux Etats-Unis. Les « combattants ennemis » et les « combattants illégaux » peuvent être détenus sans aucune limite et sans inculpation tant qu’il s’agit de personnes soupçonnées de projet terroriste. La disposition la plus controversée de cette loi est la possibilité pour les autorités d’obtenir les informations personnelles d’usagers auprès des opérateurs téléphoniques. Les usagers peuvent également être mis sur écoute ou faire l’objet d’une surveillance électronique. Le tout sur la base d’un simple soupçon et sans que les personnes visées soient informées.

 

Confrontés par deux fois à des actes terroristes d’envergure (Charlie Hebdo et les récents attentats de Paris), les Français pensent également établir ce que les médias ont appelé le « Patriot Act à la française ». Le président français, François Hollande, a même demandé une modification constitutionnelle pour pouvoir lutter efficacement contre le terrorisme. Pourtant, le bilan du Patriot Act américain n’est pas brillant. Ainsi, une enquête de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) a montré qu’en 2013, seulement 51 demandes de perquisition sur un total de 11.129 demandes concernaient des affaires terroristes. En fait, les largesses offertes par le Patriot Act ont été détournées et utilisées pour d’autres affaires comme la lutte contre la drogue. C’est ce type de détournement et d’utilisation erronée qui ont été constatés en Tunisie avec Ben Ali. C’est ainsi que les moyens supposés protéger la population du terrorisme sont devenus des moyens de persécution.  

 

L’idée de troquer certaines libertés contre plus de sécurité semble être plébiscitée par la population française. D’après un sondage IFOP réalisé pour Le Figaro et RTL, 84% des Français sont d’accord pour renforcer et multiplier les contrôles. Après les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis, la population américaine était dans les mêmes dispositions et il est permis de penser que les Tunisiens le sont aussi vu la menace terroriste qui plane sur le pays depuis plus de trois ans.

 

Appliquées à la France, ces dispositions prennent une dimension plus symbolique. En effet, la France est connue pour être le pays des droits de l’Homme et le berceau de la philosophie des Lumières. D’autant plus que le revirement sécuritaire est opéré, ou du moins instigué, par la gauche française habituellement attachée aux valeurs républicaines et aux libertés individuelles.

 

Pour le cas de la Tunisie, un tel revirement sécuritaire rappellerait les heures sombres de la dictature policière d’un côté. D’un autre côté, le champ de manœuvre des forces de sécurité tunisienne reste assez étendu en vertu de la loi antiterroriste en vigueur. Par ailleurs, la police tunisienne souffre de problèmes de matériel et d’effectifs qui entravent son action. Donc, renforcer l’arsenal juridique n’est pas, pour l’instant, une question prioritaire. Reste cependant le débat philosophique sur la question des droits et libertés contre la sécurité. Il faut de la sécurité pour pouvoir jouir des droits et des libertés, mais celles-ci ne doivent pas être rognées par ceux censés les protéger. Une question qui, vu l’évolution de la situation, se posera de plus en plus souvent.

 

Marouen Achouri

19/11/2015 | 19:59
5 min
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Commentaires (18)

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SEGUIN
| 22-11-2015 23:48
Comment voulez vous qu'en oubli la période de Ben Ali dans cette situation qui 'est pas digne plein de désespoir et des inquiétudes .
mais l'espoir que nous pouvons attendre c'est
du Président B C E .

dinosaure
| 22-11-2015 12:52
Il n'y a plus de parti unique, ni de parti état en TUNISIE, mais il y 'a encore le syndicat état.
Non messieurs, il n'y a aucune raison d'avoir peur pour les libertés, mais dans une démocratie il n'y a pas que les droits, il y'a les devoirs aussi, c'est le point que tout le monde essai d'ignorer, nous sommes un peuple qui n'a aucune culture démocratique, tout ce qui touche à nos privilèges, ou si nous devons affronter la justice pour une raison ou une autre, devient de la dictature et le retour en arrière, l'apprentissage sera très long et très dur, nous sommes encore au stade de la défense des idéologies obsolètes, là où réside le danger pour les libertés, ceci donne l'occasion aux populistes de propager la culture des peurs collectives, pour s'emparer des votes,
C'est la stratégie des vendeurs de l'utopie(communisme) et le mensonge, dont fait parti MARZOUK ( qui ne représente plus NIDAA TOUNES), ils sont tous dictateurs et contre toute sorte de liberté.

mjr
| 21-11-2015 13:37
L'occident récolte les dividendes de la politique des derniers siècles.
D'abord colonisation et mise en place de dictatures au 19éme siècle partout dans les pays sous développés.
En deuxième lieu alliance entre l'islamisme radical et l'ultra libéralisme au 20éme et 21éme siècles.
Concernant cet ultralibéralisme extrême Stiglitz (prix Nobel 2001) le stigmatise et affirme "que seul un sursaut d'indignation citoyenne sera capable de contrer le lobbyisme intensif des sociétés financières".
Dans les pays arabes l'équation est simple:sécurité(relative) contre confiscation des droits +pompage des ressources du pays jusqu'au coup d'état suivant qui reprendra la même équation.
Dans les monarchies du golfe l'équation est légèrement différente: sécurité(relative) contre confiscation de tous les droits(absolument tous) +pompage des ressources exclusivement à l'avantage de la famille régnante et de ses courtisans La donne a changé et sans une prise de conscience globale personne ne sera plus à l'abri.

librexp
| 20-11-2015 20:03
Surtout les droits des citoyens. Cette équation est une mascarade. Ceux qui promettent la sécurité ont déjà promis autres choses avec le succès que l'on connait. Par contre moins de droits, c'est une promesse facile à concrétiser.

Ridha
| 20-11-2015 17:49
Je prefere de loin la securite de ma famille et de mes enfants a une "soi disant" liberté "totale", les resultats de la quelle sont malheureusement catastrophique

G&G
| 20-11-2015 17:05
Les rcdistes propres et honnêtes qui bossaient comme des ânes sous le règnes de leur patron Ben Ali savourent paisiblement leur retraite forcée en contemplant depuis le 14 machin ce cirque d'amateurs. J'ai longtemps crié depuis 2011 sur ce forum que nous sommes irremplaçables. Mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Il y a 5 ans, ces pauvres naïfs m'avaient dégagé en ignorant que la clé est dans ma poche.

salahtataouine
| 20-11-2015 16:22
rien à rajouter,tu as fait la sommation et @djeh le coup fatale !!
Marouen a eté ko avec vos deux interventions ......rendez nous notre baton visible que je puisse rentrer au bled ,mes grottes me manquent depuis cette separation forcée voilà plus de quatre ans

Unautrecitoyen
| 20-11-2015 15:07
Votre thèse laxiste est débile . Il vaut mieu avoir des innocents en prison que des innocents morts. Les occidentaux ont préféré compromettre la sécurité de l'immense majorité de leur citoyens (qui aspirent à une vie paisible) au profit de la liberté d'une trés petite minorité ( journalistes, gauchistes, intellectuels etc...).
Il n'y a rien d'autre à ajouter : que ca vous plaise ou pas, le premier des droits de l'homme est le droit de vivre en sécurité.

Rationnel
| 20-11-2015 14:47
La Russie est en train de détruire Da'esch et Jabhat Nusra, la défaite des Da'eschiens est proche. La Tunisie a besoin de se preparer au retour des 4000 a 5000 qui ont rejoin Daesh et JN. Pour surveiller un Da'eshien 24/7 on a besoin de 30 agents, donc on a besoin d'un effectif de 150 000 agents pour assurer une surveillance continue, un défi existentiel pour le pays. Empêcher le retour des Da'eshiens est une meilleure solution.
Le Patriot Act n'a pas eu d'effets négatifs sur les citoyens américains ou leurs libertés. Donner les outils nécessaires aux forces de l'ordre pour bien mener leur mission peut se faire sans sacrifier la liberté ou les droits des citoyens. Personne n'a le droit de tuer son prochain. Les lois protègent les droits des citoyens, pour jouir de ces droit il faut être un citoyen et rester fidèle a la cite. Les traitres, ceux qui veulent détruire la cite et tuer leur prochains renoncent a leur citoyenneté et n'ont plus de droits ou privileges. Les traitres qui ont choisi Daesh doivent être déchu de leur citoyenneté.

momo
| 20-11-2015 11:49
Mr achouri vous voulez faire croire au gens que nous n'avons pas besoin d'une loi plus restrictive face au terrorisme qui s'accroît chaque jour alors que vous avoué vous même que les pays les plus ancré dans les liberté l'ont fait mais bon c'est votre opinion c'est pour ça je vous dit que vous êtes plus royaliste que le roi (5arej lemgawech elli fik)