La coalition Al Karama a obtenu 21 sièges au prochain parlement. Du fait de l’éparpillement des forces politiques, ce nombre classe la coalition aux premières places et en fait un interlocuteur inévitable pour la formation du gouvernement. Il n’aura pris à Rached Ghannouchi qu’un coup de fil et une rencontre pour s’assurer du soutien d’Al Karama dans les choix que va opérer Ennahdha. La coalition va même voir les autres partis en portant le message d’Ennahdha. Pour de prétendus antisystèmes- révolutionnaires, on a vu plus rebelle.
Mais puisque les membres de cette coalition vont entamer une carrière politique, il serait judicieux de préciser quelques points. Le premier est celui de la liberté d’expression. Non pas celle de l’opinion publique ou des médias, celle-là personne ne pourra y toucher, aussi véhémentes soient les déclarations. Il s’agit plutôt de celle des membres de ce groupe et de celle de leurs partenaires politiques.
La situation de la liberté d’expression fait que Seif Eddine Makhlouf peut, en toute impunité, insulter Bourguiba et porter atteinte à sa mémoire. Il peut même insulter et provoquer un procureur de la République sans craindre de poursuites. Tout comme son affaire d’évasion fiscale qui ne semble pas déranger les autorités. Mais il ne faut pas s’offusquer ensuite quand Samia Abbou dit que la coalition Al Karama ne leur ressemble pas et qu’ils n’ont qu’à aller s’allier avec Ennahdha. C’est la règle du jeu chers membres de la coalition, n’en déplaise à Abdellatif Aloui qui a violemment répondu à ces propos.
D’autre part, quand on s’attaque à l’UGTT et qu’on traite ses dirigeants d’escrocs et de voleurs en disant « on arrive pour nettoyer tout ça », il faut avoir les reins pour la riposte qui vient de la bouche du maitre artilleur Sami Tahri. Quand on fait de la politique on ne peut pas se comporter comme un gamin pourri gâté qui provoque tout le monde, mais qui pleurniche à la moindre claque. Il va falloir grandir un peu et assumer ce qu’on dit, qui on rencontre, qui on fréquente etc. Comme de grandes personnes quoi.
Il ne faudrait pas que les Ridha Jaouadi, Seif Eddine Makhlouf et autres Imed Deghij croient qu’ils sont réellement révolutionnaires et qu’ils adoptent un lexique de rupture qu’ils n’assument pas finalement. Il n’y a rien de révolutionnaire à combiner avec Ennahdha pour former un gouvernement, il n’y a rien de révolutionnaire à faire la tournée des sièges de partis, des hôtels et des bureaux pour trouver des arrangements. Il ne faut pas non plus qu’ils croient avoir plus d’importance dans l’échiquier qu’ils n’en ont réellement. Seif Eddine Makhlouf ne cesse de répéter que la coalition Al Karama dérange beaucoup de gens, mais c’est faux. On s’en fout en fait. Ce ne sera qu’une coalition d’énervés grandes gueules qui va faire en coulisses ses petits arrangements et tenter de se parer du drap de la vertu et de la révolution. En somme, rien de très original.
Et puis personne n’est dupe, même pas les plus proches. Dans un long statut Facebook, Yassine Ayari avait expliqué à quel point Seif Eddine Makhlouf pouvait être combinard et à quel point il lui avait menti les yeux dans les yeux. Makhlouf, d’habitude virulent, n’a rien trouvé à répondre aux propos de Yassine Ayari, sans doute parce qu’ils sont vrais. Nous avons également pu constater avec quel brio les Karama ont pu parasiter la victoire de Kaïs Saïed et de quelle manière ils tentent de cannibaliser son entourage. Encore un peu et ils s’attribuaient le mérite du score obtenu par le nouveau président ! Mais on sait très bien qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils tentent de profiter de la vague pour se donner du poids et du contenu.
En somme, la maturité fait défaut à cette formation hybride qui n’a pas de hiérarchie, ni de leader ni de programme clair mis à part les insultes, la vindicte et une compilation extraordinaire de complexes.
Parler ne coûte rien pour le moment, mais dans le monde de la politique et éventuellement du gouvernement, il va falloir se ressaisir et avoir plus de mesure. Il va falloir s’assurer d’avoir les moyens de ses déclarations pour ne pas être obligé de revenir sur ses propos comme ce fût le cas concernant l’ambassadeur de France et sa supposée ingérence dans les affaires du pays.
Le temps du combat idéologique concernant les références et le passé est révolu. Il est clair que les Makhlouf et Deghij se complaisent dans la provocation liée à Bourguiba par exemple ou dans l’entretien de la légende des richesses naturelles abondantes de la Tunisie. Répondre sur ces sujets serait donner de l’écho à des théories déjà bien assez bruyantes.
Puisque le peuple les a choisis, nous les attendons sur des sujets bien plus actuels et bien plus importants pour leurs électeurs. Quelle est la vision d’Al Karama concernant les caisses sociales par exemple ? Que propose Seif Eddin Makhlouf concernant l’endettement de la Tunisie et la situation du dinar ? Quel est l’approche de Imed Deghij concernant l’intelligence artificielle, les startups tunisiennes et leur encouragement ? Quel est l’avis de Ridha Jaouadi à propos des grands équilibres internationaux, à propos du projet chinois des nouvelles routes de la soie ?
Les verbiages inutiles ne nous mèneront à rien ni d’ailleurs la provocation à deux balles. Les électeurs, quel que soit leur bord, en ont marre des batailles de chiffons et veulent du concret et du résultat. Alors puisque vous avez gagné, gouvernez !
Commentaires (11)
Commentertout à fait
J'adore vos questions Marwen
bons arguments
@Gg
Obs
Un OPNI qui va s'installer pourtant
Encore moins souhaitable.
Mais il est là.
Et n'en déplaise à nos souhaits et envies il risque de s'installer.
Pour l'instant les effets de manches et les écarts de Makhloufi scandalisent et rassurent certains.
'?a durera pas.
Car le dur du cuir et qui sera une terreur rhétorique pour les interviewers journalistes notamment c'est Abdellatif Alloui.
Avec lui ne suffiront pas les lieux communs serinés comme dans cet article.
Il rappelle feu Chokri.
MERCI SI MAROUEN !
El karama à l'ARP
Bonnes questions!
Lui ne possède que la bêtise naturelle, il connaît donc bien les clients d'intelligence artificielle.
Ou bien: "Que propose Seif Eddin Makhlouf concernant l'endettement de la Tunisie..."
A propos de l'endattement, je crois qu'il avait parlé d'une production de dattes record pour cette année.
Etc...
Sauf accident de route, on aura à voir avec EL Karama..
Ce phénomène est et peut prendre une plus grande ampleur politique, grave et imprévisible. Il peut s'emparer démocratiquement du pouvoir, voire devenir un danger certain pour l'ensemble des partis et mouvements politiques du pays.
En aucun cas, on ne doit pas sous-estimer son mouvement..
Et comme on dit en allemand: " avec le temps, un petit peut devenir Grand ! "
A suivre..