
Certains sont au Parlement pour voter des lois. D’autres – plus nombreux – ont été élus uniquement pour jouer les agitateurs. Parmi eux, les élus de la Coalition Al Karama dont le fonds de commerce a été de « créer un contre-pouvoir » et de « défendre les intérêts des opprimés et des laissés pour compte ». Elus depuis seulement quelques semaines, les députés de la Coalition peinent déjà à défendre leurs propres intérêts…
Trois démissions en 48 heures dans les rangs de la Coalition Al Karama.
D’abord l’emblématique Rached Khiari. Connu à l’hémicycle comme étant celui qui a le plus brandi le signe de rabâa, Rached Khiari est aujourd’hui le premier à quitter le navire. Derrière cette démission, une querelle avec une autre figure d’Al Karama, l’agitateur Imed Deghij ou « le rebelle », comme il se qualifie lui-même. Celui qui accompagne Seif Eddine Makhlouf dans tous ses faits et gestes, n’avait pas apprécié que Rached Khiari « fasse circuler des rumeurs à son sujet et au sujet de son proche compagnon ». S’en suit une querelle par pages Facebook interposées, entre Khiari et Deghij dont seuls les membres de la Coalition ont le secret.
Après Rached Khiari, c’est au tour des députés Miled Ben Dali et Fakher Chouikhi de déposer leur démission au bureau d’ordre de l’Assemblée, sans pour autant s’étendre en public sur les raisons derrière cette décision. Le bloc parlementaire présidé par Seif Eddine Makhlouf passe ainsi de 21 à 18 députés.
Mais derrière ces petites querelles de comptoir, existe une déception encore plus grande qui fait bouillir les rangs d’Al Karama. La – si précieuse – commission de l’énergie.
Cheval de bataille des « Karamistes », cette commission représente la consécration des promesses électorales les plus farfelues formulées par les élus de la coalition. Des promesses auxquelles les élus eux-mêmes n’y croient plus.
Abdellatif Aloui a même qualifié ce matin, sur sa page Facebook, ceux ayant cru aux promesses de campagne d’Al Karama d’ « imbéciles ». « La commission de l’énergie est plus dangereuse des commissions. Nous en avons fait notre priorité, et avons entamé des batailles pour y parvenir et cela avant même d’arriver à nous exercer sur la gestion de l’Etat et de l’administration. Nous ne devons pas mener cette bataille avec une mentalité de révolutionnaires et de blogueurs », a-t-il écrit.
Il ajoute : « Nous nous excusons auprès de ceux qui pensent aujourd’hui avoir élu une bande de taureaux déchaînés qui se dirigeront vers le mur et briseront leurs cornes en tenant de le défoncer. Nous sommes des révolutionnaires et non des taureaux sauvages ».
Abdellatif Aloui emprunte dans ce statut un langage déjà utilisé par Rached Khiari qui avait déclaré lors de la séance inaugurale : « le bruit des bêtes était irritant mais nous sommes d’excellents cowboys ». Un statut renvoyant au clash qui a eu lieu sous l’hémicycle entre Abir Moussi et Rached Ghannouchi, président du Parlement.
« La plupart d’entre nous n’a pas d’expérience en matière d’activité partisane ou politique et nous n’avons aucune expérience dans l’administration de l’Etat et ses rouages », a déclaré Aloui sur sa page hier soir tout en prenant soin de souligner : « nous ne sommes pas des imbéciles ». Mais qui sont les vrais imbéciles dans cette histoire ?
Le leader d’Al Karama, Seifeddine Makhlouf s’est fendu d’un statut explicatif – toujours sur les réseaux, organe de communication préféré des Karamistes – dans lequel il a expliqué hier 19 décembre 2019 pourquoi la coalition a été obligée de renoncer à la présidence de la commission de l’énergie.
« Nous avions le choix entre deux commissions, dont ni Ennahdha, ni Attayar ni Achaâb n’ont voulu : la commission des forces armées et celle de l’énergie. Nous avons choisi ce que nous estimons être le choix révolutionnaire et la priorité des opprimés dans leur dignité et gagne-pain, afin de les aider à obtenir un passeport ou un bulletin numéro 3 », a-t-il précisé.
En effet, le choix entre la commission des forces armées, dont la présidence est revenue à Al Karama, et celle de l’énergie, présidée désormais par leur ennemi juré le PDL de Abir Moussi, est certes épineux. La coalition des dits révolutionnaires a en effet longtemps bataillé en faveur de deux arguments de taille : restituer les « richesses spoliées des Tunisiens, dont le sel et le pétrole », et « défendre les citoyens interdits de voyage à cause de soupçons de terrorisme ». Une bataille qui a valu à Seif Eddine Makhlouf le sobriquet de « avocat des terroristes ».
Ce dilemme entre deux arguments phares qui ont servi à appâter les foules autour du programme d’Al Karama menace la cohésion de la coalition. Mais il ne s’agit pas uniquement de cela. Indépendemment de cette commission, des divergences secouent les membres de la Coalition. « Un véritable volcan en ébullition », avait écrit Imed Deghij sur sa page ce matin, vendredi 20 décembre, à l’adressent de « ceux qui croient qu’il s’agit uniquement de divergences autour de la commission de l’énergie ».
D’ailleurs, Abdellatif Aloui avait déclaré hier soir dans l’émission Rendez-vous 9 sur la chaîne Attessia est revenu sur les divergences existant au sein de la coalition. « Nous sommes une coalition de personnalités indépendantes et nous n’obéissons pas aux règles strictes de discipline des partis politiques. Il est naturel que des dépassements et des divergences aient lieu », a-t-il dit ajoutant que la coalition pourrait « se délester de certaines personnes ».
Les agitateurs du Parlement se trouvent, à leur tour, agités par leurs propres faiblesses. Celles d’un manque évident d’exercice politique et de connaissance des rouages de l’Etat. Mais aussi celles d’une coalition bâtie sur des liens un peu trop fragiles pour résister à l’exercice du pouvoir.
En 2014, Nidaa Tounes avait fait un raz-de-marée électoral en basant sa campagne sur le fait de constituer un contre-poids au parti islamiste. Une fois au pouvoir, le même parti fondé par le président défunt Béji Caïd Essebsi et géré par son fils Hafedh a fait choux blanc et déçu la majorité de ses électeurs. Al Karama semble emprunter la même voie, mais avec un peu plus de vitesse…
Synda Tajine

Commentaires (12)
CommenterIl est temps pour ce petit de savoir où mettre son cinquième doigt!
Bravo Léon
Les interminables layali essoud . En effet le 14 maudit coïncidait avec l'apparition de layali essoud.
C'est Nana Mouskouri qui l'avait annoncé en chantant "Le ciel est noir"
Trois tètes qui ne valent pas une queue.
G&G
RCDiste
Imbéciles jusqu'à preuve du contraire.
Pouvez vous le prouver?
L'arroseur arrosé
L'un vaut bien les autres : rien que des belles têtes, c'est sûr !
Allahou akbar, comme a dit l'autre !
Déflagration d'El Karama en débris,
En fait, certains n'arrivent pas à savoir comment il existe une grande différence entre ' savoir se vendre par des promesses électorales et juste pour être élu ' et ' les vraies intentions et réelles d'appliquer ces promesses '.
D'ailleurs, il parait clair que ' les démissionnaires voudraient et s'attachent à appliquer leur programme électoral et notamment résoudre les problèmes de l'énergie, pétrole , gaz , phosphates,
Et les autres s'en moquent de ces promesses !
!!!
Oui les agitateurs sont agités