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Tribunes
Une illustration de cavaliers budgétaires
17/01/2013 | 1
min
Une illustration de cavaliers budgétaires
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Par Fayçal DERBEL*

Les lois de finances, votées à la fin de chaque année, revêtent une importance tout à fait particulière et se distinguent des autres lois ordinaires en raison de leur portée, de leur domaine et de la consistance des mesures budgétaires et fiscales qu’elles prévoient.
Ces lois déterminent, au titre de chaque année budgétaire, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des dépenses de l’Etat ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en découle. Elles autorisent, également, la perception des ressources de l’Etat et les impositions y afférentes.
Les spécificités des lois de finances et leur rôle déterminant dans le fonctionnement de toutes les structures de l’Etat et l’évolution de la vie économique ont rendu nécessaire l’institution de règles claires, précises et concises régissant la structure, les domaines et le contenu de ses lois, ainsi que les procédures de leur élaboration.

En Tunisie, la loi n° 67-53 du 8 décembre 1967 intitulée Loi Organique du Budget (LOB) telle qu’elle a été modifiée et complétée par la loi n° 2004-42 du 13 mai 2004 prévoit un ensemble de dispositions régissant les lois de finances dans leurs composantes budgétaires et fiscales ainsi que la procédure de leur préparation, examen et vote.
Ainsi, l’article 1er de la loi organique du budget dispose que « La loi de finances prévoit et autorise, pour chaque année, l’ensemble des charges et des ressources de l’Etat dans le cadre des objectifs et plans de développement et compte tenu de l’équilibre économique et financier défini par le budget économique ».

La loi de finances, comme partout ailleurs, comporte un ensemble de dispositions, qui ont principalement pour but :
- d’autoriser la perception des ressources publiques et d’en déterminer le montant global ;
- de fixer les voies et moyens applicables aux dépenses de gestion et aux dépenses de développement ;
- de mobiliser les ressources fiscales et non fiscales tout en déterminant les procédures financières y afférentes ;
- de créer des fonds spéciaux de trésor….
- de fixer les plafonds de garantie…
- etc….
-

Ces préconisations nous conduisent à nous interroger sur la régularité de l’article 78 de la loi de finances pour l’année 2013 et sa conformité aux dispositions de la loi organique de budget.
Cet article 78, autorisant le président de l’Assemblée nationale constituante à fixer par décision, les indemnités qui lui seront octroyées, ainsi que celles des vice- présidents et des membres de l’Assemblée, nous paraît totalement déconnecté du domaine de la loi de finances. Dans la littérature des finances publiques, cette situation est appelée « cavalier budgétaire », qui consiste en une disposition législative n’ayant pas sa place dans le cadre d’une loi de finances.
Le « petit lexique parlementaire » précise, également, que les cavaliers budgétaires sont proscrits afin d’éviter un « gonflement » des projets de la loi de finances et un allongement inconsidéré des débats budgétaires.

Même s’il est vrai que la discussion de cet article 78, parachuté en fin de soirée, ne semble pas avoir entraîné « un allongement inconsidéré des débats », il n’en demeure pas moins vrai que ses dispositions sont totalement déconnectées et n’ont aucun lien avec les dispositions financières et fiscales que devraient comporter une loi de finances.
Sous d’autres cieux, pareilles dispositions auraient été purement et simplement censurées du moment où les cavaliers budgétaires sont fermement prohibés.
Dans ce cadre, il est important de rappeler que les articles 28 à 30 du projet de la loi de finances pour l’année 2005 qui avaient pour objet de déterminer les procédures de constitution de sociétés en ligne, ont été déclarés par le Conseil constitutionnel non conformes aux articles 28 (imposant la conformité à la loi organique du budget) et 36 de la constitution. Le Conseil constitutionnel motive sa décision en précisant que lesdits articles n’ont pas un caractère budgétaire et ne peuvent, à à ce titre, figurer dans une loi de finances (tout comme l’article 78 de la loi de finances 2013, qui n’a aucun caractère budgétaire et qui n’aurait pas dû figurer parmi les dispositions de cette loi).

A défaut d’une constitution et en l’absence d’une autorité suprême chargée de contrôler la régularité des textes et le respect des procédures, les cavaliers budgétaires ne pourraient être évités que par la raison et la sapience qui devraient marquer le débat et le vote parlementaire. Une simple déclaration que de pareilles dispositions ne seraient pas mises en œuvre ne couvrirait nullement la transgression qui se trouverait, hélas, consommée.
 
* Expert-comptable et Enseignant à l’ISG TUNIS
17/01/2013 | 1
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