Tant que les partis se font financer par la Celtia du marché noir…
A l’actualité cette semaine, des tensions de toutes parts, des polémiques, des mensonges et des reculades. Les médecins ont observé une grève la semaine dernière pour contester la condamnation judiciaire à de la prison ferme de l’un de leurs confrères suite à une erreur médicale ; les juges observent cette semaine une grève pour l’obtention de droits et les enseignants devraient observer prochainement une grève pour exiger le départ de leur ministre.
Après avoir réussi à circonscrire le terrorisme, l’urgence absolue est dans le rétablissement de l’économie tunisienne afin de créer de la croissance, de l’emploi et de la richesse. Au lieu de quoi, on préfère plutôt nous occuper de sujets qui nous divisent et alimentent la haine entre nous. On a beau être un peuple de dix millions d’habitants, on réussit à créer des problèmes identiques aux pays abritant des dizaines d’ethnies guerrières.
L’émission qui a fait le plus de buzz cette semaine est celle de Boubaker Akacha, sur Mosaïque FM, avec ses deux invités reçus mardi et mercredi derniers Lazhar Akremi et Chafik Jarraya. En termes de bassesse de discours politique, on fait difficilement pire, même si l’on reste encore éloigné des bas fonds atteints durant la période de la troïka.
Les premières réactions ont touché la radio et l’animateur à qui on reproche d’ouvrir l’antenne à de tels invités et permettre un tel vocable. Chassez le naturel, il revient au galop ! Nous avons, en chacun de nous, une paire de ciseaux dans le cerveau cherchant à censurer les idées de l’autre et à éliminer tout ce qui ne nous ressemble pas.
L’autre buzz de la semaine est cette histoire d’El Jem où l’on a observé une mobilisation populaire, soutenue par des partis politiques de différentes tendances, appelant à fermer un commerce moderne et légal de boissons alcoolisées.
En apparence, les partis et les manifestants sont des gens prudes et conservateurs qui ne veulent pas du « péché » dans leur contrée. C’est encore une fois la même rengaine, l’élimination de l’autre qui ne nous ressemble pas. C’est pourtant bien à cet « autre » qu’on demande d’investir et de créer de l’emploi. Moi, chef d’entreprise, je n’irai pas investir dans une région où je ne trouve pas un resto mixte où l’on peut avoir un bon dîner arrosé après une longue journée de travail. Dans l’état actuel des choses, la majorité de nos régions intérieures ne proposent pas ce b.a.-ba de la vie ordinaire. Une femme qui pointe le nez et elle est fortement agressée du regard, voire la parole. Un resto chic, ce n’est pas apprécié, il est très mal vu s’il propose de l’alcool et c’est le scandale si l’on y voit des femmes déguster un vin ou siroter une bière.
Les apparences sont cependant trompeuses, car ce qui s’est passé à El Jem n’a rien à voir avec le conservatisme. Les riverains sont habitués à l’alcool depuis la nuit des temps. Il s’agit tout simplement de la politique idiote de l’Etat, d’abord, et du protectionnisme des contrebandiers ensuite. Les barons du commerce informel de la région ne veulent pas voir de commerce légal d’alcool chez eux, puisque cela nuit à leurs affaires. Et il est, malheureusement, tout à fait normal que les partis politiques les soutiennent, puisque ces derniers se font financer par l’argent du commerce parallèle. Ça explique en partie toute l’opacité autour des états financiers des partis.
L’Etat dans tout ça ? Dans les manifestations observées à El Jem, il est triplement fautif. En accordant une autorisation de débit d’alcool sans avoir étudié l’impact de cette décision au préalable. Il a corrigé ensuite sa faute par une autre faute puisqu’il s’est déculotté face à la pression « populaire » soutenue par des partis et des contrebandiers. A l’origine de ces deux fautes conjoncturelles, une autre faute structurelle, consistant à s’arroger encore le droit, en 2017, de dire qui doit vendre de l’alcool et qui ne le doit pas et où !
Il faut noter tout d’abord que ce type d’autorisation est une porte ouverte au népotisme et à la corruption. Un cahier des charges suffit. Le contrebandier ne demande pas mieux que de commercer au grand jour et en toute légalité. Il investira et paiera ses impôts comme tout le monde. En octroyant les autorisations d’alcool au compte-gouttes et à la tête du client, l’Etat joue à l’hypocrite. Il ne pratique pas la prohibition puisqu’il autorise X, mais il n’autorise pas l’alcool puisqu’il interdit Y. Que l’Etat aille directement à la source du problème, lève sa main sur le commerce et laisse le marché s’autoréguler comme cela se fait partout dans le monde. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut motiver les investisseurs et créer de la richesse ! Et tant pis pour les prudes qui n’aiment pas voir l’alcool, ils doivent accepter de vivre aux côtés de personnes qui aiment l’alcool et se rendre à l’évidence, on ne peut pas avoir de l’investissement dans les régions avec des interdictions moyenâgeuses.
Le hic est que notre Etat est faible, cherche à ménager la chèvre et le chou et se débat dans le populisme. Afin d’éviter des tensions ici et là, il se déculotte à tour de bras. Il élimine un ministère pour ne pas fâcher les syndicalistes, il annule une autorisation pour calmer les contrebandiers et offre même des terrains, au dinar symbolique, à des squatteurs.
Nous avons fait une révolution et rédigé une constitution, nous nous réjouissons de la démocratie et de la liberté d’expression, alors que nous sommes en otage de contrebandiers et de terroristes amnistiés. Avant, on avait des hommes politiques qui faisaient de l’escroquerie et de la contrebande. Aujourd’hui on a des escrocs et des contrebandiers qui font de la politique.