alexametrics
samedi 20 avril 2024
Heure de Tunis : 05:54
A la Une
Les actionnaires lavent le linge sale de Tunisair
30/09/2013 | 1
min
Les actionnaires lavent le linge sale de Tunisair
{legende_image}

Bien tardivement, Tunisair a tenu son Assemblée Générale Ordinaire (AGO) le 30 septembre 2013 pour statuer sur l'exercice 2012, une Assemblée générale pas très ordinaire car les actionnaires présents, étaient visiblement remontés, contrariés à tel point qu’ils n'ont pas mâché leurs mots en critiquant notamment la direction de la compagnie, face à des données chiffrées très négatifs, quasiment désastreuses.
Une assemblée qui a été marquée par des interventions houleuses et des expressions d'insatisfaction de la part d'intervenants parmi les petits-porteurs qui ont mis le doigt sur plusieurs défaillances dans la gestion et le contrôle de la boîte.


L'AGO de la compagnie Tunisair ainsi que du groupe des sociétés filières s'est donc tenue comme prévu à Tunis, le 30 septembre 2013, en présence du président directeur général, Rabah Jerad, de certains membres du conseil d'administration, des co-commissaires aux comptes ainsi que d'une grande partie des actionnaires.

Prenant la parole en premier, M. Jerad a affirmé qu'après la régression de l'activité et la baisse de ses indicateurs suite à la révolution, l'année 2012 a été pour Tunisair, l'année de la reprise. Il a précisé, à ce titre, que l'activité transport a évolué notablement en 2012, par rapport à 2011, puisque le nombre de passagers a atteint 3.801.081, contre 3.180.750 en 2011 et dépassant celui de 2010 qui était de 3.698.365. Par ailleurs, et selon M. Jerad, le chiffre d'affaires de Tunisair a enregistré en 2012, une augmentation de 19%, atteignant 1.165.300 dt, les revenus de transport passagers et bagages ont progressé de 20,9%, cependant les revenus du transport fret et poste ont baissé de 7%.



Par ailleurs, les charges d'exploitation ont accusé une forte augmentation, estimée à 19,3% par rapport à 2011. Ainsi, le résultat net de l'exercice 2012 a enregistré une perte de 125.798.822 dt, à laquelle s'ajoute le résultat déficitaire reporté, estimé à - 147.123.314dt, ce qui représente un solde déficitaire total au 31 décembre 2012, de 272.922.136 dt et, par conséquent, une impossibilité de distribuer un quelconque dividende.

M. Jerad a expliqué la lourdeur des charges d'exploitation par plusieurs facteurs, dont la hausse des dépenses des carburants de 23,9%, l'augmentation des frais du personnel de l'ordre de 7,9%, la hausse des redevances aéronautiques de 23%.

Afin de redresser la situation, le PDG de Tunisair a annoncé nombre de mesures entreprises dans le cadre "d'un plan de sauvetage" de la compagnie pour garantir sa pérennité. Ce plan comprend trois volets: un plan de redressement, un autre de flotte et un business plan.

M. Jerad a cité des exemples de mesures de redressement, comme la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale par le développement du trafic avec la Libye avec 60 vols par semaine et le lancement de nouvelles dessertes en Afrique. Il a été décidé également de comprimer les coûts et d'améliorer la compétitivité, avec notamment le gel des règlements dus à l'OACA et à la SNDP. Autre mesure de redressement, celle de l'instauration d'un plan d'assainissement qui prévoit, entre autres, un gel des recrutements et une incitation au départ anticipé à la retraite.
En ce qui concerne le plan de flotte, Tunisair a révisé le planning des livraisons des avions ainsi que l'enveloppe annuelle des paiements. Enfin, pour le business plan, il est prévu que la compagnie mette à jour les données liées au trafic, aux recettes et aux coûts et mette en évidence des mesures capables de rétablir l'équilibre financier de la compagnie.

L'AGO s'est poursuivie, par la suite, avec la lecture habituelle des commissaires aux comptes de leurs rapports général et spécial comportant très visiblement plusieurs réserves et points polémiques. Il a ainsi été relevé, par exemple, que plusieurs comptes relatifs à des recettes commerciales n'ont pas été convenablement suivis et sont donc restés non justifiés. En outre, les commissaires aux comptes ont relevé des anomalies au niveau des prestations informatiques avec la société filiale "AISA" ainsi que le traitement comptable des redevances aéroportuaires.
Les avions présidentiels et la démarche de leur cession ont été aussi évoqués par les commissaires aux comptes qui ont rappelé que la valeur respective de ces deux appareils s'élève à 54.089.000 dt et 251.462.000 dt et que les charges y relatives, au titre de l'exercice 2012 s'élèvent à 17.409.000 dt. Rappelons à ce titre que ces deux avions, mis à la vente peu après la révolution n'ont toujours pas trouvé acquéreur.

Bien que très prometteuses et ambitieuses, les mesures annoncées par le PDG étaient loin d'être convaincantes face à des actionnaires hargneux et déçus de ne pas voir la compagnie nationale de navigation surmonter ses difficultés. En effet, plusieurs intervenants se sont ensuite bousculés pour prendre la parole, désireux d'exprimer leurs griefs et reproches.

Parmi les intervenants, il y avait ceux qui ont revendiqué l'annulation des jetons de présence en signe de solidarité avec les actionnaires qui ont beaucoup perdu avec leurs acquisitions d'actions Tunisair. Il y avait également ceux qui ont pointé du doigt la direction de la compagnie, pour "mauvaise gestion, dilapidation et malversation", exprimant une grande amertume.

Un des intervenants, le plus virulent de tous, a affirmé: "Tunisair n'est pas indépendante. Cette compagnie est politisée et a sciemment embauché des personnes en dehors des concours de recrutement!". Il a également soulevé la polémique des factures des personnalités politiques comme le ministre du Transport, qui a accompli le pèlerinage aux lieux saints ou encore le président de la République "qui passe son temps à se balader entre les pays", en se demandant: "Qui paie pour ces voyages? N'est ce pas nous, les actionnaires, qui devons payer pour eux!". Il n'a pas manqué par ailleurs de critiquer dans une image caricaturale les agences de Tunisair, leurs équipements et leur personnel, déplorant une stagnation des locaux et une lassitude lamentable des agents.

Par ailleurs, les commissaires aux comptes ont été critiqués voire même accusés par plusieurs petits porteurs, de "ne pas avoir accompli leur devoir, d'avoir dissimulé des malversations au sein de la compagnie et de s'être tus devant les dépassements". Plusieurs ont même appelé les actionnaires à s'unir pour rassembler une représentativité de 30% du capital afin de pouvoir porter plainte et entamer une procédure judiciaire contre eux. Des accusations et des reproches, devant lesquels, ces commissaires aux comptes ont choisi de ne pas répondre, sachant que leur mandat venait à expiration lors de cette même AGO.

Toutefois, certains actionnaires ont tenté d'être un peu plus positifs en proposant nombre de mesures susceptibles de comprimer les charges et améliorer le rendement, et, par voie de conséquence, la productivité du personnel de Tunisair, via l'instauration d'un système de contrôle interne adéquat.
M. Jerad, de son coté, a tenu à rappeler qu'en dépit des résultats négatifs et des difficultés de la compagnie, elle reste parmi les rares entreprises publiques à avoir enregistré un léger mieux par rapport à l'exercice précédent, un soupçon d'optimisme qui visait certainement à résorber les tensions et à souffler une brise d'accalmie parmi les actionnaires présents.

Dorra Megdiche Meziou
30/09/2013 | 1
min
Suivez-nous