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Guerre de tranchées entre Massar et Nidaa
16/06/2014 | 1
min
Guerre de tranchées entre Massar et Nidaa
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L’Union pour la Tunisie est en panne, elle est même morte pour certains. Ceci est un constat pour plusieurs membres de cette coalition politique formée de partis se disant « progressistes » et « démocrates ». D’abord Al Joumhouri, qui a préféré quitter l’alliance et faire cavalier seul, ensuite Al Massar, dont la rupture semble être imminente suite à un récent différend sur la tenue des prochaines élections. Un point commun réunit les deux, un conflit les opposant à Nidaa Tounes, parti fort de la coalition, accusé de vouloir être seul à tirer les ficelles…

« Nous sommes les plus grands écoutez nous ! », entendez dire par là « obéissez ! » dirait Nidaa Tounes à ses acolytes au sein de l’Union pour la Tunisie, selon Samy J- Chapoutot dirigeant et membre du bureau exécutif d’Al Massar.
L’hégémonie du parti de Béji Caïd Essebsi n’est un secret pour personne. Ragaillardi par son score aux derniers sondages d’opinion, le plaçant premier des intentions de vote, avec près de 20% des voix, autant dire que Nidaa est le parti fort de l’UPT, et il ne s’en cache pas.

Tenu dimanche 15 juin 2014, le conseil national de Nidaa Tounes a tranché : « Pas de listes conjointes pour les législatives ».  Voilà de quoi refroidir ses acolytes dans l’UPT pour lesquels il était question, au début de la création de cette alliance, d’un front électoral unifié. L’union pour la Tunisie est aujourd’hui réduite à « un cadre stratégique de coordination politique », selon le parti. Mais ses alliés ne le voient pas de cet œil. Alors que le torchon brûle avec ses acolytes, dont ceux d’Al Massar, cette annonce de Nidaa risque davantage de mettre de l’huile sur le feu. Mais Béji Caïd Essebsi est on ne peut plus clair : « Ces élections permettront de connaitre le poids réel de chacune des forces politiques ». Des alliances, il y en aura certainement après, précise-t-il, qui n’excluent pas toutefois Ennahdha du tableau.

Ce genre de position n’est certainement pas au goût des autres membres de l’UPT. Dans une interview accordée au journal Le Maghreb, datée du début du mois de juin courant, le porte-parole d’Al Massar, Samir Taïeb, marque une réelle rupture avec Nidaa Tounes, et en particulier, la personnalité de Béji Caïd Essebsi, leader du parti.
Dernier désaccord en date, l’ordre de priorité des élections. Un désaccord qui a finalement fini par faire rompre les liens.  En effet, alors que Nidaa Tounes revendique une présidentielle avant les législatives, Al Massar, de son côté, penche pour la primauté des législatives. Une position qu’il estime « logique », mais qui lui vaut les railleries de son allié la qualifiant d’« étriquée et déconnectée de la réalité du pays ». Des accords ont été conclus entre les directions d'Al Massar et de Nidaa pour que les leaders d'Al Massar obtiennent des têtes de listes. Neuf noms pour les têtes de listes et une trentaines d’autres pour les deuxième et troisième places, selon Saïda Garrache, membre du bureau exécutif de Nidaa Tounes. La condition pour l'obtention de ces têtes de listes, totalement identifiées, est qu'Al Massar vote pour la primauté de la présidentielle. Ceci n'a pas été respecté, d'où la position radicale de Nidaa du 15 juin.

Par ailleurs, les luttes intestines au sein de Nidaa ont mis le feu aux poudres dans cette entente fragile. En effet, deux courants se font nettement fait ressentir au sein de Nidaa Tounes. Deux courants diamétralement opposés dont l’un est accusé d’opportunisme à cause d’une certaine promiscuité avec Ennahdha. La crise au sein de Nidaa Tounes n’a fait qu’enfoncer davantage le clou quant aux divergences opposant les deux alliés. Ajouter à cela, l’hégémonie du parti de Béji Caïd Essebsi qui dérange fortement son allié.

A ce stade, une rupture avec Nidaa Tounes et un départ de l’Union pour la Tunisie n’est pas à écarter, affirme Samir Taïeb dans la même interview. Aujourd’hui, ce qu’Al Massar reproche le plus à Nidaa Tounes c’est surtout de ne pas avoir respecté son engagement de départ : celui de faire de l’UPT un front politique et électoral. Mais il semblerait que Nidaa Tounes a déjà prévu son coup à l’avance en entretenant, d’emblée, le flou autour de cette question. En effet, si l’UPT a annoncé, dans un communiqué publié début février 2014, son intention de se présenter aux élections avec un front unifié, Nidaa a toujours nuancé cette décision, au grand dam de ses alliés. La forme de ce front n’a pas encore été établie, selon le secrétaire général du parti, Taïeb Baccouche. Nidaa aurait-il jeté un appât à ses alliés avant de se rétracter au moment fatidique ? Certains semblent le croire.

Aujourd’hui, l’UPT n’a pas encore réussi à s’ériger en un front à part entière, se muer en un front électoral unifié semble impossible dans l’état actuel. « L'UPT est une machine en panne, elle n'existe même plus, elle n'a jamais été un front électoral ni une alliance politique », avait écrit sur sa page Facebook, le 7 juin courant, Ahmed Néjib Chebbi, leader d’Al Joumhouri, démissionnaire de l’UPT depuis décembre dernier.
Même si les animosités entre Al Joumhouri et Nidaa ne sont plus à prouver, il semblerait que Néjib Chebbi tienne le même discours que les dirigeants d’Al Massar aujourd’hui : « La crise au sein de l'UPT n'est pas sans rapport avec la crise qui sévit au sein de Nidaa. Aussi est-il temps de reconnaitre que cette alliance était une faute inspirée par la défaite électorale de 2011 et le sentiment de faiblesse qui en a résulté. C'est le moment de compter sur ses propres forces pour rééquilibrer le paysage au sein du camp moderniste et offrir au pays une alternative du centre démocrate et social ».

Aujourd’hui, alors que les dates des élections approchent à grands pas et devraient être organisées avant la fin de l’année, le score dérisoire d’Al Massar semble peu intéresser le parti le plus fort de l’alliance. Le Front électoral unifié serait une solution « inacceptable » selon une personnalité de Nidaa Tounes, proche de Béji Caïd Essebsi. Tout en rappelant « la leçon dramatique du 23 octobre 2011 », autrement dit, les scores dérisoires raflés par l’opposition dite démocrate, elle précise qu’il n’est plus question pour Nidaa Tounes de refaire cette même erreur aujourd’hui.
Force est de reconnaitre qu’une telle coordination est très difficile à atteindre au stade actuel des choses où au sein de l’alliance, les voix dissonantes sont monnaie courante. Les différents protagonistes n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la tenue des prochaines élections et aucune stratégie claire n’est élaborée pour l’instant.

Saïda Garrache écrit aujourd’hui, lundi 16 juin 2014, sur sa page Facebook un post dans lequel elle épingle « ceux qui n’ont pas retenu la leçon du 23 octobre 2011 ». Dans son post, elle s’adresse à ceux qui « ne cessent de critiquer Nidaa Tounes » alors qu’eux-mêmes ont trahi les nombreux accords conclus au sein de l’UPT, dont l'ordre des prochaines élections, et ont préféré jouer en solo à de multiples reprises, explique-t-elle. Sans pour autant nommer Al Massar, elle explique que des membres de l'UPT ont préféré virer de bord à la dernière minute, au sujet de la question des élections, à savoir, au moment du vote lors du Dialogue national. Elle accuse également ces parties de revendiquer des listes conjointes uniquement dans le but d’améliorer leurs chances de remporter les prochaines législatives.

Une guerre de tranchées est une forme de combat dans lequel les deux camps campent sur leurs positions. Dans une paralysie du conflit, les combattants s’abritent dans des lignes fortifiées où ils sont protégés par des armes légères, jusqu’à épuisement progressif. Aujourd’hui, la bataille « pour la Tunisie », a tout d’une guerre de tranchées. Les partis affutent leurs armes dérisoires et chacun se déclare plus apte à gouverner que le camp « ennemi ». Alors que du côté des islamistes, le majliss Choura se réunit pour juger des compétences et du statut de chacun à occuper un poste de pouvoir, le camp démocrate s’abrite dans ses tranchées et s’effrite à l’épuisement. Alors, bataille pour la Tunisie ou bataille pour le pouvoir ?
16/06/2014 | 1
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