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Chroniques
Ces signes qui ne trompent pas
05/02/2012 | 1
min
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Par Nizar BAHLOUL


La réflexion appartient à un ami avocat. Elle résume à merveille toute la situation que vit actuellement la Tunisie « démocratique ». Une situation que certains « extrémistes de l’optimisme » refusent de voir en face, préférant continuer à croire en ces gouvernants qui disent travailler pour le pays.
La réflexion est la suivante : « La volonté affichée de dissoudre de fait l'Instance Supérieure Indépendante des Élections à quelques mois de la prochaine date hypothétique des élections législatives, l'élection aujourd’hui du rapporteur de la commission de rédaction de la constitution, l'irritation que suscite l'adjectif "provisoire", la bienveillance face aux salafistes violents ; tous ces éléments et d'autres ne laissent aucun doute que l'alternance n'est pas pour demain. Ce sont des signes qui ne trompent pas. »

Une autre réflexion, celle de Noômane Fehri, élu de l’Assemblée sur les listes d’Afek. Voilà ce que dit M. Fehri : « De retour de l’ANC. Un sentiment d’impuissance. Aucun de nos candidats aux trois postes de rapporteurs de la commission de rédaction de la constitution n’est passé. Il n’y a que ce que la troïka décide qui passe. Pourtant, je pensais que pour les questions de constitution, il n’y avait pas de majorité et de minorité, il y avait une logique de consensus et de travail de groupe, ensemble pour la Tunisie …mais … c’est de l’utopie. Il faut se rendre à l’évidence, c’est la logique de la majorité. (…) Désolé d’être si pessimiste ce soir… Ce ne sont que des sentiments d’un homme qui se sent impuissant envers l’avenir de son pays… J’espère que je me trompe... (…) »

Les deux réflexions invitent à une interrogation, primordiale et d’extrême gravité que suscite l’intérêt de l’ensemble des Tunisiens, sans exception : « Où va-t-on ? » Nul ne peut répondre à cette question, à ce jour, même pas nos gouvernants. Ils n’arrêtent pas de dire la chose et son contraire. Alors où va-t-on ?
Les élus de la minorité se sentent impuissants. Le Tunisien lambda se sent désabusé. Nos partenaires étrangers nous regardent avec empathie. Les derniers en date, ceux du FMI, n’ont pas caché leur grand étonnement du niveau médiocre de leurs interlocuteurs tunisiens. Et tout ce beau monde se demande où l’on va.

Il y a pourtant des signes qui ne trompent pas, il suffit d’ouvrir l’œil pour les regarder. Et ces signes sont inquiétants.
Ces personnes qu’on voit à chaque manifestation défendre le parti au pouvoir, s’autoproclamer « avocats de Dieu » et s’attaquer à ceux qui expriment leur colère. Les derniers en date se sont attaqués, en toute impunité et en toute insolence, aux agents de l’ordre qui ont fait un sit-in cette semaine.
Ces personnes qui s’attaquent aux médias et aux activistes de la société civile les qualifiant d’ordures, de traitres de la nation ou à la solde des Sionistes. Il suffit, aujourd’hui, de critiquer le pouvoir en place pour entendre les pires accusations et les pires insultes.
Et toujours la sempiternelle supercherie répétée par tous, y compris au sommet de l’Etat : « Ces médias et ces partis qui ne respectent pas la volonté du peuple ». Mais de quel peuple parlent-ils nos chers gouvernants ?

Sur une population de onze millions d’habitants (et 8,7 millions d’électeurs potentiels), il y a eu 4,3 millions de votants. De quel droit alors le parti au pouvoir revendique la représentation de la volonté de ces 4,4 millions de non-votants ?
Sur les 4,3 millions de votants, on enregistre 1,8 million de personnes ayant voté pour Ennahdha et son clone, le CPR. Alors de quel droit le parti au pouvoir revendique la représentation de la volonté de ces 2,5 millions de personnes ayant voté autre chose qu’Ennahdha-CPR ?
Les médias, notamment publics, sont quotidiennement accusés de ne pas refléter la volonté du peuple. Or, chiffres à l’appui, ces médias aujourd’hui lynchés de toutes parts, ne font que représenter la volonté de la majorité qui a choisi de ne pas s’intéresser à la chose politique ou cette majorité qui a glissé un bulletin ne portant ni les couleurs du CPR, ni d’Ennahdha.
Cette supercherie, répétée mille fois par jour invitant l’opposition et les médias à se ranger du côté du peuple, devient lassante. Et c’est un autre signe qui ne trompe pas puisqu’il reflète une volonté manifeste d’asseoir son pouvoir par le mensonge. Ils sont élus, ces élections ne sont pas truquées et cela est suffisant pour asseoir leur pouvoir. Inutile d’en rajouter. CPR-Ennahdha représentent bien le peuple, mais ils sont loin de représenter la VOLONTÉ du peuple tant que 51% des électeurs ne les ont pas choisis à l’issue d’un scrutin à deux tours.

Dans les coulisses du pouvoir, il y a d’autres signes qui ne trompent pas de la volonté manifeste du pouvoir d’ajourner aux calendes grecques toute alternance. Il suffit d’écouter l’entourage des radicaux d’Ennahdha tels Rached Ghannouchi ou Sadok Chourou.
Dans les administrations, plus d’un haut responsable nous exprime le manque profond de connaissances des ministres et secrétaires d’Etat et qui, malgré cela, essaient d’imposer des décisions aberrantes. On nous parle même d’un ministre qui veut un avion privé pour ses déplacements !
Et on constate, impuissant, le népotisme avec ces ministres qui ont « tous » nommé des parents à eux dans les administrations, dixit le ministre de l’Emploi !
Dans le milieu financier, on s’inquiète de plus en plus de la volonté de fragilisation de l’actuel gouverneur de la Banque centrale. Il suffit de lire les journaux, pro régime, qui s’attaquent à lui. Même El Fejr (organe d’Ennahdha) s’est invitée à la partie de lynchage allant jusqu’à prendre à témoin la déclaration d’un homme d’affaires à la réputation plus que sulfureuse.
Dans le milieu des affaires, on regarde l’avenir avec inquiétude et on se refuse d’investir.
Dans le milieu des investisseurs étrangers, on reste béat devant les déclarations de Sadok Chourou ou de Habib Khedher.

Chez les observateurs politiques internationaux, on est étonné quand un chef de gouvernement relativise la gravité des échanges de tir à la Kalachnikov et on est inquiets face aux agressions physiques et verbales perpétrées par des milices organisées et impunies à l’encontre des médias et des opposants. Tout comme l'impunité de ceux qui ont crié "mort aux juifs" devant l'aéroport. 
Dans les cercles diplomatiques, on est tombé des nues suite à la décision de renvoyer l’ambassadeur syrien en sachant, pertinemment, qui se cache derrière cette décision. C’est un signe qui ne trompe pas sur les nouvelles « amitiés profondes » de la Tunisie.
Dans le milieu des médias, on se demande combien de temps on pourra résister face à l’acharnement, proche du harcèlement, d’obliger les médias à (re) devenir des porte-voix du régime.
Dans le milieu de la police, on ne comprend pas ce silence politique devant les salafistes, alors qu’ils sont tous fichés. On comprend moins ces libérations de délinquants et criminels.

Un jour, Rached Ghannouchi a déclaré que la Tunisie a marché grâce au consensus depuis la révolution. C’était avant les élections.
Même s’il pense aujourd’hui le contraire, la phrase de M. Ghannouchi demeure encore valable ; la Tunisie a encore besoin de consensus pour avancer.
Le couple Ennahdha-CPR, leurs milices, obligés et fayots, peuvent continuer leur arrogance, mais qu’ils sachent que celle-ci ne les mènera pas loin, car la volonté des 6,9 millions de Tunisiens finira par primer sur celle des 1,8 million de Nahdhaouis-CPRistes.

05/02/2012 | 1
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