
L’Institut national de la statistique (INS) a été en vedette la semaine dernière avec la publication des résultats du recensement national samedi et, deux jours avant, les chiffres de la croissance trimestrielle.
L’INS est une des toutes dernières citadelles de l’État jouissant encore d’une certaine crédibilité, grâce au sérieux de ses données. Ses chiffres sont considérés comme crédibles et restent, pour le moment, à l’abri de toute manipulation politique. C’est comme le tableau de bord d’une voiture qui permet au conducteur de connaître l’état exact de son véhicule.
Au vu de ce qu’a publié l’INS, force est de constater que les voyants rouges de ce tableau sont allumés un peu partout.
Le gouvernement atteint à peine 50% de son maigre objectif
Si le recensement appelle des débats profonds, le chiffre de la croissance devrait faire réagir immédiatement les gouvernants.
Le taux de 1,6 % au premier trimestre 2025 n’augure rien de bon. La Tunisie s’éloigne dangereusement des objectifs fixés dans sa Loi de finances (3,2 %). Ce chiffre, pourtant soutenu par l’agriculture et le tourisme, masque un déséquilibre structurel aggravé, une balance commerciale déficitaire, un investissement anémié, et une politique économique incapable de générer un véritable rebond. L’avenir immédiat s’annonce périlleux.
Pire encore : sur un trimestre glissant, l’économie a reculé de 0,2 %, ce qui pourrait annoncer une stagnation, voire une entrée technique en récession si la tendance persiste.
Les prévisions de la Banque mondiale (2,2 % corrigée à 1,9%) et du FMI (corrigée de 1,6 % à 1,4 %) ont été elles aussi démenties. Ce consensus cassé illustre à quel point la dynamique économique tunisienne est non seulement faible, mais imprévisible. La déconnexion entre les projections macroéconomiques et la réalité du terrain devient systémique.
Une croissance tirée artificiellement par l’agriculture et le tourisme
Le moteur principal de la croissance est l’agriculture (+7 %), grâce à une bonne saison et à une reprise partielle des exportations. Le secteur touristique (hôtels, restaurants, cafés) a, lui aussi, progressé de 5,7 %. Mais ces deux secteurs, par nature fragiles et cycliques, ne peuvent constituer une base de croissance durable.
La demande intérieure a crû de 3,7 %, portée par la consommation. Mais cette dynamique s’est accompagnée d’un déséquilibre croissant avec l’offre : les importations ont bondi de 8,6 %, tandis que les exportations n’ont progressé que de 4,5 %. La balance commerciale nette a donc amputé 2,4 points de croissance, ce qui est considérable.
Autrement dit, la croissance tunisienne est artificielle, nourrie par la consommation et les importations, avec un déficit extérieur qui se creuse. Un modèle basé sur la dette, l’informel, et les transferts de la diaspora.
L’instabilité réglementaire dissuasive
Le chiffre de 1,6 % n’est pas une simple contre-performance. Il révèle une impasse structurelle : industrie stagnante, investissements en berne, exportations molles, et moteurs de croissance aléatoires. L’instabilité réglementaire (lois punitives, opacité fiscale, insécurité judiciaire) achève de dissuader l’investissement.
L’État, comme les institutions internationales, peine à anticiper la réalité économique du pays. Il gère à court terme, sans vision industrielle, ni réforme structurelle de la dépense publique, ni programme incitatif sérieux.
Et le pire reste à venir
Au 4e trimestre 2024, la croissance était de 2,4 %. Le gouvernement promettait de la porter à 3,2 % en 2025. Il n’a même pas réussi à tenir cet objectif minimal.
Entre-temps, la nouvelle loi sur les chèques est entrée en vigueur, chamboulant l’économie nationale.
Au 2e trimestre, une autre mauvaise surprise attend le pays : la loi interdisant la sous-traitance et l’intérim.
Chez les aficionados de Kaïs Saïed, on applaudit à deux mains cette future loi censée mettre fin au travail précaire.
Leurs connaissances économiques sont comparables à celles de Mouldi el Banney en physique quantique. L’amère réalité va les surprendre.
S’ils croient que les entreprises vont arrêter de recourir à la sous-traitance ou à l’intérim, ils se fourrent le doigt dans l’œil.
Face à une concurrence rude, nationale et internationale, les entreprises n’ont plus de marge. Leur imposer des CDI pour des besoins ponctuels, c’est les conduire tout droit à la faillite.
Elles ne se soumettront pas. Elles vont ralentir. C’est mathématique. C’est du bon sens.
Vous ne voulez pas de travail précaire ? Essayez le pas de travail du tout !
Les gros employeurs, notamment les usines étrangères exportatrices, planifient sur plusieurs années. Leur départ est une question de rentabilité. Si la nouvelle législation rend leur modèle non viable, ils iront voir ailleurs. Et ce jour-là, ce ne sont pas les slogans populistes qui paieront les salaires.
La Tunisie ne manque pas de lois. Elle manque de jugeote.
En l’espace de quelques mois, le pays s’est tiré deux balles dans le pied : la première avec une loi absurde sur les chèques, qui a tétanisé les circuits financiers informels et réglementaires sans les remplacer ; la seconde avec une loi en préparation qui prétend abolir le travail précaire sans comprendre pourquoi il existe.
La première a gelé les flux. La seconde va casser les rouages. Et tout cela est présenté comme des « réformes sociales » ou des « avancées morales », alors qu’il ne s’agit que d’illusions populistes habillées de vertu.
Personne, dans les cercles du pouvoir, ne semble comprendre ce qu’est une chaîne de valeur, un seuil de rentabilité, une gestion des pics de production, ou même une stratégie d’exportation.
À ce niveau d’ignorance, ce n’est plus de l’amateurisme, c’est du sabotage.
Les entreprises, elles, comprennent très bien ce qui les attend : une pression réglementaire croissante, une insécurité juridique permanente, et bientôt, une impossibilité d’adapter leurs effectifs à la réalité du marché.
Elles ne vont pas négocier. Elles vont ralentir, ou partir. Et personne ne les retiendra avec des discours ronflants et des menaces juridiques.
On ne dirige pas une économie comme on anime un comité de quartier. Et on ne décrète pas le plein emploi à coups d’interdits.
Si le régime persiste dans sa logique punitive, sans comprendre les ressorts élémentaires de la compétitivité, ce n’est pas seulement la croissance qui s’effondrera. C’est l’économie tout entière. Et avec elle, la paix sociale.

j ai tjours parl2 de trahison personnellement
F=1/2 Ro C V² S pour déchiffrer la pression...