La désignation de Youssef Chahed pour former le nouveau gouvernement a constitué l’événement phare de ces derniers jours et a été présentée comme une reconnaissance des compétences des jeunes et de leur capacité à prendre la relève. Ceci n’est pas totalement faux et la désignation de Chahed, quelles que soient les raisons qui ont motivé le choix du président de la République, constitue une rupture avec une logique et une manière de gérer les affaires publiques. Jusque là, et durant des décennies, les responsabilités politiques étaient monopolisées par les seniors. Certains parmi eux, à l’instar de l’ancien président Ben Ali, se cramponnent aux vestiges de leurs jeunesses au point de devenir ridicules. Cette situation a même empiré après la révolution. Le paysage politique tunisien reste dominé par les seniors dont la plupart sont nés au cours de la première moitié du siècle dernier : Béji Caïd Essebsi bien entendu, mais aussi Lazhar Karoui Chebbi, Mohamed Ennaceur, Habib Essid, Rached Ghannouchi, Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jâafar, Néjib Chebbi ou encore Hamma Hammami et tant d’autres.
Mais le nouveau chef de gouvernement désigné ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, ni occulter les problèmes réels de la jeunesse tunisienne, une jeunesse qui vit toujours dans la précarité, qui a du mal à continuer à rêver d’un lendemain meilleur tant le quotidien est déprimant. Youssef Chahed est jeune certes, mais il n’est pas représentatif de la jeunesse tunisienne.
La semaine dernière, un jeune étudiant a tagué la statue de Bourguiba. Il a été arrêté et traduit devant le tribunal avant d’être relâché, profitant de quelques failles procédurales dans son dossier. Sans cautionner les actes de dégradation des biens publics, le comportement de ce jeune tunisien mérite réflexion. Il nous interpelle tous sur la situation des jeunes au sein des partis politiques et dans l’espace public en général. Au sein des partis et des organisations, les jeunes assument les petites besognes. Ils sont juste bons pour donner de la voix et assurer le service d’ordre lors des manifestations, la distribution et l’affichage des tracts au cours des campagnes électorales, la mise en place des salles de réunions et le ramassage des chaises à la fin des meetings. Même maladroit, le geste de ce jeune étudiant traduit le besoin de s’exprimer par sa propre voix. Taguer la statue de Bourguiba, en face du ministère de l’Intérieur émane d’un besoin de s’adresser aux symboles pour sortir de l’anonymat.
La semaine dernière aussi, le hasard, aidé par le voyeurisme des réseaux sociaux, nous a fait découvrir ce jeune homme titulaire d’un doctorat et travaillant comme serveur dans un restaurant de méchoui. Qu’il soit diplômé n’a rien d’exceptionnel dans un pays où prés d’un quart de million de jeunes diplômés sont au chômage. Mais ce qui fascine et interpelle chez lui, c’est sa volonté de s’en sortir par ses propres moyens. Le message qu’il nous renvoie, comme un os de notre méchoui avalé par mégarde et qui est resté en travers la gorge, c’est qu’il n’attend rien de l’Etat et de ses structures défaillantes, avant et après la révolution. En cela, il rappelle le cas de cette jeune licenciée de mathématiques qui, dépitée par un concours de CAPES rongé par la corruption, a troqué son diplôme contre un bâton de bergère. Les maths ne lui ont pas permis de résoudre l’équation à plusieurs inconnus de son existence difficile. Ses moutons et ses brebis lui ont garanti l’autonomie et la dignité.
La semaine dernière encore, un jeune bachelier de dix neuf ans a trouvé la mort en tombant du haut d’un immeuble. Il fuyait le voyeurisme, et l’envie d’une adulte qui s’est crue défenseur d’une morale hypocrite pour se retrouver dans les faits responsable d’un drame qui la hantera pour longtemps. Ce jeune homme est mort parce qu’il a demandé peu de choses : un coin de sérénité et un moment d’intimité avec la jeune femme qu’il aime. Son tort, comme celui de beaucoup de jeunes est de poursuivre le rêve de l’épanouissement et du bonheur dans une société dominée par des adultes désabusés et aigris.
Tous ces jeunes ne sont certes pas, eux aussi, représentatifs de la jeunesse tunisienne. Mais ils représentent des profils très répandus au sein de cette jeunesse. Pourtant, aucun d’entre eux ne sera chef de gouvernement.


Commentaires (34)
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La différence
LES JEUNES DITES VOUS !!!!
les lobbies savent quand il faut faire rentrer un jeune en cours du match...
Donc necessité pour l'adversaire de temporiser le jeu et operer à des changements.
Vous allez voir que les raisons vont se multiplier pour mettre dans les placards tout ceux qui risqueront encore de bouleverser le jeu dans les rouages de l'Etat. Le slogan sera de mettre des jeunes telecommandables â distance.
On espère que BCE et YC sauront operer aux manoeuvres nécessaires pour que le bateau ne coule pas
excellent
Trois jeunes...et les autres
Il est jeune mais ça ne suffit pas!
Discours de "jeunesse": un discours discriminatoire et non synchrone
1-il s'agit plutôt d'une vérité utilisée pour parodie et soupoudrage pour se donner une image de moderne d'ouvert plutot que d'avoir de vrais solutions pour les jeunes.
Les entraineurs novices ou en défaillance de capa de com et de conviction vis à vis des séniors ont recours souvent à de tels subterfuges..
2- il s'agit d'un critère discriminatoire par excellence. Pourqoui a t on eliminé la limitation d'age pour l 'accès au poste de commandement suprême? Pourquoi les tunisiens ont ils choisi un commandant de bord qui sortira en 2019 à 93 ans?
Pourqoui la retraite des allemands est décalée â 65 ans?
3- l'anachronisme et l'incompatibilité de ce critère d'age apparait par rapport aux discussions en cours pour décaler la sortie en retraite â 65 ans. Donc si la nouvelle perception gouvernementale fera passer le message que celui qui a 45 ans est désormais considéré comme dépassé, alors aller comptabiliser le nombre de blasés dans les admin et les entreprises ....?
Enfin@ yanamare: Tu m'as parue jeune et sympa pourtant.
Superficiel.sans intérêt. ...
@ Alex
Si par exemple on veut concevoir et produire une voiture ou un avion, il y a un gros savoir faire, mais tout passe d'abord par le travail des ingénieurs et des techniciens. Le savoir faire ne donne rien sans le savoir, et réciproquement...