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Chroniques
Sfax, terre de paradoxes
12/12/2017 | 15:59
5 min

 

Sfax est un monde à part. Dans cette petite planète, les règles ne sont pas les mêmes que dans le reste du monde. Ceux qui connaissent la ville, ou qui y ont vécu un moment, comprendront sans doute ce que je veux dire.

Les Sfaxiens ont cette manière de vivre bien à eux. La capitale du Sud, même si elle trône au milieu de 4 autres villes, fonctionne un peu en mode insulaire. Ici, on est dans un monde particulier, et dans ce monde particulier, on n’est jamais contents.

 

Samedi, l’installation de la statue de Bourguiba au centre-ville de Sfax a suscité une vive polémique. A tort ou à raison, nombreux riverains n’ont pas apprécié que la reproduction équestre de l’ancien président trône de nouveau au milieu de la ville. Cette statue qui faisait, avant, la fierté de Sfax, été déboulonnée et cachée dans un entrepôt, en 1987, au lendemain de l’accession de Ben Ali. La municipalité a décidé, il y a quelques jours, de la dépoussiérer et de lui redonner sa place dans le quotidien des habitants. 30 ans après, la ville aura enfin la chance de se rabibocher avec son Histoire.

 

Mais cette histoire, certains la voient d’un mauvais œil. Qu’on adule ou qu’on déteste l’ancien président Bourguiba, on ne peut contester sa place dans l’Histoire du pays. Dans l’installation de cette statue, les deux visions se défendent. Certains y voient un hommage au « Père de l’Indépendance », d’autres le regardent narguer de haut cette ville qu’il n’a jamais aimée.

 

Entre ceux qui ont accueilli la statue de Bourguiba à bras ouverts et ceux y voient un clin d’œil à une dictature qu’ils aimeraient bien enterrer, existe un monde de paradoxes. A Sfax, on se dit toujours victime d’une marginalisation qui n’a que trop duré. Cette marginalisation n’est certes pas une légende urbaine, elle a vraiment existé. Cette marginalisation est perceptible à travers son infrastructure vétuste, son autoroute récente, son aéroport désert, ses projets insuffisants et sa « maudite » SIAPE.

Mais même si cette marginalisation n’est, aujourd’hui, que le fruit de décisions vieilles de plusieurs dizaines d’années, on la brandit encore pour expliquer tous les maux dont souffre Sfax. Celle qui devrait avoir tout pour elle et dont le pouvoir a été trop souvent miné par une volonté politique de l’asservir reste encore plus minée par une victimisation qui est plus facile à brandir que de se retrousser les manches et de se remettre au travail.

 

Il est temps aujourd’hui que Sfax accepte enfin son histoire et avance. Accepte que les symboles du pays tout entier se côtoient, au quotidien, par ses habitants. Accepte une version inaltérée de l’histoire et y reconnaitre, enfin, aussi, sa part de responsabilité. Ce sera l’unique manière pour elle d’avancer et de reprendre ses lettres de noblesse dans un pays qui ne lui veut plus de mal.

Si la ville n’arrive pas à trouver sa véritable place, ce n’est pas uniquement le manque de volonté politique qui est à blâmer. Les habitants restent coincés entre une époque glorieuse où ils étaient reconnus pour leur résistance et courage et un autre passé, moins glorieux, où ils ont vu leur ville enlaidie par les politiques qui se sont succédé.

 

Sfax a tout d’une grande. L’industrie, les services, un esprit entrepreneurial qui fait sa particularité, un enseignement pionnier dans le pays et une histoire riche. Mais la ville refuse de renouer avec son passé et d’avancer.

Malgré tout ce qu’on peut en dire, Sfax, la résistante et la militante, a plié devant les tentatives politiques de l’asservir. Les fortunes de la région ont plié bagages et sont parties à la recherche de meilleurs cieux où s’installer. Alors qu’on reproche à la capitale d’avoir tout pour elle, les Sfaxiens y sont aussi (en grande partie) pour quelque chose. Ils ont quitté leur ville, où il ne faisait plus bon vivre, et ont décidé d’investir leur argent ailleurs. Le capital est certes frileux et l’argent attire l’argent, mais au lieu de pleurer une époque révolue, il y a lieu de se remettre sérieusement en question.

 

Les jeunes générations portent aujourd’hui encore, ce lourd fardeau de victimes longtemps trainé par leurs parents. Au lieu de voir l’avenir, ils s’attardent trop sur le passé. Un passé qu’ils refusent pourtant de voir. Réconcilier Sfax avec son histoire, au-delà de la récupération politique (sans doute justifiée) qui se cache derrière cette inauguration, au-delà de l’aspect anecdotique de cette inauguration, ne peut être qu’une bonne chose.

 

Le retard dont Sfax a souffert pendant des années, et dont elle souffre encore aujourd’hui, malgré son énorme potentiel, n’est pas un hasard. Il est le fruit d’une politique bien réfléchie  et qui a réussi. Mais ceci n’est plus le cas aujourd’hui et la ville a non seulement les moyens mais aussi la responsabilité de se sortir du bourbier.

 

Aujourd’hui, les politiques ne sont plus les mêmes et Sfax peut reprendre sa place et redevenir, réellement, une capitale industrielle. Elle peut repenser son modèle de gouvernance et trouver des solutions qui s’adaptent plus à la réalité du pays tout entier. Des solutions qui envisagent d’autres éventualités que celles d’une totale autonomie et d’une rupture avec le reste du pays. Parce que cette victimisation devient tout simplement ridicule à l’heure où le changement devient possible…

 

 

 

 

12/12/2017 | 15:59
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Commentaires (32)

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Nejib AMMOUS
| 02-01-2018 20:13
Un problème n'est jamais la conséquence d'une unique cause
En effet, la problématique de la ville de Sfax trouvent ses racines dans
- L'absence d'équité de l'Etat envers les régions depuis l'indépendance chose bien reconnu aujourd'hui par tous ; malheureusement ceci continue
- La gouvernance locale a été toujours maigre ?
- Les Directions régionales qui représentent les Ministères sont inactives ?
- Absence quasi-totale de développement dans les délégations de Sfax : Bir Ali, Skhira, Aghareb, Menzel Chaker , Ghriba, Mahares, Elaamra , Jebeniana , Elhench, Menzel chaker
- La marginalisation des délégations de Sfax a été la cause d'un exode vers la ville de Sfax donnant naissance à deux grands quartiers anarchiques : l'un voisinant la SIAPE ( cote Ouest ) et l'autre l'NPK (cote est)
- La pollution de la ville de Sfax à travers les deux usines chimiques SIAPE et NPK
- Fuite des hommes d'affaires de la ville en raison de la pollution et de la qualité de vie devenue médiocre
L'article mentionne « ''' Aujourd'hui, les politiques ne sont plus les mêmes et Sfax peut reprendre sa place et redevenir, réellement, une capitale industrielle. » :
La nouvelle constitution stipule la décentralisation de la gouvernance ; les pouvoirs actuels semblent vouloir revenir sur ce concept pour retourner à la gouvernance Centrale et maintenir le statuquo !
Alors , il ne faut pas tout imputer aux citoyens de Sfax

J.trad
| 22-12-2017 09:45
Les sfaxiens se sont rué sur la capital la capitale ,ils ont envahie tounis (tounis ,son nom est tiré du substantif ouns) les sfaxiens sont venu accentuer(alons) la capitale est resplendissante ,elle est plus que animée ,plus que peuplée ,tout le dinamysme'des sfaxiens est dans son pleint ,on a pas besoin de détailler ,il va falloir craindre ,une réaction de protestation de la part des tunisois ,mais où sont les tunisois??!!! Le problème est dans la capitale ,la grogne va-t-elle ,être contre l'excès du (ouns) à Tunis???!! ,Sfaxs(mostawhicha) et tounis a le vertige ,!!! Voilà qui sucite le sourire ,pour ne pas dire l'inquiètude,..

Mister
| 20-12-2017 19:38
Bravo pour le commentaire de l incivisme très choquant à Sfax.Il est quand même bizarre que dans la ville où les gens ont plus de diplômes , que les comportements dans la rue et en particulier soient dignes de sauvages sortis de je ne sais quelle planète. Ceci démontre que notre pays est composé de beaucoup de barbares,à l instar de beaucoup de maghrébins.Par ailleurs bravo Synda pour cet article. Le mal du passé vient du fait que sous Bourguiba et surtout Ben Ali, une propagande de haine anti-sfaxienne a eu lieu , de la bande de ce dernier cite , tel un militaire connu et un homme d'affaire, comme par hasard originaires de la même région, où on enseigne la haine dès l enfance .Une région que la journaliste connaît très bien...

babamomes
| 19-12-2017 10:24
Borquiba a gouverne´ la tunisie d une main de fer avec un gant de velour pendant plus de 30 annees et ca suffit, le supporter encore plus NON merci, il n a pas su sortir par la grande porte ni laisser un soupcon de democratie dans le pays au contraire il a legue notre patrie a un dictateur plus feroce que lui et l histoire réelle ne lui pardonnera jamais

atlas69
| 15-12-2017 17:57
Lavage de cerveau venant de chefs de tribus adepte de la régression et de la non civilisation.
Une jalousie sans limite et sans scrupule pour attiser que la haine de l'autre.

Pendant que les enfants de goumiers ( les collaborateurs et les harkies en tout genre) essayent de ré inventer l'histoire nous petits et enfants de felleguas Bourguiba aura toujours sa place dans nos coeurs et ceci malgré ses erreurs et ses convictions personnels.

Et je réitère un ancien post concernant la venu de la statue de Bourguiba ,ce qui ont manifesté leur opposition ne sont pas des Sfaxiens et encore moins des Tunisiens , certains et certaines me comprendront.

Et je me fiche que certains me traite de régionalistes ou de que quoi que ce soit , je me melange et melangerai jamais avec ces incultes barbares venus d'ailleurs et qui osent refaire l'histoire de mon pays.




CONQUERANT
| 13-12-2017 17:52
Et méfions-nous des élans simplificateurs qui nous laissent le bec dans l'eau et Gros-Jean comme devant. Le Tunisien, qu'il soit de Sfax, Sousse, Bizerte, Kébili ou de Djerba est porteur de la même humaine condition. Il véhicule en lui les mêmes aspirations et les mêmes contradictions. Il sait être généreux et lucide quand il le faut comme il sait sortir le grand jeu pour sauvegarder ses intérêts quoi qu'il lui en coûte. Ne rallumons pas le feu du régionalisme, synonyme de division et de sous-développement. C'est toute la Tunisie qui est une terre de contrastes. Elle doit cependant l'assumer pour avoir raison des germes du séparatisme qui prolifèrent çà et là. Convoquons, encore une fois, Bourguiba puisqu'on parle de son épopée Sfaxienne !
Auriez-vous oublié le ramdam que la réinstallation de sa statue équestre a occasionné à Tunis il y a peu ? Partisans comme adversaires s'en donnaient à c'ur joie. Glorification EXCESSIVE pour les uns, déni MANIFESTE de l'histoire pour les autres. A chacun sa vérité. Celle de Bourguiba fut des plus méritoires puisqu'il a mené un combat sans merci contre cette part d'ombre qui nous habite, "L'A3rouchia," pour ne pas l'oublier ; c'est à dire l'enfermement clanique dans des identités assiégées et meurtrières : "Sahéliens" contre "Sfaxiens", "Nordistes" contre "Sudistes". Un danger mortel qu'il a tenté d'endiguer peu ou prou pour le seul bonheur de la "Tunisie". Le communautarisme d'où qu'il vienne est à rejeter par conséquent.
Nous gagnerons beaucoup, en effet, à nous éloigner de ce faux élitisme. Je n'y perçois qu'une forme exacerbée de la haine fratricide qui nous a tant fait mal dans le passé et qui revient, hélas, en courant non seulement à l'échelle du pays mais aussi à celle du monde. La guerre menée contre les États-nation a pour corollaire le réveil du communautarisme. En jouant sur la spécificité de chacun on ne fait que souffler sur la braise d'un feu incandescent prêt à repartir ; celui des appartenances tribales, expression d'un déclin sans lendemain. Regardez-en les ravages dans la Libye voisine.
« Il n'y a rien qui soit d'un seul bloc de ce monde, tout y est mosaïque » rappelle Balzac ; certes. Mais, la Tunisianité, c'est précisément cette mosaïque qui se tient, enchâssée qu'elle est dans un TOUT indivisible.
Pour ma part, aspirant à une forme d'unité, il m'est tout à fait impossible de renoncer à la totalité des valeurs nationales ' comme il m'est impossible aussi d'opposer radicalement le "Ka3k Ellouz Sfaxien" au "Makroud Kairouanais" pour complaire à ma nature gourmande.

TeTeM
| 13-12-2017 15:01
En ce qui concerne, la fameuse statue je n'ai pas d'avis particulier. Bourguiba a une place à part et avoir sa statue à Sfax ne me choque pas. Après, on est pas non plus obligé d'avoir une statue du Zaim dans toutes les villes de Tunisie...

Maintenant quand on connait l'état des infrastructures, on peut tout de même se demander si cet argent n'aurait pas été mieux employé ailleurs....

@Sfaxi
| 13-12-2017 15:00
Sfax doit d'abord diminuer les religieux politiques qui harcèlent la région et veulent mettre la main partout pour le compte de certains Partis fanatiques financés par certains Pays du Golfe ensuite se débarrasser de la SIAPE et faire revenir ses cerveaux pour remettre tout sur pied.Pour ce qui concerne Bourguiba, je suis bien d'accord avec Zohra que je remercie d'ailleurs.

TeTeM
| 13-12-2017 14:59
Sfax, la ville de l'incivisme

Ceux qui ont déjà conduit à Sfax le savent. Si le civisme et la Tunisie font deux, il ne fait nul doute que Sfax est LA capitale tunisienne (et mondiale?) de l'incivisme. Chacun veut être le premier, tout le monde veut avoir mieux que son voisin...

Il n'y a pas de conscience collective et donc pas de projet collectif. La fameuse main invisible dont parle Adam Smith n'existe pas à Sfax.

Il est vrai que beaucoup de Sfaxien ont déserté la ville pour recherche une terre plus favorable au développement de leur activité. On peut le leur reprocher mais ça serait une erreur. Car s'ils ont délaissé leur ville, ils ont à l'inverse 'uvré pour le bien de la Nation. Pour la Tunisie, il vaut mieux avoir un Sfaxien qui produit 200 à Tunis qu'un Sfaxien qui produit 150 à Sfax. Et le bien de la Tunisie passe avant celui d'une ville ou d'une région ;). Le soucis n'est pas de déserter Sfax mais de ne peux pouvoir y développer la même activité à investissement égal ;).

Sfax au carrefour des influences.

L'autoproclamée capitale du Sud est dans une sorte de paradoxe qui fait qu'aujourd'hui la ville se cherche un peu. Entre le modernisme du Nord et le traditionalisme, soupoudré d'une couche de néoislamisme venu du Sud. Le flux migratoire est aussi à prendre en compte. Sfax est un melting pot du Sud. Beaucoup de personnes originaire de Sidi Bouzid et autres villes du Sud viennent s'établir à Sfax. Le flux migratoire de la ville n'est pas négatif, il est au contraire positif ;). Ceci pose d'ailleurs un soucis d'urbanisation anarchique. Exit les belles villas Sfaxiennes, places aux immeubles qui poussent partout et n'importe où. Là encore, les autorités compétentes laissent faire au lieu de réguler tout ça. Bref, avec ce flux migratoire, il ne faut pas s'etonner que Sfax soit assez "islamisé" sachant que d'une manière générale, les Sfaxiens étaient déjà réputé être plus traditionaliste.

Quand j'étais plus jeune, je disais que Sfax était un village géant (tous le monde se connait, tout le monde médit sur tout le monde, etc...).

Je pourrais encore dire beaucoup de chose sur Sfax afin d'expliquer le paradoxe Sfaxien mais cela prendrait beaucoup, beaucoup de temps...

TeTeM
| 13-12-2017 14:59
Bien que vivant à Paris, je suis d'origine Sfaxienne et j'y passe donc mes vacances estivales. Ceci me permet d'avoir un regard externe sur cette ville et son évolution. Je ne partage pas tout à fait les analyses présentés dans cette article qui manque, à mon avis, un peu de profondeur !

Sfax la mal-aimé de la Tunisie.

Sans vouloir tenir un discours régionaliste, il est évident que Sfax est un paradoxe. La capitale du Sud est aussi le 2ème ou 3ème plus gros Port commercial du pays, le poumon industriel de notre pays et sa mégalopole est la 2ème de notre nation, loin derrière Tunis mais un chouia devant Sousse!

Pour autant, les infrastructures ne sont pas dignes du statut de cette ville. Je ne parle pas de l'aéroport dont l'activité est faible notamment en raison de l'absence d'activité touristique à Sfax (mais on ne peut pas faire de tourisme dans toute la Tunisie en même temps). Par contre l'état du réseau routier, la nullité des transports en commun, les pannes fréquentes de courant et la qualité de l'eau proposé par la SONEDE sont tout simplement indigne d'une ville de cette envergure.

Ceci est le fruit de décision passée, certes mais la révolution n'a pas apporté d'investissement nouveau permettant de remettre à niveau ces équipements. Pire les choses se dégradent !

Quant au projet Taparura qui avance à la vitesse d'une limace, rappelons tout de même qu'il avait été acté sous ZABA... Je ne suis pas un fan de l'ancien dictateur mais j'aime rendre à César ce qui lui appartient !

Enfin, si l'Etat est coupable, il ne faut pas minorer la responsabilité de la municipalité qui est aux abonnées absentes. En ce sens, j'attends avec un impatience de voir si les municipales vont permettre de faire bouger Sfax ou si ça va la faire sombrer dans un naufrage (cas d'une victoire de la colombe bleu).