Planer n'est pas un crime !
C’est le week-end. Jeunes et moins jeunes s’apprêtent à sortir faire la fête. Certains rentreront chez eux après avoir passé une bonne soirée, d’autres verront leur soirée se transformer en un véritable cauchemar. La raison ? Le simple fait d’avoir fumé un joint et de jouer de malchance en se faisant attraper et contrôler positif. Des centaines, voire des milliers de Tunisiens ont vu leur vie détruite pour un brin de fumette. Près du tiers de la population carcérale en Tunisie est composé de consommateurs de drogues. Qui parmi nous n’a pas connu, un ami, un cousin ou un camarade de classe qui est passé par la case « un an et une Vespa » ?
Consommer du cannabis c’est un grand péril, c’est risquer de se retrouver acculé à la compagnie de criminels qu’on n’aurait jamais pensé côtoyer un jour. La fameuse Loi 52, c’est donner en pâture de jeunes élèves et étudiants aux bandits, c’est risquer de les voir embrigadés par tel ou tel réseau ! Tout cela avec la bénédiction d’un système qui, disons-le, en profite au maximum.
En examen actuellement, l’abrogation de cette Loi 52, censée avancer les choses, semble faire un bond en arrière. La question du maintien de la sanction pénale est remise sur la table. A quoi auraient servi tous ces débats enflammés, si le caractère répressif et pénalisant était maintenu dans le nouveau projet de loi ? Pourquoi ne pas donner un coup de pied dans la fourmilière et oser dépénaliser pour de bon la consommation de cannabis ! Pourquoi mettre les drogues douces et celles dures, dans le même panier ? C’est que le conservatisme dans ce pays a justement la dent dure ! Un conservatisme d’une certaine classe politique déconnectée de la réalité sociale, en rupture totale avec une jeunesse exclue du débat et dont la voix tombe dans des oreilles indifférentes.
Dépénaliser aujourd’hui et on nous poussera demain à légaliser l’usage ou la commercialisation de la « Zatla ». Et puis quoi encore, diront certains ! Ainsi, l’emprisonnement reste l’unique moyen, dans l’esprit de quelques-uns de nos députés, menant à la lutte contre la consommation du cannabis. Mais est-ce véritablement la seule issue ? La criminalisation et les sanctions répressives ont-elles jamais été la solution au problème, ou au contraire à l’origine d’innombrables dérives ? Cet état des faits ne contribue-t-il plutôt à alimenter l’interdit et les réseaux de trafic ? Les sanctions pénales sont-elles parvenues à freiner la consommation ? Incontestablement non ! En Tunisie, fumer un joint se banalise, se démocratise et de plus en plus de jeunes en consomment. Axer plutôt sur la prévention et la sensibilisation ne serait-il pas plus judicieux ?
Le constat de l’échec du dispositif répressif et l’insuffisance, voire l’absence, même de politiques de prévention, ne permet pas de camper sur les dispositions d’une loi qui a démontré, à plusieurs niveaux, ses limites. Dépénaliser l’usage du cannabis évitera de briser des vies mais aussi réduira les charges des forces de police et de la justice. Les consommateurs de cannabis n’ont rien à faire dans des prisons déjà surpeuplées !
Aujourd’hui, la société civile se mobilise et fait pression sur les députés pour que la peine d’emprisonnement soit supprimée. Pour certains politiques, les langues se délient et on ose soutenir la dépénalisation pure et simple de l’usage des drogues douces. Les défenseurs de cette cause ont trouvé un soutien là où ils s’y attendaient le moins en la personne de Lotfi Zitoun, haut dirigeant du parti islamiste Ennahdha. Un pied de nez à l’inertie de partis qui se proclament pourtant progressistes.
A l’heure où plusieurs pays se sont engagés sur la voie de la dépénalisation ou la légalisation des drogues douces, la Tunisie traine de la patte. On tolère la consommation de l’alcool ou du tabac, drogues dites conventionnelles, mais quand il s’agit du cannabis, c’est la cabale qui se met en place en dépit des milliers de jeunes qui croupissent dans les prisons ! Le débat est tout de même ouvert. Attendons de voir !