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Nour Mouakhar réclame justice et vérité pour son père auprès de Kaïs Saïed
19/06/2023 | 09:58
6 min
Nour Mouakhar réclame justice et vérité pour son père auprès de Kaïs Saïed


Nour Mouakhar, fille de l’ancien ministre des Affaires locales et de l’Environnement Riadh Mouakhar, a adressé une lettre ouverte au président de la République Kaïs Saïed réclamant justice et vérité pour son père en prison depuis février 2023. 

Cette lettre intervient après que la juridiction en charge de l’affaire de l’ancien ministre a rejeté la demande de remise en liberté de Riadh Mouakhar. Celui-ci a, rappelons-le, été interpellé dans le cadre d’une affaire de corruption en lien avec l’acquisition de voitures de fonction pour les unités de la police de l’environnement.

Riadh Mouakhar a été placé en garde à vue le 28 février. Un mandat de dépôt a ensuite été émis à son encontre le 9 mars. 

Dans sa lettre, Nour Mouakhar a souligné la détresse familiale sollicitant que lumière soit faite sur cette affaire. Ci-dessous le texte intégral adressé au président de la République :

« Monsieur le Président de la République,  

En ce dimanche, jour de la fête des pères, je souhaite vous adresser ces quelques lignes. Aujourd’hui, nous célébrons la fête des pères, un jour où nous rendons hommage à ces figures emblématiques de force, d’amour et de dévouement dans nos vies. Pourtant, cette journée est pour moi teintée de tristesse et d’amertume, car mon père, Riadh Mouakhar, est absent de ma maison et de ma vie. 

Monsieur le Président, je suis convaincue que vous comprendrez combien un père peut jouer un rôle essentiel dans une famille. Ainsi, je me permets de vous solliciter, en tant que Chef de l'État tunisien, mais aussi Père de famille, pour attirer votre attention sur le dossier de mon père qui a été arrêté à notre domicile le 27 février 2023 et qui est toujours incarcéré malgré le fait que les chefs d’accusation contre lui n’aient pas été prouvés.

"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé", a écrit le poète Lamartine. 

Monsieur le Président, je ne suis pas poète, je n'aime ni ne sais écrire mon ressenti, et ne crois pas que le langage humain dispose de mots pour le dire. En revanche, je suis une citoyenne tunisienne qui a une foi profonde dans le sens de l’équité et de justice qui guide notre nation. Je me tourne vers vous aujourd’hui, non seulement en tant que fille de Riadh Mouakhar mais également en tant que citoyenne consciente de l’importance de la présomption d’innocence et de l’État de droit.

Juriste de formation et imprégnée comme lui du sens de l'effort et de l’engagement citoyen, j'ai suivi de près son parcours de médecin mais aussi son expérience politique – courte et intense parenthèse qu'il a ouverte lui-même, porté par l'air de la liberté qui a soufflé sur la Tunisie après 2011 avant de la refermer lui-même en 2019. En effet, mon père a mis fin à toutes ses activités politiques pour se reconsacrer pleinement à son métier de médecin. Loin des partis et de la scène médiatique, il poursuivit la carrière qu’il avait commencé à l’Hôpital Militaire comme Assistant du Chef de Service de Réanimation. Avec les mêmes dévouements et compassion, en première ligne dans la lutte contre le Covid-19, risquant sa propre santé et sa vie pour aider les autres, il fut l’un des vaillants soldats blancs contre cette pandémie destructrice.

Ce parcours riche et varié qu’il s’est choisi et dont je suis fière a été au coeur de nombreux échanges entre nous et, en particulier, lorsque mon père a été assigné à résidence le 6 août 2021 sans justification, ni convocation ou documents officiels. Durant cette période anxiogène, nous avons cherché en vain à comprendre les raisons de cette décision, moi du point de vue juridique et lui en évaluant et réévaluant sa participation au gouvernement. Ensemble, nous avons passé au peigne fin les démarches, procédures, protocoles administratifs …

Après 65 jours et 66 nuits d’incertitude, cette assignation à résidence a été levée aussi soudainement qu’elle avait commencé, sans aucune explication officielle. La joie de retrouver la liberté nous a conduite à nous raccrocher à l’idée que tout ceci n’avait été qu’une erreur, ou peut-être une mesure préventive, assez fréquentes dans les débuts d'actions nouvelles et les tournants de l'Histoire. 

Pourtant, le 27 février, une quinzaine de policiers ont envahi notre domicile et arraché mon père devant nos regards traumatisés et laissant une trace indélébile dans nos mémoires, particulièrement dans celle de mon petit frère qui traverse en ce moment une période insoutenable pour un adolescent de 17 ans : il doit passer l'épreuve du baccalauréat, supporter l'épreuve du manque de notre père, son guide, son soutien et son ami, et l'épreuve d'une incarcération sans preuves avérées et dont la durée semble inconnue. 

J’en appelle donc à vous, Monsieur le Président, vous qui avez dédié votre vie à la noblesse de la justice, à la lettre de la loi et à notre chère Tunisie, pour protéger et garantir la présomption d'innocence de tout citoyen tunisien et, entre eux, de mon père. 

Dans notre État de Droit, la présomption d’innocence fonde tout le système judiciaire, la constitution, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Charte Africaine des Droits de l'homme, et aussi la presse et les autorités publiques. Ceci est aussi devenu mon intime conviction, la présomption d’innocence est l’un des derniers piliers d’une société qui s’écoute dans le respect, qui argumente, réfléchit et comprend que l’autre doit avoir la parole et s’expliquer. Elle est le respect de la justice. Si la présomption d’innocence n’existe pas alors justice n’est plus. 

En ces moments difficiles, on me répète souvent deux mots : "courage" et "patience". Des mots qui résonnent sans cesse à mes oreilles et que je tente d’introjecter et d’en faire ma philosophie. Cependant, Monsieur le Président, je dois admettre que ma patience s'épuise et que mon courage fléchit face à cette situation qui semble interminable.

Monsieur le Président, en ce jour symbolique, je vous écris avec l’espoir et la conviction que vous ressentez, en tant que père, la profonde douleur que nous ressentons. Je suis également certaine que, en tant que chef de l’exécutif, vous tenez au respect et à l’application scrupuleuse de la présomption d'innocence et de l'équité dans notre système judiciaire.

Nous ne demandons que justice et vérité pour mon père. Alors, je vous prie, Monsieur le Président, de veiller à ce que la lumière soit jetée sur cette affaire pour que notre père, l’homme bienveillant, le médecin altruiste, le citoyen engagé et j’en suis profondément convaincue, intègre, puisse être de retour parmi nous. Bien entendu, il se tiendra à la disposition de la justice pendant toute la durée de la procédure d’enquête. 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma profonde reconnaissance et de mes salutations les plus respectueuses ». 

 

N.J

19/06/2023 | 09:58
6 min
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Commentaires
Citoyenne
La ministre de l'injustice
a posté le 19-06-2023 à 13:32
Plus que tout autre cas, celui de Riadh Mouakhar, qui ne fait plus de politique depuis 2019, qui est l'un des premiers et plus brillants medecins-reanimateurs, ( je l'ai connu ds ce cadre) qui n'a rien avour avec le soit-disant "complot contre de l'Etat" est arrêté comme un criminel et embastillé sur des allegations vaseuses, si ce n'est pas de l'injustice, c quoi alors? Et si cette Jaffel n'est pas un agent destruction massive, comment l'appeler? Destruction des familles, et pr le cas de Riadh Mouakhar destruction d'une carriere et d'un nom. Elle finira mal.

NB. J'ai appris que Riadh Mouakhar etait a l'etranger qd la cabale contre lui a éclaté sur fb et que sa proche famille lui a demandé de ne pas retourner au pays. Il a refusé. Bochra Bel Hadj Hmida est plus futée que lui. Il ont cru, lui et sa fille l'avocate, qu'on est ds un "etat de droit" et qu'on a un ministere de la justice. Quelle naïveté !!!
Zarzoumia
Triste
a posté le 19-06-2023 à 12:07
C'est émouvant, un père on en a qu'un, et moi j'ai le meilleur, comme vous. Malheureusement, pour la présomption d'innocence, vous ne frappez pas à la bonne porte. Ce président a dit, un jour, que l'histoire les a condamnés avant même les prononcés judiciaires et que celui qui cherche à les innocenter est leur complice.
Espérons que cette lettre l'aidera à se remettre en question et à revenir aux principes fondamentaux de la justice.
Je pense que ce pouvoir a inventé un récit qu'il essaie de corroborer à travers des incarcérations et des accusations à l'emporte pièces qu'il a du mal à confirmer matériellement. Ce comportement sape toute crédibilité judiciaire et exacerbe notre méfiance. Pire, il risque de discréditer l'idée de la reddition des comptes.
Le débat politique autour de la police de l'environnement explique, peut-être, la nécessité d'un bouc émissaire pour soutenir le récit.
Il faut que cette mascarade cesse et qu'on redonne à la justice son indépendance vis-à-vis de l'exécutif.
NBA
La présomption d'innocence
a posté le 19-06-2023 à 11:06
Le cas de Riadh Mouakhar est un cas atypique de la destruction d'une personne humaine , de surcroît innocente j'en suis convaincu, par l'incarcération ! Pourquoi condamne -t-on les gens avant de les avoir jugé ? Ne peut-on pas interdire à ce monsieur de voyager et l'assigner à résidence et laisser la justice faire son travail? On devrait s'inspirer de ce qui est pratiqué dans les pays démocratiques auxquels on voudrait être assimilé. Les exemples sont nombreux. Fillon, Cahuzac , Juppé, Sarkozy , Balkany , etc'?' les exemples sont nombreux . Cahuzac dont le pot aux roses fut découvert alors qu'il était ministre du budget en exercice, n'avait jamais fait un jour de prison, alors qu'il avait lui-même reconnu avoir volé le fisc. Il faut condamné à 2 ans de prison ferme et contraint à des travaux d'utilités générales à titre de compensation à la prison. Le soir il rentre dormir chez lui.
Et à ceux qui ont enfermé Riadh Mouakhar sans preuves formelles, et si malgré le calvaire et l'incarcération et si malgré l'acharnement, il se révélera innocent ! Comment pourra-t-il se reconstruire après la dévastation de l'incarcération ?! Savez-vous qu'en le mettant en prison , vous l'avez démoli et que vous avez démoli toute une famille.
Je précise que je ne connais ni Riadh Mouakhar , ni sa famille mais que son cas , a l'instar d'autres cas détenus arbitrairement, ne pouvait pas me laisser indifférent.
DHEJ
Destruction d'une personne humaine!!!
a posté le à 12:48
Mais 'est à a que sert la justice tunisienne détruire la famille!