Nidaa-Ennahdha : coincés dans la Friend Zone
La brillante Maya Ksouri a expliqué, dans une tribune intitulée « Car l’étron finit toujours par flotter… », de manière presque scientifique, pourquoi l’alliance Nidaa Tounes-Ennahdha, ne pouvait pas marcher et ne marcherait jamais.
Aujourd’hui, cette alliance arrive à un tel état de pourrissement que les deux partis au pouvoir se sont pris une claque aux élections partielles en Allemagne, et par conséquent les gens de Nidaa parlent de « révisions courageuses ». Mais ont-ils les moyens de réviser quoi que ce soit ?
Imaginons, pour rigoler, que Hafedh Caïd Essebsi, entouré de ses stratèges de haut vol : Sofiène Toubel, Borhen Bsaïes et Khaled Chouket, décide de rompre toute alliance avec Ennahdha. Par quoi cela se traduirait-il concrètement ? Est-ce que les ministres Ennahdha sortiront du gouvernement ? Ce serait très difficile à imaginer. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, ne permettrait aucun remaniement et tient à assurer une certaine stabilité comme il l’a montré avec l’épisode AfekTounes.
Nidaa Tounes pourrait-il quitter l’accord de Carthage ? Impossible parce qu’il s’agit avant tout de l’initiative du président de la République, Caïd Essebsi père, autrement dit. Donc, que peux faire concrètement Nidaa Tounes ? Pas grand-chose à part faire le tour des médias et claironner qu’il y aura des discussions et des révisions, sans plus.
Pour les stratèges de Nidaa Tounes, ceux-là même qui ont provoqué des élections en Allemagne pour ensuite les perdre, la marge de manœuvre est étroite. En plus, il y a le risque de devenir - encore plus- la risée de toute la scène politique tunisienne. Car réviser la relation avec Ennahdha revient à dire implicitement que tous ceux qui avaient claqué la porte de Nidaa et s’étaient soulevés contre les pratiques du fils avaient finalement raison. Ce serait un aveu de bêtise fait par Nidaa Tounes à tous ceux qui avaient alerté contre les dangers de cette alliance contre-nature avec Ennahdha. Mais ça, les dirigeants de l’actuel Nidaa ne le feront jamais ou ne seront pas suffisamment humbles pour le faire.
Il ne faut pas non plus oublier l’aspect interne chez Nidaa. Quand on est un parvenu, un arriviste, quelle meilleure occasion que cette défaite électorale pour essayer d’escalader quelques échelons et pour punir les responsables ? Chez les membres de ce parti, les humeurs sont mitigées. Il y a ceux qui se félicitent - oui, oui- du courage de leur parti qui n’a pas peur de tirer les enseignements d’un tel échec électoral. Il y a ceux que la bêtise de leurs chefs fait pleurnicher et qui comptent sur les Anis Ghedira, Faouzi Elloumi et Khaled Chouket pour ramasser les morceaux et pour sortir le parti de sa crise. Autant dire qu’il s’agit là d’un grand, très grand espoir.
Comme chaque parti qui a tenté une alliance avec Ennahdha, Nidaa Tounes s’en est trouvé vidé et épuisé, à tel point qu’il se plaint d’être victime de tentatives de harcèlement. Les nouveaux dirigeants de Nidaa Tounes ont pensé être plus intelligents que tous les autres, ils ont pensé pouvoir maîtriser Ennahdha et se prévaloir indéfiniment du fait d’avoir gagné les élections.
Toute cette rhétorique se casse la gueule avec les résultats des élections partielles en Allemagne, qui ont fait parvenir à l’ARP un Yassine Ayari. Le pire dans tout ça c’est qu’il est très improbable de voir Nidaa Tounes faire les vraies révisions qui s’imposent, à savoir construire un véritable parti avec des instances et un congrès, ne serait-ce que pour entrer dans la légalité. Il est plus probable de les voir jeter la responsabilité sur les médias, ou sur leurs alliés au gouvernement, ou sur ceux qu’ils accusent de trahison et de dispersion de l’électorat. En tout cas, ce sera « ce n’est pas moi, c’est les autres », et on repartira pour un tour.