
Le gouvernement de Youssef Chahed connait des heures difficiles en ce début d’année, secoué par les grèves, actes de vols et de vandalismes, les manifestations contre la hausse des prix et l’appel de plusieurs partis politiques à sa chute. Parviendra-t-il à redresser la barre et à quel prix ? Dans l’histoire récente de la Tunisie, le mois de janvier a fait sérieusement secouer les pouvoirs politiques…
« Ces pilleurs sont à la solde des corrompus que nous avons arrêté… L’Etat est debout et résistera » », trois jours après le déclanchement des protestations pour le moins violentes contre la hausse des prix en Tunisie, Youssef Chahed a décidé de durcir le ton. Il faut dire que la situation devient de plus en plus difficile sur les plans sécuritaire, politique et économique… Jour après jour, les manifestations nocturnes de plus en plus violentes s’étendent et touchent les différents gouvernorats. Politiquement, le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, appelle ouvertement à un remaniement ministériel, et économiquement, les prix continuent de s’envoler.
Indéniablement, le gouvernement Chahed traverse en ce moment la période la plus difficile depuis sa prise de fonction à l’été 2016. Tout l’enjeu est de savoir aujourd’hui s’il peut tenir et à quel prix. Pour plusieurs raisons, l’hiver s’annonce des plus compliqués pour l’équipe gouvernementale.
D’abord sur le plan sécuritaire, la situation dégénère, les opérations de vol et de banditisme se multiplient depuis 3 jours et touchent pratiquement toutes les régions du pays. Dans plusieurs gouvernorats, les forces de l’ordre sont totalement dépassées par l’ampleur et la violence des manifestants, fait qui a nécessité l’intervention de l’armée. Rien que pour la nuit du 9 au 10 janvier 2018, le ministère de l’Intérieur a annoncé que 45 policiers ont été blessés au niveau de tout le territoire, en plus de la destruction partielle de 45 véhicules et l’arrestation de 206 présumées casseurs. Le lendemain au soir, le nombre d’arrestation a atteint 328 individus. Pire, le sang a coulé à Tebourba lors des manifestations de lundi 8 janvier 2018 avec le décès d’un des protestataires.
Sur le plan économique, les citoyens se plaignent de la hausse des prix engendrée par l’entrée en vigueur de la Loi de finances 2018. Depuis quelques mois, les Tunisiens éprouvent de plus en plus de mal pour boucler leurs fins de mois. D’autre part, l’euro a atteint hier la barre symbolique des 3 dinars et l’inflation est passée à 6,4% en décembre 2017. Le chômage de masse continue de son côté à ronger la société tunisienne (625 000 chômeurs sur une population active de 4,07 millions de personnes selon les chiffres de l’INS en 2017). La situation est critique, et les actes de vandalisme touchant des institutions économiques (magasins, commerces et banques) créatrices de richesse, risquent d’envenimer les choses.
Sur le plan politique, le gouvernement Chahed semble avoir été lâché par le parti au pouvoir Nidaa Tounes qui réclame ouvertement un remaniement. Le mouvement Ennahdha, tout en soutenant timidement l’équipe gouvernementale, l’appelle « à être plus à l’écoute des préoccupations des citoyens et à œuvrer à répondre à leurs revendications ainsi qu’à accorder plus d’appui et d’intérêt aux régions intérieures ». Aussi, le consensus créé par l’Accord de Carthage s’effrite, des partis se sont retirés ( Afek Tounes), menacent de le faire ( Machrou Tounes) ou boycottent les réunions d’évaluation (Al Joumhouri).Certains partis d’opposition à l’instar Front populaire appellent même au départ du gouvernement et à l’organisation d’élections législatives anticipées.
Sur le plan historique, les protestations sociales du mois de janvier ont contribué à d’importants changements politiques dans l’histoire de la Tunisie. En 1978, le Premier ministre de l’époque, Hedi Nouira, (bien qu’il ait conservé son poste), est sorti fortement fragilisé des émeutes sociales du 26 janvier 1978 et de la lutte qui l’a opposé à Habib Achour, alors tout puissant secrétaire général de l’UGTT. Même scénario pour son successeur, Mohamed Mzali, qui a subi de plein fouet les conséquences des émeutes du pain du 3 janvier 1984. En 1986, il sera limogé de ses fonctions et entamera sa longue traversée du désert. Enfin, les événements du 14 janvier 2011 ont contribué à la chute du régime de Ben Ali et du gouvernement de Mohamed Ghannouchi. Au gouvernement actuel de prendre les devants pour ne pas subir le même sort que certains de ses prédécesseurs…
Devant cette situation, l’équipe gouvernementale parait totalement dépassée, ce qui explique la multiplication des couacs au niveau de la communication. S’adressant à la population depuis la localité d’Al Batan, le chef du gouvernement a accusé sans avancer des preuves les pilleurs d’être à la solde du Front populaire. Son ministre des Domaines de l’Etat, Mabrouk Kourchid, s’est fendu de deux déclarations incendiaires en 48 heures, en s’étonnant d’abord du fait que « les pauvres protestent contre la Loi de finances alors que la hausse des prix s’adresse aux riches », puis en se demandant d’une manière hautaine et méprisante s’il « fallait ajouter la bouteille de vin au couffin du citoyen ? ». Pour Taoufik Rajhi, ministre auprès du chef du gouvernement chargé des grandes réformes, la Loi de finances n’est pas responsable de la hausse des prix…
Pour faire face à ces difficultés, Youssef Chahed peut s’appuyer sur la bonne image qu’il a auprès de la population tunisienne (conséquences de sa spectaculaire campagne de lutte contre la corruption lancée l’année dernière) et sur le fait que l’UGTT n’ait pas mobilisé ses forces dans la bataille. Mieux, la centrale syndicale fait preuve de responsabilité et adopte une position tranchée en se prononçant contre les manifestations nocturnes et les actes de vandalisme et en n’appelant pas à des grèves régionales ou nationales.
Le gouvernement de Youssef Chahed se trouve aujourd’hui dans une position peu enviable, secoué par les manifestations contre la hausse des prix et lâché par le parti vainqueur des récentes élections législatives. Saura-t-il remonter la pente ? Les prochains jours s’annoncent cruciaux pour répondre à cette interrogation.
Nessim Ben Gharbia

Commentaires (13)
CommenterChef d'entreprise
@Leila Ben Salem, bien sûr en 2019 l'électeur aura son mot à dire
Il faut laisser ce gouvernement travailler jusqu'aux élections de 2019 et les électeurs auront alors le dernier mot pour juger les résultats. YC a encore deux ans pour demontrer ses capacités mais il fait le laisser travailler.
@Forza
et choisir une equipe parmi notre jeune elite competente et bien instruite des problemes economiques du pays.Youssef chahed,specialiste de l agriculture,n a aucun bagage politique,ni formation pouvant le destiner a conduire un gouvernement ni a gerer les affaires d un Etat en difficulte et malade de sa classe politique,il a ete jete "dans le bain"par un vieux renard pour mieux s en servir et se servir tout simplement.
@Forza je pense que tu as peut etre raison mais si on garde les memes racailles,les problemes n ont aucune chance d etre resolus...Prendre les memes et on recommence.... serait un suicide irreversible.Bon Week end Forza.
Chahed et la Tunisie: Une analyse
De même, le problème est toujours le même depuis l'indépendance, la planification stratégique (qui est une culture anglophone) est absente, le pays est géré d'une manière journalière, on a même oublié la principale demande de la révolution, l'emploi, pour examiner l'égalité de l'héritage et d'autres issues non prioritaires! Aussi, les manifestations et leur sabotage, est-il par des malfaiteurs ou par d'autres ou par les deux à la fois? Enfin, gouverner n'est pas uniquement accéder au pouvoir par des moyens démocratiques ou non, mais c'est aussi savoir gérer à court, moyen, et long termes, pour épargner les Tunisiens des manifestations et de leurs malheurs.
Pauvre chahed
Les politiciens progressistes sont à vomir.
Les partis laïques se cassent la gueule entre eux et enahda gagne des points en se présentant comme la garante de la stabilité
Bravo
On ne peut pas avoir un corps en bonne santé affecté par un cancer,soit couper l'organe touché par le cancer,soit attendre la mort subite!!!!
Les augmentations
Malheureusement c'est le pauvres citoyen qui reçoit en plein fouet ces augmentations.
Maintenant, il y a des imbéciles et des pays qui ne veulent pas du bien pour la Tunisie et attendant le moment propice pour passer à l'action.
Rabi maa tounes
Si chahed a herite' les problemes causes par les autres !
Si Chahed est SAUVEUR , LES AUTRES SONT A L' ORIGINE DU PROBLEME DU AYS

