
Le journaliste Sofien Rejeb, ancien directeur de la rédaction et rédacteur en chef de Dar Assabah, est sorti de son silence après son licenciement définitif, annoncé le 27 mai 2025. Un renvoi jugé arbitraire par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a exprimé sa « stupéfaction » face à cette décision unilatérale, prise à quelques mois de la retraite du journaliste, après 32 ans de carrière au sein du groupe de presse.
Dans une déclaration rendue publique samedi 31 mai, Sofien Rejeb dénonce une mesure abusive et ciblée, prise par l’administrateur actuel de Dar Assabah – un fonctionnaire détaché du ministère des Finances – dont il critique sévèrement l'ingérence dans les affaires éditoriales d’un média confisqué, censé fonctionner de manière indépendante.
« Ce haut fonctionnaire, initialement chargé de la gestion administrative et financière, s’est arrogé un contrôle total sur la ligne éditoriale, allant jusqu’à désorganiser complètement la rédaction et à réduire au silence les voix discordantes », écrit Sofien Rejeb.
Le journaliste affirme que son éviction n’a rien à voir avec la justification officielle – la création, onze ans plus tôt, d’un site web personnel, avec l’aval des dirigeants de l’époque – mais relève plutôt d’une volonté manifeste d’éliminer une voix critique. Il rappelle s’être retiré de la gestion du site dès sa prise de fonction à la tête de la rédaction, ce qui est documenté et connu de tous, y compris de l’administrateur lui-même.
« Il s’agit d’une cabale. Depuis 2022, ce responsable n’a cessé de tenter d’imposer sa mainmise sur le contenu éditorial. Mon refus catégorique de m’y plier lui a valu, à l’époque, une démission. Pourtant, il a été rappelé en avril 2024. Et dès son retour, sans même remettre les pieds dans les locaux, j’ai été démis de mes fonctions par un simple appel de son bureau », relate M. Rejeb.
Ce licenciement serait ainsi l’aboutissement d’un long processus de marginalisation, entamé après que le journaliste a publiquement critiqué, dans une publication du 14 juin 2023, la gestion chaotique de l’entreprise par le ministère de tutelle, mettant en cause directement l’ancienne ministre des Finances.
Sofien Rejeb dénonce également le démantèlement de l’institution et la détérioration de la qualité éditoriale sous la houlette de l’administrateur, qui aurait procédé à des nominations douteuses, des ingérences répétées et une recentralisation autoritaire du pouvoir éditorial.
« Ce que des générations de journalistes, de techniciens et de cadres ont construit pendant plus de 70 ans est en train de s’écrouler en quelques mois ».
Il revient également sur la période difficile traversée par Dar Assabah, avant son sauvetage et la décision de fusion avec La Snipe- La Presse (Snipe), entérinée en octobre 2024.
« Aujourd’hui, malgré les efforts des équipes, ce monument de la presse tunisienne est à nouveau en péril. Ce licenciement ne me vise pas uniquement, il vise l’indépendance journalistique et le destin même de Dar Assabah ».
Sofien Rejeb conclut son texte en exprimant sa gratitude envers ses collègues pour leur soutien, et en réaffirmant son attachement indéfectible à l’institution, qu’il appelle à défendre collectivement.
R.B.H

