alexametrics
mercredi 15 mai 2024
Heure de Tunis : 23:00
Tribunes
L'Otan en Libye de la protection des civils à la partition
29/12/2015 | 11:00
8 min
L'Otan en Libye de la protection des civils à la partition

 

Par Mohamed AMMAR *

 

L’Organisation du traité de l’atlantique Nord, bras armé des Etats-Unis, et accessoirement de ses alliés a décidé de reconfigurer le grand Moyen-Orient et l’Afrique du nord. Le pétrole et le gaz libyen justifient la reconquête et la partition.

 

Le motif de l’intervention est le secours des populations civiles du mauvais traitement d’un dirigeant dictateur. L’histoire enseigne que ce dictateur a fait l’objet de différentes tentatives d’assassinat. La CIA a lancé le groupe islamique combattant en Libye (GICL) depuis les années 80. En 2004, le nouveau chef du GICL, Abdelhakim Belhaj, qui s’est battu aux côtés de Ben Laden en Afghanistan et en Irak, a été emprisonné par la CIA. A la suite d’un accord avec le gouvernement libyen, il est renvoyé en Libye où il est torturé par des agents britanniques à la prison d’Abou Salim. En 2010, il est libéré et installé au Qatar. Relooké, il peut reprendre du service pour exécuter les ordres des américains. Ces derniers installent le désordre en Libye en jouant sur la dimension tribale. Ils lancent les premiers noyaux de l’ « état islamique ». Créé par les occidentaux et financé sur ordre atlantiste par les monarchies pétrolières, Daech reçoit les armes à travers un réseau de la CIA. De retour de Syrie, ces combattants vont combattre le général Khalifa Hafter-qui a fait défection à Kadhafi en 1983-  retourné en Libye en 2011. La multiplication des pions américains en Libye sert la stratégie états-unienne. Ces instruments passent du statut d’alliés au statut d’ennemis selon l’évolution de la conjoncture. La couverture onusienne est requise lors de la première  attaque occidentale contre la Libye  par la résolution 1973. La partition du pays sera justifiée par la prolifération des « daechiens » en 2016.

 

« Le chaos libyen »

La stratégie des puissants a changé depuis la fin du XX ème siècle. La conquête militaire, délaissée un temps, a été muée en une guerre économique tout aussi efficiente. La première guerre d’Irak a annoncé la nouvelle stratégie, tracée par les Etats-Unis et suivie par ses alliés, malgré les réserves de certains. L’occupation de l’Irak puis la guerre contre la Syrie, nécessitera l’intervention des vassaux composés des monarchies du Golfe et de la Turquie, dont la mission était de servir la grande cause américaine. Pour commercialiser ce projet, les Etats Unis usent de la religion en faisant d’une pierre deux coups. Ils diabolisent l’Islam tout en jouant sur le conflit Sunnite-Chiite. Les mass-médias propagent ce message en usant d’un discours religieux moyenâgeux. Les Etats-Unis l’ont fait en Afghanistan, qualifiant les islamistes de « combattants » de la liberté contre l’horrible dictature du communisme, qui n’était en fait qu’un projet de despotisme éclairé, moderniste, national populiste, ayant eu l’audace d’ouvrir l’école aux filles. Ils continuent à le faire de l’Algérie à l’Egypte en adaptant cette stratégie. Ils savent que le pouvoir « de l’Islam politique a la vertu – pour eux – de réduire à l’impuissance les peuples concernés, et par conséquent de s’assurer sans difficulté de leur compradorisation » comme l’écrit justement le grand économiste et historien Samir Amin. Le retour de la Russie sur la scène a changé la donne au Moyen-Orient mais le Maghreb est un domaine des alliés des Etats-Unis dont ils peuvent abuser. La volonté coloniale en Libye, en raison des richesses pétrolières, a amené les Etats-Unis à mettre en place le plan de sa recolonisation. Pour réaliser son projet, l’Occident crée des « rebelles », que des commandos des services spéciaux occidentaux forment. Il suscite des frictions tribales. Son objectif est de saper ainsi les fondements de l’état libyen, ce qui autorise un homme d’état Italien à prétendre que la Libye n’a jamais existé comme état.    

Le 19 mars 2011, commençait le bombardement aéronaval de la Libye. L’aviation franco-britannique, appuyée par l’aviation américaine, effectuait dix mille missions d’attaques avec plus de quarante mille bombes et missiles. Au même moment, les américains manipulaient les secteurs tribaux contre le gouvernement de Tripoli ainsi que des groupes islamistes, qu’on avait défini jusqu’alors comme terroristes. L’Otan ordonne au Qatar de financer et d’armer ces groupes. Ces jihadistes islamistes ont été approvisionnés en armes à travers un réseau organisé par la CIA, comme l’indique l’enquête du New York Times. Après avoir renversé Kadhafi, ils sont partis en Syrie pour renverser Assad. Le noyau dur de l’état islamique a été lancé en Libye. Son offensive contre l’Irak avait pour but de punir le premier ministre irakien Maliki, qui s’est trop rapproché, à leur goût, des Chinois et des Russes. En réalité, l’ « état islamique » est un instrument multifonctionnel dont les Etats-Unis usent selon leurs intérêts. La « révolution » libyenne est une mise en œuvre macabre, organisée et manipulée par un grand chef d’orchestre. Le lecteur averti devine qu’il s’agit de John Mc Cain . Le citoyen tunisien se rappelle que ce sénateur américain a été reçu par une accolade fraternelle par le premier ministre du premier gouvernement de la Troïka lors de son passage en Tunisie. Ce républicain a participé pour le compte du département d’état à toutes les révolutions colorées des vingt dernières années. Un philosophe plagiataire a été conquis par cette « mission humanitaire » ! Il s’agit de Bernard Henry Levy,ami de Sarkozy, qui s’est substitué au parlement français et à Alain Juppé , ministre des Affaires étrangères. Claude Angeli écrit dans le Canard enchaîné du 10 août 2011 un article décrivant la ‘’Cohabitation’’ venimeuse Sarko- Juppé.

 

Ainsi fut installé le chaos en Libye. Les mass-médias et les journalistes qui ont été utilisés comme informateurs par l’Otan répandent une version idéalisée de la réalité. Jean Daniel, dans son éditorial du 1er Septembre 2011, loue « l’héroïsme des rebelles » et « l’habilité stratégique de l’Otan au nom de cette idée neuve qu’est la démocratie dans les pays arabes ». Il n’est resté que le volet légal pour que l’entreprise de destruction et de recolonisation d’un pays devienne «commercialisable » à une opinion publique crédule.

 

Hypocrisie onusienne

Le Conseil de sécurité de l’ONU a été instrumentalisé par les Etats-Unis pour mettre en exécution sa politique de remodelage du Grand Moyen-Orient et de l’Afrique du nord. De fait, la résolution 1973, votée à l’initiative de la France et du Royaume-Uni avec la bénédiction américaine ne prévoyait que la protection de la population civile et non le changement de régime à Tripoli ; à plus forte raison, elle n’autorisait ni l’envoi d’armes, ni l’infiltration des barbouzes occidentaux. Or, The Guardian a mentionné, comme l’a rapporté le Canard enchaîné, l’existence de commandos SAS et SBS de sa gracieuse majesté. Les services spéciaux français formaient « les rebelles » au maniement des armes et des missiles. Il est à signaler que la peine de mort n’était pas prévue par la résolution. Or, selon un général américain, Kadhafi vivant est « une véritable bombe atomique ». Il sera capturé avec son fils Moatassim après avoir été repéré par un drone américain et livré aux « rebelles » assistés par les barbouzes. On connaît la suite…

 

Pourtant le Conseil de sécurité « demeurait activement saisi de la question » selon la formule onusienne d’usage. Mais la mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) n’a rien vu. Pas d’actions pouvant constituer une violation des droits de l’Homme. Le président de la commission internationale sur la violation des droits de l’Homme a, quant à lui, jugé qu’il était nécessaire de mener des enquêtes sur l’action de l’Otan en Libye ainsi que sur les circonstances de l’assassinat de Kadhafi et de son fils. La commission des juristes désignée pour constater les violations n’a pu accéder au rapport d’autopsie malgré ses demandes réitérées. Elle se résout à conclure qu’il est « impossible de qualifier de crime de guerre la mort de Kadhafi » ! A l’instar des juristes de la commission, le Conseil de sécurité n’a pas accordé d’importance à l’assaut volontaire sur les fonds souverains libyens. Le trésor américain a « gelé » trente deux milliards de dollars déposés dans ses banques. Quelques jours plus tard, l’Union européenne gèle environ 45 milliards d’Euros des fonds, propriété du peuple libyen, que l’occident a décidé de décimer pour ensuite réaliser la partition de son pays.


Du bombardement à la partition

L’Otan va bombarder Daesh en Libye. Ce sont les médias occidentaux qui répandent l’information. C’est le motif d’une nouvelle guerre. Le repérage des cibles a  été entamé. La petite coalition – Etats-Unis, France, Grande Bretagne- est déjà constituée, et à Stuttgart, le commandant américain pour l’Afrique (AfriCom) prépare les vols de reconnaissance. Le Canard enchaîné du 25 décembre 2015 ajoute – comble du cynisme des journalistes du monde libre – que les dirigeants occidentaux attendent l’accord de l’un des deux gouvernements. Dans sa livraison du 9 décembre 2015, le Canard mentionne un document de la Direction du Renseignement militaire français qui annonce la partition en affirmant : « Il existe quatre Libye : la Tripolitaine, la Cirénaïque , le Fezzan et la « daechland » ». Tout est dit. Les acteurs libyens sont avisés. Les journalistes occidentaux ne nous disent pas que Daech est une création américaine qui doit servir le grand dessein de l’Amérique qui cherche à reconfigurer le monde arabe au profit d’Israël. Ces desseins expliquent que l’intervention des « monsieurs bons offices onusiens » sert à amuser la galerie. Ce sont des marionnettes pour couvrir  la recolonisation de la Libye. La manne pétrolière et gazière  justifie toutes les entorses aux droits des peuples.

 

 Cela étant, on peut douter des larmes  versées sur les attentats de Tunis. Les fauteurs de trouble en Libye ne sont-ils pas responsables ? Avis à nos « révolutionnaires tunisiens » distingués par le prix Nobel, le même que celui reçu par les chantres de la paix, Ishak Rabin et Barack Obama. La recolonisation de la Libye au prétexte de l’élimination de Daesh confirme que « la loi du plus fort est toujours la meilleure ».

 

* Avocat près la Cour de cassation

29/12/2015 | 11:00
8 min
Suivez-nous

Commentaires (15)

Commenter

pseudo
| 06-01-2016 07:49
Combiens de civils lybiens vont perir sous ces bombardements?peut on pacifiquement s opposer aux bombardements?ALLONS NOUS RESTER SPECTATEURS DE LA DESTRUCTION DE LA lYBIE;ou sont lles patriotes lybiens auront ils un sursaut patriotique?kHADAFFI tout dictateur qu 'il fut etait un patriote malgré ses lubies;pourquoi ils ne vont pas democratiser la Coree DU nord?chiite sunnite on est dans la meme galere ;apres tout les chrétiens ont plusieurs chapelles catholiques ;protestants ;orthodoxes;KHADAFFI n 'a pas eduqué son peuple n 'a pas couvert la Lynie d 'universités ;d 'hôpitaux de centres de recherches il a gaspille l argent en achetant la ferraille du complexxe militaro industriel ;distribué des bakchichs comme assurance -vie;l 'assurance vie d 'un peuple c est l 'education;la luttecontre la corruption;TRISTE MONDE ARABE qui subit la vraie nakhba;pourles genations futures;mais au bout du tunnel il renaitra de ses cendres

samson
| 05-01-2016 08:43
en premier lieu je tiens a feliciter Meur Mohamed Ammar pour son excellente analyse de la destruction des pays '" insoumis.."" comme bons nombres des lecteurs de ce site qui ont pris avec plaisir le soin de lire tout votre texte. Eveiller les consciences c'est 1 tache ardue Bravo Monsieur .. contrairement a nase qui continue de poluer ce site avec ses ecrits... frisant le ridicule ... a gerber

Moha Le Fou
| 03-01-2016 12:57
Cette analyse des actions de l'Occident en Libye, sous le commandement américain, résiste à toute réfutation. Moi-même, je n'ai jamais cru les discours et déclarations des leaders occidentaux, emballés de rhétoriques humanistes et morales. Il n'est pas accidentel que les boucheries, les carnages, les pillages, les barbarismes, aient pour théâtre les pays riches en énergie, ou jouissant d'emplacement stratégique sur la carte du monde. Un pays est morcelé car son unité rend son assujettissement au système économique américain difficile (l'Irak); dans ce pays, l'agresseur américain a des alliés contre d'autres ennemis, nommément l'Iran et la Sunna d'Irak... L'unité de la Syrie ne sert pas les intérêts des USA et son Allié Israël: on y envoie des milices entraînées par la CIA, etc. LA Libye dérangeait les USA car Kaddafi ambitionnait une alliance dangereuse avec les pays d'Afrique_chose qui frôle l'hérésie pour les américains. La Libye est maintenant l'Île aux Trésors. C pourquoi, commence ma ruée des grandes armées. Mais devant ce présage, quelle pensées y a-t-il pour protéger la souveraineté de la Tunisie? D'ailleurs, les raids de l'OTAN sur la Libye ne sont-ils pas une agression contre la souveraineté de la Tunisie? Que les vrais nationalistes dénoncent et empêchent une guerre sur le territoire libyen!!!!!!!!

aljazzair
| 02-01-2016 18:29
Monsieur Ammar,
.
Merci pour la clarté de votre analyse.
.
Il est utile de décortiquer la politique otanienne et celle de l'empire américain, mais nous n'avons pas de prise directe sur les décisions de Washington.
.
Il est utile de se souvenir de ce que fut l'attitude de NOS PAYS.
.
Le contenu de cet article éclairant contient pratiquement mot pour mot la position officielle de l'Algérie exprimée AVANT et PENDANT la guerre scélérate de 2011.
.
L'Union Africaine, mue par l'axe diplomatique Alger - Pretoria, a tout fait pour éviter ce désastre, mais ce fut un échec, malgré des efforts louables.
.
Pendant ce temps, le Maroc était pleinement engage dans l'effort de déstabilisation de la Libye, pensant engranger des bénéfices égoïstes en déstabilisant des pays tiers.
Cette attitude du régime marocain inféodé aux USA et a Israël était prévisible et logique compte tenu de l'absence totale de moralité qui caractérise ses gouvernants, qui n'hésitent pas a semer la mort si cela peut les enrichir.
.
Toutefois, il faut être honnête et dire tout haut que la Tunisie servait de base arrière a l'entreprise de destruction de la Libye.
Ceci est a la fois plus surprenant, et pas très logique car cette attitude était CONTRAIRE aux intérêts du PEUPLE TUNISIEN.
On voit les conséquences aujourd'hui, avec les attentats qui endeuillent ce beau pays jadis paisible.
.
Les responsables politiques tunisiens de l'époque, dont certains hantent toujours les allées du pouvoir a Carthage, portent une LOURDE RESPONSABILITÉ dans le bain de sang qui a touché la Libye, et par conséquence dans la succession d'actes de terrorisme que nous avons connu, de Sousse a Tunis a Ain Amenas par la suite.
.
Quant au peuple Libyen, une grande partie a tellement été lobotomisée par l'isolement total de leur pays sous la période du Colonel Gadafi. Ces libyens, naïfs, ont cru a la charade de la révolution démocratique qui leur été contée par Al Jazeera , BBC, CNN et France24.
.
Aujourd'hui ils le regrettent.

hakim
| 01-01-2016 13:33
Quid de la suite..
Je retiens principalement:
_peuples arabes incultes majoritairement et non averti sinon insoucieux des grandes manigances geostrategiques.
- grande question a trancher celle de l'islam politique. L image de l'accolade tunisienne et des rapprochements en lybie avec Bhl en sont de grandes illustrations.
- la raison du plus fort reste la meilleure comme vous avez tenu a mettre en conclusion in finè
Mais quid de la suite Si Ammar?
Je propose:
- de voir vos apparitions sur les medias visuels avec un rapprochement avec des gens qui ont la profondeur d analyse comme vous...
- combattre pour que les elites assument leurs responsabilitès d invasion des medias pour affuter les consciences de ces enjeux..particulierement a noter l abscdnce des universitaires...
- militer pour un projet de reseautage entre les universitès et les corporations d avocats d ingenieurs ...au niveau des pays maghrebins et ce selon une charte a definir. Le fondement de cette charte doit etre la mise en place d une strategie pour l evolution scientifique economique et culturelle...

je vous remercie de nouveau pour cette analyse mais svp tacher de mettre les references des articles de medias.



Demonastir
| 30-12-2015 15:00
Quand l'hyperpuissance commet une erreur, le désastre est à proportion de sa puissance. Les USA en ont commis (Irak, Afghanistan), Obama l'a reconnu, il a retiré les armées envoyées par Bush. De là à rendre Obama responsable de tous les malheurs du monde... pas sérieux, purement affectif. Les petites puissances savent aussi faire des bêtises plus grosses qu'elles. Libyens, Syriens, Irakiens et autres nous en donnent chaque jour la preuve.

Tunisienne
| 30-12-2015 08:26
Je me joins à notre ami Slaheddiine pour vous demander de nous éclairer sur le rôle joué par la Tunisie dans la chute de Tripoli et sur les dessous de la livraison de Baghdadi Mahmoudi.
Bonne continuation!

libye
| 29-12-2015 22:32
c est la verite' rien a dire de plus, tant que vivant en Libye

Rudy
| 29-12-2015 17:05
J'au suivit le coups d'etat en Tunesie épui de la Tunesie celui la de la Lybie, les 2 organisé par l"OTAN comme d"ailleurs aussi en Syrie je peut prétendre cela accause d'une certaine proffesionalisme ! Je suis Européen j'ai honte de l'Europe et mon pays ayant y fait partie, maudits sont tout ceux qui y ont participé ! Certains Tunésiens aiment de rigoler avec les Lybiens , mais ou est vous en se moment, vous seriez mieux d'ëtre solidair de combatre la mëme menace qui vous et aussi les Algériens pourait toucher !

safari72
| 29-12-2015 15:35
La complotite sévit comme une maladie chronique dans certains esprits soi-disant éclairés, parmi nos compatriotes. De temps en temps on voit apparaitre des poussées aigues sous forme de ces articles farfelus. C'est malheureux! C'est regrettable.