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Chroniques
Cherche-t-on réellement à limiter les importations ?
Par Houcine Ben Achour
27/12/2018 | 20:00
4 min
Cherche-t-on réellement à limiter les importations ?

Par Houcine Ben Achour 

 

C’est une loi de finances tronquée par rapport à sa version initiale qui sera promulguée et publiée au Journal officiel. Le recul du gouvernement sur les dispositions de la loi ajustant à la hausse l’imposition sur les bénéfices de certaines activités commerciales demeure toujours inexplicable.

On attendait sur ce sujet un éclairage à défaut d’une franche explication de la part du Chef du gouvernement, Youssef Chahed, à l’occasion de sa récente interview télévisée sur la chaîne El Watania1. Malheureusement, il n’en fut rien. Pourtant, la question lui fut posée, suggérant même que ce rétropédalage du gouvernement a été ressenti par beaucoup comme un cadeau aux lobbys contre l’intérêt général. Youssef Chahed a préféré botter en touche en insistant sur les mesures sociales contenues dans la loi de finances. Voulait-il signifier par là qu’il ne fallait pas se focaliser outre mesure sur un cadeau plus que les autres? Comme si le renforcement des moyens du Fonds pour l’emploi ou celui du Fonds d’amorçage ou bien l’augmentation du montant de l’aide servie aux familles nécessiteuses étaient comparables. Or, l’esprit qui anime ceux-ci ne peut être assimilé à celui là-bas.

 

Et comme pour corser le tout, voila que l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois retire de la loi de finances l’article 36 relatif à la levée du secret professionnel imposé à certains métiers lorsqu’il s’agit d’affaires où la suspicion de fraude, de blanchiment ou de financement du terrorisme est pressentie sinon légitime, faisant ressembler l’architecture globale de la loi de finances à la tour de Pise.

 

Et ce n’est pas tout. Une autre mesure totalement incompréhensible est venue s’ajouter au décor : l’abrogation de la circulaire n° 2017-09 de la Banque centrale de Tunisie (BCT)  fixant les « conditions de financement de l’importation de produits non prioritaires » en vertu de laquelle il est interdit  aux établissements de crédits « de  mettre à la disposition de leurs clients des concours financier – crédits, avances, crédits documentaires ou autres garanties bancaires - pour le financement de l’importation d’une liste de 220 produits que « moyennant la constitution par les importateurs de déposits sur leurs fonds propres couvrant la totalité de la valeur des importations envisagées ».

Cette mesure avait, à l’époque, provoqué une véritable levée de boucliers de certains importateurs, notamment ceux-là même qui, récemment, ont joué la bronca contre l’ajustement de leur contribution fiscale imposition, c'est-à-dire les franchisés d’enseignes internationales et particulièrement les franchises internationales de prêt à porter. L’année dernière, ils ont obtenu gain de cause, dès lors qu’ils ont été exclus de la liste des produits visés par la circulaire. Cette année, rebelote au niveau de l’imposition des bénéfices.

 

Plus généralement, l’abrogation de cette circulaire pose un certain nombre d’interrogations. Il convient de savoir qui en est l’inspirateur. La BCT ? Cela contreviendrait, à l’évidence, à la politique menée jusque là par l’institut d’émission pour contenir le déficit des paiements courants. Car, pas plus tard qu’il y a deux semaines, le Conseil d’administration de la BCT avait exprimé dans un communiqué « son inquiétude vis-à-vis de l’élargissement du déficit de la balance commerciale » et de son effet sur le creusement du déficit des paiements courants.  A cet égard, on était loin de s’attendre à l’abrogation de cette fameuse circulaire visant à limiter les importations. En revanche, on pouvait logiquement imaginer que la BCT est susceptible d’opérer un tour de vis supplémentaire à la limitation des importations et étendre cette liste à d’autres produits, comme par exemple ceux qui en ont été exclus l’année dernière.

 

Dans l’hypothèse où cette mesure d’abrogation n’est pas inspirée par l’autorité monétaire, les regards ne peuvent, dès lors, que se tourner vers le gouvernement. Qu’avait-il à solliciter une telle mesure à la BCT? En effet, l’effarant déficit commercial enregistré à la fin du mois de novembre 2018, de plus de 17,3 milliards de dinars contre 14,4 milliards de dinars pour les 11 premiers mois de 2017, préfigure d’un chute des réserves en devises, si tout est égal par ailleurs. Mais aussi d’une possible dégradation du taux de change du dinar et partant, d’enfermer le pays dans une spirale sans fin d’un déficit qui détérioration de taux de change qui lui-même renchérit les importations qui vont creuser le déficit commercial…

 

Après ses déboires budgétaires, le gouvernement n’avait-il pas mieux à faire ? Comme par exemple inviter les responsables des blocs parlementaires qui le soutiennent à fixer ensemble un calendrier précis d’examen et d’adoption des multiples projets de loi de réforme économique dont la mise en œuvre dégage les perspectives, détermine le cap, rassure les opérateurs et les investisseurs plus que les bailleurs de fonds. Ce cadeau là, ce sera peut-être pour une prochaine fois.

Bonne année, quand même.

Par Houcine Ben Achour
27/12/2018 | 20:00
4 min
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Commentaires (5)

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Observateur
| 28-12-2018 16:38
Durant les derniers mois, les décideurs dans notre pays, paniquent devant le glissement de notre dinar, résultat direct du déficit de notre balance commerciale.
D'un point de vu comptable, limiter l'importation peut réduire ce déficit. Dans la réalité complexe, ce n'est pas le bon chemin.
Parmi, les mesures prises dernièrement les autorités tunisiennes ont soumis une liste de produits à une autorisation d'importation. Une lecture légère de cette liste peut donner raison à nos responsables, sauf que son application donnera exactement le contraire du résultat escompté.
La réduction du déficit commercial, passe par un seul chemin, celui de l'amélioration de l'export. Tout effort doit être mis en contribution pour lever la moindre épine du chemin de l'exportateur. Sans le chercher, nos décideurs par cette mesure purement comptable, dressent une grande muraille de chine sur le chemin de nos principaux exportateurs.
Je vous ferais la démonstration en ne citant qu'un seul exemple. Croyez moi vous pouvez faire une extrapolation au reste de la liste.
Parmi les produits qui ont été soumis à une licence d'importation, on trouve les détergents. Cette décision ralentira dès le début de l'année prochaine les exportations des produits finis textiles. Une réduction attendue dans le chiffre d'affaire export, de quelques dizaines de millions d'Euro rien que pour le premier trimestre 2019.
Les usines de textile sont appelées à faire des tests de résistance aux lavages, sur chaque lot de leur production, avec du détergent certifié et normalisé de référence, chez des laboratoires accrédités Tunisiens. Aux yeux de la loi, un détergent normalisé de référence destiné aux laboratoires, ou un savon de Marseille destiné à Madame Souad, c'est kif-kif. Il faut montrer patte blanche, caresser l'administration Tunisienne dans le sens des poils, attendre des semaines, voir des mois, pour avoir une autorisation pour quelques kilogrammes de produit. Durant ce temps là, l'exportateur lui, attend des résultats de test avec une production sur les bras, tel un parent emmenant son bébé à l'urgence pédiatrique attendant la grâce du dieu. L'Export lui peut attendre, la priorité est de limiter l'importation.
Je n'ai cité qu'un exemple parmi des dizaines. Mon travail, en tant qu'ingénieur dans une boite d'ingénierie Tunisienne en relation avec tous les types d'industries dans notre pays et ailleurs, me permet de voir quotidiennement les souffrances grandissantes de nos exportateurs.
Bonne et heureuse Année 2019

Air
| 28-12-2018 14:58
Merci de votre piqure de rappel. Conjuguee à l'article ci-dessus sur les nouvelles franchises Darty Fnac, et la promesse de 14 magasins, il y a de quoi bondir. A bon entendeur. Achetons le plus tunisien possible, et vous, nos chers industriels, pensez qualité, pour ne pas couler. Nous ne pouvons pas être solidaires si vous ne l'êtes pas, surtout alors que c'est dans votre intérêt.

DHEJ
| 28-12-2018 11:31
Es-tu contaminé par lL'INCOMPETENCE DU GOUVERNEMENT, un gouvernement qui doit relire sa copie de la constitution en disant:


"le gouvernement n'avait-il pas mieux à faire ? Comme par exemple inviter les responsables des blocs parlementaires qui le soutiennent..."

Forza
| 28-12-2018 09:22
une décision bizarre sans explications de la part du gouvernement et de la BCT.

Adnène
| 27-12-2018 21:30
Depuis la période sombre des années 1960 il n'y a pas pas autant de dégâts fait par la BCT à l'économie tunisienne, que ce qu'à fait Ayyari . Cet article reprend toutes les mesures nocives, et le justifie en oubliant qu'il est vital au pays d'entrer dans le commerce mondial, et pour vendre sur n'importe quel marché il faut en importer. Or cet article reprend les clichés de grand-père qui n'ont jamais rien fait avancer, surtout dans un pays où les ressources naturelles son insignifiantes, et que seuls le commerce et les quelques industries de transformations pourraient faire vivre. Cessez ces théories vaseuses et incitez les gens à l'aventure de l'investissent et la création des richesses, plutôt que cette rhétorique de 4 sous, consistant à gérer les fonds de tiroirs en pensant faire une action louable pour les tunisiens;