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Chroniques
Le « cas » Ridha Jaouadi
25/10/2015 | 17:00
4 min

La scène de dizaines de fidèles, venus faire la prière, mais basculant dans la violence, les slogans haineux et les confrontations avec les forces de l’ordre, peut sembler assez surréaliste quand elle se produit dans l’enceinte d’une mosquée. C’est pourtant ce qui est arrivé ce vendredi et c’est pourtant ce qui s’est également produit la semaine dernière dans la mosquée Sidi Lakhmi, plus grande mosquée de la ville de Sfax.

Derrière ce grabuge, un imam. L’emblématique, le controversé et, visiblement, l’irremplaçable Ridha Jaouadi. La prière du vendredi a été annulée, à deux reprises, dans une mosquée très appréciée  et très fréquentée par les fidèles car l’imam habituel a été remplacé. « Le peuple veut Jaouadi de nouveau », entendait-on au sein de la mosquée, scandé par des fidèles. On a fini par chasser l’imam de « remplacement » et préféré rebrousser chemin plutôt que d’accomplir quand même la prière du vendredi pour laquelle on était, en théorie, venus.

 

Mais ceci n’a vraisemblablement rien à voir avec la religion. Dans la ville de Sfax, Ridha Jaouadi est une icône. On vient par dizaines, ou même plus, assister à ses prêches dans la mosquée de Sidi Lakhmi. Un grand moment de déballage où les « fidèles » peuvent entendre ce qu’ils ont envie d’entendre. Un discours politisé, hargneux et « engagé » empreint d’une légère touche de religieux. C’est que le Jaouadi attire les foules, il les attise et les ravigote. A bas les journalistes, à bas la classe politique corrompue, à bas l’ancien régime, à bas les lois et l’Etat. C’est que Ridha Jaouadi est un imam hors la loi. Il reste l’un des rares aujourd’hui, et sans doute le seul notoire, à échapper encore à une décision ministérielle qui impose son limogeage et ce depuis plusieurs semaines.

Entre cafouillages à la tête du ministère, bras de fer et manque de volonté de lui ôter le pouvoir dont des dizaines de fidèles l’ont investi, Ridha Jaouadi reste le porte-voix de ceux qui partagent ses idées et se disent bernés, déçus et trahis par le pouvoir actuel, mais aussi ceux qui l’ont précédé… Sentiment de frustration régionaliste pour une grande ville à l’énorme potentiel, pourtant snobée par les politiques ; une grande déception de voir le parti islamiste céder sa place tant convoitée et un ras-le bol général et brouillé de la classe politique et médiatique actuelle toutes catégories comprises et sans réelle distinction. Le tout, revigoré par des sentiments religieux aigris face un parti islamiste jugé trop laxiste et un autre, dit progressiste, qui n’en a que faire. C’est tout ce beau mélange qui fait, entre autres, le succès de Ridha Jaouadi.

Ce même Ridha Jaouadi capable de rassembler des centaines de manifestants et de bloquer des avenues entières avec des marches, très politiques et très peu religieuses. Ce même Ridha Jaouadi qui déchaîne les passions en poussant ses adeptes à manifester dans l’enceinte d’une mosquée et à boycotter la prière pour laquelle ils seraient venus. Ce même Ridha Jaouadi qui titille les  sentiments les plus « héroïques » des fidèles en leur parlant de « martyrs » et de « guerre sainte » contre le pouvoir, contre l’ancien régime et contre ceux qui sont venus les « pervertir ».

 

Ridha Jaouadi est soit un homme intelligent soit un homme protégé. Il est capable d’appeler ouvertement, publiquement et dans l’enceinte même d’une mosquée, entre deux rakaâat, au meurtre de ses détracteurs, sans être nullement inquiété ou perdre la sympathie de ses fidèles. Il défie aussi les lois régissant ce pays, mais aussi les règles du bon sens chez les personnes venues l’écouter qui se laissent berner par des discours décousus, farfelus et très « bas de gamme ».

 

Malheureusement, Ridha Jaouadi est loin d’être « un cas ». D’autres imams obéissent à cette règle. Au sein de la ville de Sfax, cette ville qu’on veut absolument transformer en berceau intégriste, et qui se laisse faire sans opposer la moindre résistance, mais aussi dans d’autres villes tunisiennes. Des imams profèrent des obscénités, tout en étant applaudis et adulés par des dizaines de personnes qui font le déplacement pour venir les écouter. Le tout, sans être inquiétés le moins du monde. C’est que ceux qui les protègent ont le bras long…suffisamment long pour titiller le pouvoir en place…

 

25/10/2015 | 17:00
4 min
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Commentaires (25)

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TAW TCHOUFOU
| 31-10-2015 12:08
Comment et pourquoi un simple Imam peut-il tenir la dragée haute à son ministre de tutelle et à tout un gouvernement ?
Pourquoi ce pouvoir a-t-il autant de mal à faire respecter ses décisions , et pourquoi tergiverse-t-il sans fin et laisse t-il trainer cette pseudo-affaire ?
Ne voit-il pas que cela le dessert tout en renforçant son adversaire ?
Qui est donc ce Mr Jaouadi , qui n'était rien hier , et qui se voudrait leader demain , grâce à la naïveté de ses fidèles et la publicité croissante que lui font les médias , qui devant la pauvreté de la scène politique Tunisienne , n'a rien trouvé de mieux pour faire le buzz et s'occuper !
Le problème est pourtant simple : mécontent d'avoir été écarté de la nomination des sous-préfets , Ennahda a ouvert les vannes , pour se rappeler aux bons souvenirs de Mr Essid et de Nidaa !
Ainsi Ennahda rappelle à ceux qui l'ont oublié , sa capacité à mobiliser ses pions , et se permet également de montrer à sa base qu'elle ne l'a pas oublié !
C'est ainsi que ce Mr Jaouadi se sent pousser des ailes , car il est " protégé " !
Pendant ce temps , les autorités tergiversent , montrant ainsi leur faiblesse et ouvrant un boulevard à cet Imam et à ceux qui s'en inspireraient !
Et nous voilà revenu à la même question qui nous taraude depuis les élections : Car malgré ces élections , " qui gouverne vraiment dans ce pays ? "

IVRESSE ET BONHEUR
| 31-10-2015 10:05
Sfax une ville délaissée, tournant dans le vide sans ivresse ni éclat de rire
Une vie monotone en chute libre vers le moyen âge sombre et bestial
Le crétinisme est omniprésent par manque de vitamine et des mariage arrangé entre familles matérialistes et incultes élargissant la populace de dégénérés qui rodent les routes sales en voitures de luxes acheté en volant la sueur des pauvres...

La famine non déclaré est palpable au regard des hommes amaigri et aux dents tombantes tellement il mange plus à leur faim

Le despoir et la dépression est monnai courante que des litres de bière au prix prohibitif et faramineux ne pourront combler
Un air de fin des temps où l on ressent l arrivé d apocalypse ou d envahisseur
Le cosmos n aime pas le vide, c est la loi physique et quantique qui nous gouverne... Une ville vidée de ses industrie, de sa capacité à créer et à rêver de quoi vivre une fierté pour s épanouir tout s effondre ou du moins ça commencera à pourrir

Et c est à ce moment que les vautours et marchant de cercueil pointent présent ...

Sfaxien
| 29-10-2015 22:39
Des centaines de sympathisants ? Quand avez vous visite Sfax dernierement ? Jaouadi peut mobiliser des centaines de milliers de Sfaxiens etautres sudistes.Il serait fatal pour les rcdistes de la capitale qui sont ivres de reetablir au plus vite leur hegemonie d antan de s attaquer de nouveau a Jaouadi car Jaoudi plus que sa propre personne pour Sfax et le Sud c est la Tunisie profonde qui n acceptera jamais plus l oppression des rcdistes tunisois et saheliens.Jaouadi pour Sfax et le Sud c est comme Essebssi pour les ghettos embourgoises rcdistes de la Marsa et ses satellites.La grande betise que sont entrain de commettre les elites corrompues de Ben Ali qui sont de retour en Force c estde s attaquer a l Islam des pauvres et des classes populaires et essayer de leur imposer l Islam vide de sens des ghettos de la dictature





Kairouan
| 26-10-2015 22:03

Je viens de voir votre 2eme post et j'en suis morte de rire.
Mais je ne vous vois pas dans ce scenario, alors je ne voudrais pas y jouer un role... a moins que Belaid ne se reincarne en vous!

Kairouan
| 26-10-2015 21:39

@Settoute

Merci enormement pour votre interet et pour cet echange tres enrichissant. Vous etes un amour!
Vous apportez du relief et plus de 'granulation' a certains protagonistes du spectacle politique Tunisien, de sorte qu'une plus fine correspondance s'impose entre les pieces de charpente de La Maison du Docteur Edwrades et les differents elements qui constituent la structure du pouvoir en Tunisie maintenant. Comme vous l'avez fait remarquer, c'est le caractere d'innocence qui en ressort fissure, voire brise, en premier, et ce a beaucoup d'endroits.

Vous pardonner votre pessimisme m'est aise, mon cher ami. Tachons, seulement, qu'il ne vous, ou ne nous, affecte pas trop. Restons, malgre tout, debout.

Non je n'oublie presque jamais cette sagesse Shakespearienne, qui demande pas mal de critique et de connaissance de soi; c'est meme une devise par laquelle j'ai grandi. Mais c'est tres dur, vous savez, de toujours porter un tel sentiment de responsabilite et d'isolation, et de temps en temps, il est bon de prier et d'esperer qu'un regard divin se pose sur nous. On se sent moins seul et fragile face aux elements et a la creation.

Merci encore pour tout, S.......
Enfin, je voudrais vous dire que je risque de ne plus pouvoir intervenir beaucoup sur Business News pour un certain temps. Mais je continuerai a chercher et a lire vos interventions avec beaucoup d'interet et d'attention.
Bonne fin de soiree - Imen

P.S. J'ai commence a regarder certains films que vous m'avez insiquee, en attendant le plaisir de les discuter un jour avec vous.

Settoute
| 26-10-2015 21:38
Redistribution des rôles sur la scène tunisienne pour l'interprétation de la maison du docteur Edwardes




Dr Constance Petersen : Olfa Youssef (Remplaçante Imen Kairouane)
John Ballantine : Chokri Belaïd
Dr Murchinson : Rached Ghanouchi
Mr. Garmes : Samir Taieb
Dr Alexander Brulov : Youssef Seddik

Settoute
| 26-10-2015 18:13
@Kairouan


Comment répondre à votre contribution si bien agencée telle une architecture solide comme la maison du docteur Edwardes ? Pourtant je vais exposer mes divergences d'appréciation entre le film que j'ai vu cet après-midi et l'état de santé de la Tunisie.

Dans la distribution des rôles, difficile d'attribuer le rôle de John Ballantines à Marzougui qui en vieux routier de la vie politique et en expert dans les roublardises, n'a pas la moindre innocence de Grégory Peck.

Impossible non plus de décerner le rôle du patient Garmes à Jouadi, qui est un expert dans l'escroquerie religieuse, si expert qu'il se prend pour un führer, un guide, un imam comme il se dit dans notre langue.

Quant au peuple de Tunisie lui-même, il n'est de loin pas aussi innocent qu'un patient Garmes et moins encore qu'un Grégoy Peck dans l'interprétation de John Ballantines.

Ce bon peuple croit à tort, tirer avantages de tous les escrocs qui se présentent à lui pour lui arracher un suffrage, une voix, exactement comme les arracheurs de dents du moyen âge, qui vous rendent édenté et vous laissent plonger dans l'abîme alors que vous continuez à leur apporter tout le soutien dont ils ont besoin pour assurer leur mainmise sur tout le pays.

Je ne comprendrais pas autrement que le marché noir ce marché parallèle tire un aussi grand profit de toute la société tunisienne si la société tunisienne n'était pas aussi malade et aussi mesquine dans ce qu'elle croit être ses intérêts immédiats.

Le Jouadi joue à plein tube, avec tout le succès inattendu qui lui apporte une population en complète rupture avec le civisme, les lois et les règlements qui régissent un pays.

Je crois que nous sommes en présence d'une secte, tel un cancer qui s'est développée dans les organes vitaux de la société civile et ce faisant, elle devient incontournable dans toutes les décisions qu'un Etat péniblement tente de faire introduire.

Pardonnez-moi mon pessimisme, mais l'espoir est désormais une illusion dans l'évolution de la société civile tunisienne. L'intégrisme l'a ravagée et rien ne se fera sans les intégristes.

Cela dit, ce n'est pas la fin du monde pour autant. La vie continue autrement.

Un dernier mot, souvenez-vous du début du film et de la citation de William Shakespeare : "la faute n'est pas dans le destin mais en nous-même"

saleh_1971
| 26-10-2015 15:20
What a pseudo name Lefghoun (like the little afghani I guess)

You are as realist as the charlatan of Jaouadi. You have been simply brainwashed to say what you said about Jaouadi. He is well know to be a hainous and populist figure and has caused so many issues in the city of Sfax by playing on the little brains of people like yourself. He is not even a religious figures and doesnt know much about the sciences of religion according to many who attended his Khotbas.

Stop supporting these crapules, who are causing so much damage to our society.

MDO
| 26-10-2015 14:49
Lorsqu'on voit les positions des députés comme Imed Hammami et un avocat le nommé Mkhlouf l'invité de l'émission ( liman yajou ) qui sont sensés défendre farouchement l'application de la loi même s'ils ne sont pas d'accord avec la décision de Mr Battikh qui n'a fait qu'exercer ses prérogatives, on ne s'étonne pas que Jaouadi se comporte de la sorte.

Lefghoun
| 26-10-2015 14:27
c'est un imam tres realistes qui dit la verité toute crue et n'a pas peur des prejugés.
tout ceux qui sont entrain d'ecrire des post ne le connaissent pas et n'ont jamais prier dans sa mosquée.
ce type incarne l'honeteté et la liberte du culte que le gouivernement actuel cherche a nous faire revenir aux années de braises et qu'on refuse categoriquement.