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Chroniques
SIVP entre arnaqueurs et arnaqués
02/08/2010 | 1
min
SIVP entre arnaqueurs et arnaqués
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Par Nizar BAHLOUL

Le stage d’initiation à la vie professionnelle, plus connu sous ses initiales SIVP, n’est plus ce qu’il était. Critiqué par les employeurs et les employés, l’administration, qui le gère, a décidé de réviser à la baisse ses attributions et la liste de ses bénéficiaires.
Vous le savez sans doute, l’information ne date pas d’hier, il n’est plus possible de reconduire pour douze mois supplémentaires un stagiaire au-delà de sa première année de stage.
Vous le savez sans doute aussi, il n’est plus possible de prendre en SIVP une personne fraîchement diplômée. Le recruteur doit chercher sa perle rare parmi ceux et celles qui sont au chômage depuis six mois et plus.

L’administration de tutelle nous a-t-elle consultés avant de nous pondre ces mesures « avant-gardistes » ? Que nenni !
Qu’un employeur retienne ou non un stagiaire après son SIVP, il n’est jamais consulté (ou rarement) par le bureau de l’emploi de la région pour en savoir davantage sur les raisons qui l’ont conduit à garder ou se séparer de son stagiaire.
Ce sont pourtant ces raisons-là qui aideront l’administration à mieux comprendre les besoins des recruteurs.
Qu’un employé continue ou arrête son stage au sein d’une entreprise, il n’est jamais consulté (ou rarement) par le bureau de l’emploi de la région pour en savoir davantage sur les raisons qui l’ont conduit à quitter son employeur.
Ce sont pourtant ces raisons-là qui aideront l’administration à mieux cerner les qualifications du candidat à l’embauche pour lui trouver, ensuite, une chaussure à son pied et un boulot conforme à ses capacités.

Mais peu importe les raisons, l’essentiel (pour l’administration) était de constater que le SIVP a montré ses limites et qu’il fallait arrêter sa formule actuelle.
Voici donc une nouvelle formule. On va l’essayer, on va constater ses limites et puis on va la changer. Vous verrez. Et après cette nouvelle formule, on va trouver une autre, et puis une autre et puis une autre. Et ainsi de suite.
Et qu’est-ce qui a poussé l’administration à changer l’ancienne formule pour celle actuelle ?
Il semblerait que certains patrons aient abusé de ce système. Les pauvres stagiaires, nous dit-on, sont exploités, arnaqués par ces méchants patrons qui ne versent que des pacotilles à ces bac+4 et bac+6 avant de s’en débarrasser, au bout du stage, pour en recruter d’autres. « Le SIVP est devenu une poule aux œufs d’or pour les employeurs », commentera un demandeur d’emploi dépité par le comportement de ses anciens patrons.

Il est indéniable qu’il existe de « mauvais » patrons. Combien sont-ils ? Quelques uns, beaucoup, énormément ? Nul n’en sait rien, il n’y a pas de chiffres.
Toujours est-il qu’il est indéniable, également, qu’il existe des chefs d’entreprise sincères qui cherchent vraiment à recruter des compétences véritables, des employés prêts à travailler dur pour gagner leur salaire. Et qu’on ne me dise surtout pas que ces employés « honnêtes » sont minoritaires, car il m’est impensable qu’un pays puisse fonctionner (avec le grand nombre de PME que nous avons) avec une majorité de patrons « malhonnêtes » et esclavagistes.
Sachant que notre économie est essentiellement basée sur le service, il est impossible pour la Tunisie de générer sa croissance avec des patrons qui s’amusent à licencier des employés tous les six mois.

Ce qu’on oublie de signaler, c’est que les patrons font face à des demandeurs d’emploi fortement exigeants et surestimant leurs compétences.
Avec son diplôme de bac+4, un demandeur d’emploi pense très souvent qu’il a droit, dès le premier jour, à un gros salaire.
Dans son raisonnement, il a juste oublié toutes les tricheries commises durant son parcours scolaire et universitaire pour obtenir son diplôme. Un diplômé avec la fausse copie n’a pas beaucoup de chances, hélas pour lui, de percer dans l’entreprise qui le recrute.
Un patron ne peut garder au-delà de trois quatre mois un stagiaire-diplômé de français (à titre d’exemple) qui rédige un rapport comme s’il rédigeait une phrase de tchat sur Facebook.
Un patron ne peut garder au-delà de trois quatre mois un bac+4 qui n’évolue pas et dont le rendement demeure quasi nul tout au long de la période de stage.

Partant du principe immuable qu’on ne peut jamais généraliser, il est bon de rappeler à notre administration que des demandeurs d’emploi sérieux et dynamiques, il en existe. Des patrons sérieux et honnêtes, il en existe également.
Réduire drastiquement la marge de manœuvre du SIVP n’est bon ni pour l’entreprise, ni pour les candidats.

Que l’administration consulte les PME et offre des services one-to-one aux employeurs et aux candidats. Qu’elle arrête de distribuer des primes à droite et à gauche, sans exiger des résultats concrets derrière.
Un patron qui bénéficie d’avantages de l’Etat, lors du recrutement d’un stagiaire, se doit de rendre des comptes pour expliquer les raisons qui l’ont poussé à se débarrasser d’un stagiaire après la période fixée.
Et si un patron multiplie les licenciements, l’Etat doit arrêter de lui accorder ces avantages ou ces subventions.
De même, un stagiaire qui multiplie les stages non concluants doit rendre des comptes. L’administration doit lui expliquer quelles sont les raisons qui ont poussé son ancien patron à se séparer de lui ou les raisons qui ont fait qu’un entretien d’embauche n’ait pas abouti.
Mais tant que l’administration continue à travailler seule dans son coin (ou uniquement avec les grosses boîtes en oubliant les PME qui composent l’essentiel de l’économie de la Tunisie), il n’y aura jamais de solution viable.

Ce qu’il faudrait ? Adopter une stratégie qui a fait ses preuves dans certains pays.
Pas la France, qui fait comme nous (ou nous comme elle) en changeant de stratégie avec chaque gouvernement.
Regardons plutôt l’Amérique du Nord ou la Scandinavie où les taux de chômage sont des plus faibles au monde.
Nos ambassades peuvent nous envoyer des rapports précis sur les expériences de ces pays.
S’il y a une solution miracle valable pour tous les pays, cela se saurait, diriez-vous ?
C’est vrai ! Mais commençons par le commencement en arrêtant d’abord de changer de stratégie tous les trois-quatre ans. En préservant, ensuite, les solutions qui ont bien fonctionné pour beaucoup de PME et qui ont permis de générer des milliers d’emplois. C’était le cas du SIVP dans son ancienne formule qui n’a pas bénéficié qu’à des arnaqueurs et qui n’a pas généré que des arnaqués.
02/08/2010 | 1
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