Les émeutes ont gagné, mercredi 13 janvier 2011, une large partie des banlieues populaires du sud de Tunis. Des jeunes de plusieurs quartiers tels que El Kabbaria, Dubosville, Lacagna, Hay Hlel etc se sont regroupés à divers moments de la journée pour affronter les forces de l’ordre. Des affrontements sporadiques auraient été enregistrés, selon plusieurs habitants de ces quartiers, même après 20 h 00, c’est-à-dire l’heure du début du couvre-feu décrété depuis mercredi dans le Grand Tunis.

Il suffit de circuler dans ces quartiers pour ressentir la lourdeur de l’ambiance. Beaucoup de personnes se ruent dans les épiceries et les boulangeries pour faire des provisions. Les « dit-on » tiennent lieu de médias locaux. Les gens sont dans l’expectative et dans une profonde inquiétude. On ressent chez quelques jeunes une certaine euphorie. Affronter les policiers semble pour eux un acte héroïque. Quelqu’un rapporte l’histoire d’un jeune qui a pu extirper l’arme d’un policier et s’est échappé avec. La manière avec laquelle il raconte cela est comique. Mais l’histoire – si elle est vraie - est réellement angoissante.

A Dubosville, vieux quartier populaire de Tunis, la carcasse d’une voiture abandonnée est au centre de la rue, complètement carbonisée. Elle témoigne de heurts survenus hier après-midi selon des témoins. Mis à part cette carcasse, rien dans les environs ne semble avoir brûlé. A 14 h aujourd’hui, un grand nombre d’habitants du quartier sont regroupés pour les funérailles d’un jeune mort, me dit-on, sous les coups de la police. Toutefois, sa mort serait sans rapport avec les émeutes mais le fruit d’une bavure policière survenue pendant son interrogatoire. Les visages sont graves. Les passants sont hagards. Une atmosphère à couper au couteau.

A El Kabbaria, autre vieux quartier populaire de Tunis. Deux locaux symboliques ont été brûlés et saccagés. Le poste de police et un siège relevant du RCD. Il y a un attroupement devant ces deux locaux, qui se font d’ailleurs face. Le poste de police est entièrement déserté de ses occupants. Les habitants du quartier entrent constater les dégâts. Certains prennent des photos avec leur portable. Quelques jeunes continuent le saccage. Une autre carcasse de voiture, encore fumante, est abandonnée devant le poste de police. Des informations contradictoires circulent sur l’heure de l’incendie. Hier ou aujourd’hui ? On ne sait vraiment trop.
Les environs de ces deux locaux semblent, pour leur part, avoir été épargnés. On constate moins de vendeurs sur le marché. Les gens, comme ailleurs, se précipitent pour faire des achats. Tout le monde semble vouloir rentrer, au plus vite, chez lui. Pour se mettre à l’abri.